Toute la semaine, Macron a multiplié les apparitions pour tenter de donner du crédit à la fable du « nouveau souffle » de ce gouvernement Attal, après le vote de la loi immigration qui ouvre la voie au RN.
Cette agitation ne peut masquer le fait que sa majorité relative est explosée, alors que près d’un quart des députés Renaissance ont voté contre ou se sont abstenus sur cette loi. Quant aux nominations au gouvernement, de Rachida Dati mise en examen pour corruption à Vautrin militante de la manif pour tous en passant par Oudéa-Castéra et ses accointances avec le très catholique collège Stanislas, elles accentuent la crise du parti présidentiel dans une fuite en avant réactionnaire.
Au premier conseil des ministres, Macron a voulu galvaniser son gouvernement. Terminé les « états d’âme » ! « Vous n’êtes pas seulement des ministres, vous êtes les soldats de l’an II du quinquennat. […] Je ne veux pas de gestionnaires, je veux des révolutionnaires. Ce gouvernement sera celui de la discipline républicaine »… Une posture ridicule de chef incontesté alors que Macron est rejeté comme jamais !
Il cherche à rejouer la même imposture qu’en 2017, où il a pu profiter de l’effondrement des vieux partis d’alternance en parlant de « révolution ». Mais aujourd’hui, c’est la décomposition de sa propre politique « ni droite, ni gauche » qui est en marche. C’est sur le terrain de l’extrême-droite et de sa politique xénophobe et raciste qu’il s’agite et tente de reprendre la main pour le compte des classes dominantes, en lui ouvrant la voie vers le pouvoir.
Un « réarmement » contre les travailleur·es et la jeunesse
C’était le sens même de cette conférence de presse élyséenne mardi soir, mise en scène devant un parterre de journalistes triés sur le volet, mélange d’autosatisfaction et surtout d’appel à l’ordre, de nationalisme et de chauvinisme.
Une politique qui vise en premier lieu la jeunesse et l’école. Non content de soutenir Oudéa-Castéra et ses mensonges pour justifier son choix de mettre ses enfants dans une école bourgeoise et obscurantiste, Macron a ressorti tout le vieux fatras réactionnaire.
Face à une situation critique où l’école manque de tout et surtout d’enseignants, le voilà qui ressert la Marseillaise, l’uniforme ou la « tenue unique » qu’il veut étendre à tout le pays pour 2026, la généralisation du SNU pour tous les élèves de seconde… tout lui est bon pour vanter l’ordre et le « redressement civique ». Voilà le « réarmement » qu’il prévoit pour la jeunesse, en rajoutant « ce n’est pas vieux jeu, c’est ce qui nous unit »… Pas sûr qu’elle partage son rêve d’unité derrière lui !
D’autant qu’il mène directement la politique de l’extrême-droite, jusqu’à en reprendre les formules comme cet appel à ce que « la France reste la France », un slogan de Ciotti repris par Zemmour lors de la présidentielle.
Même chose pour la « natalité » et son slogan du « réarmement démographique ». Il reprend une vieille lune du RN qui avait déposé un projet de loi « visant à faire de l’année 2024 une année dédiée à la relance de la natalité française ».
Face à ce discours en opposition à l’immigration et au droit des femmes, les réactions n’ont pas manqué, à commencer par la Fondation des femmes qui a rétorqué : « Laissez nos utérus en paix » ! Pas sûr là encore que Macron puisse enrôler les femmes, les jeunes, les travailleur.es à sa politique de chair à canons et de chair à patrons.
Il cherche à préparer l’opinion, à la soumettre à son « économie de guerre », une politique pour le compte des capitalistes français dans le cadre de la concurrence internationale qui s’intensifie.
Cela signifie une nouvelle salve d’attaques. Dès le printemps, il veut « des règles plus sévères » visant à contraindre les chômeurs à prendre les pires boulots les plus mal payés. A cela s’ajoute le salaire des fonctionnaires au mérite, l’augmentation des franchises sur les médicaments prescrits qui pourraient passer de 50 centimes à 1 euro, l’augmentation de 10 % de l’électricité en février, etc.
Dans le même temps, l’Oxfam révèle que les 42 milliardaires français ont empoché 230 milliards supplémentaires depuis 2020. Soit l’équivalent des dépenses de santé en France en 2022 !
Cette offensive idéologique, sociale, politique est le complément de l’offensive militariste et guerrière. Macron a réaffirmé son soutien à la guerre génocidaire d’Israël et appelé à renforcer la guerre en Ukraine. Vendredi à Cherbourg, lors de ses vœux devant les armées et les marchands de canon, il a insisté : « la France a un rendez-vous avec son industrie de défense, une industrie en mode économie de guerre » avec « une capacité de production plus rapide et plus forte » !
Une telle politique ne peut que susciter la colère et la révolte de la jeunesse qui ne veut ni être domestiquée, ni enrôlée, mais aussi des travailleurs et des classes populaires qui n’en peuvent plus des inégalités qui explosent, de l’inflation et des politiques racistes et xénophobes visant à nous diviser.
Le 14, le 21 et après, abrogation de la loi immigration
C’est ce mécontentement et cette colère qui se sont exprimés le 14 et le 21 janvier, en soutien aux sans-papiers et aux migrants, une solidarité internationaliste.
Cela s’est fait par-dessus la tête des appareils de la gauche syndicale et politique, qui avaient refusé de manifester aux côtés des collectifs de sans-papiers et de la Marche des Solidarités le 14 janvier.
L’appel du 21 janvier, au nom de la « Liberté, égalité, fraternité » et de la « République » est pour le moins consensuel. Au nom de « l’unité », Sophie Binet se retrouve même à faire une émission commune avec Toubon, ex ministre de Chirac. Par contre, l’unité n’est plus possible quand il s’agit de manifester avec la Marche des Solidarités !
Tous ces appareils espèrent faire pression sur le Conseil constitutionnel d’ici le 25 janvier. Une politique compatible avec le dialogue social, l’arène parlementaire et les calculs de Macron lui-même qui souhaite visiblement que la loi immigration soit retoquée à la marge pour pouvoir la promulguer.
Comme nous sommes nombreux à le crier dans les manifestations, nous exigeons l’abrogation de la loi Macron-Darmanin-Le Pen, en affirmant l’égalité des droits des travailleur·es, la régularisation de tous les sans-papiers, la solidarité de classe et l’internationalisme face aux tombereaux de démagogie chauvine.
Des débuts de blocages ont eu lieu dans des lycées et des facs et des équipes syndicales appellent à la grève le 25 janvier avec la Marche des Solidarités et des collectifs de sans-papiers, ainsi qu’à une nouvelle journée de manifestation le 3 février.
Un mouvement à la base s’organise, se renforce, veut se battre en prenant ses affaires en main. C’est à partir de ces luttes par en bas que la contestation peut s’étendre, faire céder le pouvoir et mettre un coup d’arrêt à cette montée de l’extrême-droite.
Combattre Bardella, c’est combattre Attal !
En sortant de sa rencontre avec Attal, Bardella a commenté : « Le 1er ministre m'a écouté, c'était républicain, parfois même courtois, et je l'ai alerté sur ce qui me semblait être les inquiétudes aujourd'hui de beaucoup de nos concitoyens ». Une politesse bien « républicaine » qui souligne à quel point l’un comme l’autre servent les mêmes intérêts de classe.
De fait, le match est engagé entre Attal et Bardella pour savoir qui prendra la tête d’un parti de droite extrême ou d’extrême-droite dans le pays. Et poussé par Macron et son propre arrivisme, Attal n’a pas fini de surprendre. Samedi, dans le Rhône, Il a donné le ton sur ses priorités : « un des enjeux […] c’est comment garder notre identité, notre identité française, nos valeurs, nos grandes forces, dans un monde qui change et qui bouge ». Le voilà prêt à doubler Bardella sur le terrain de l’extrême-droite identitaire !
Face à la politique de droite extrême de Macron-Darmanin-Attal et la menace de l’extrême-droite au pouvoir, c’est bien l’unité de la lutte, l’unité de la contestation qu’il s’agit de construire, en regroupant les forces de ceux qui veulent en finir avec cette société capitaliste. On ne peut combattre le RN sans combattre Macron et son gouvernement, ni sans combattre l’ensemble du système que ces politiciens servent.
Laurent Delage