Jeudi dernier, le général américain Christopher Cavoli, chef d’état-major suprême des forces de l’Alliance en Europe, annonçait les plus grandes manœuvres de l’Otan « depuis des décennies ». L’exercice baptisé « Défense inébranlable » fera intervenir pendant plusieurs mois 90 000 soldats, 1100 véhicules de combat, 80 avions et 50 navires « contre un adversaire de taille comparable », à savoir, sans la nommer, la Russie.
Le dimanche précédent, le quotidien allemand « Bild » avait publié une note classée « secret-défense » de l'armée allemande, qui imagine entre autres scénarios celui d’une escalade militaire provoquée par une Russie victorieuse de l’Ukraine et conduisant dans l’année 2025 à un affrontement direct entre l’Otan et celle-ci. Une hypothèse sans fondement qui ne vise qu’à accréditer la seule responsabilité de Poutine dans la guerre actuelle pour justifier de nouveaux plans dans l’offensive militaire de l’Otan.
Après la reprise de frappes meurtrières de l’armée russe sur les villes ukrainiennes depuis la fin décembre, les va-t-en-guerre des puissances occidentales ont accentué leur propagande guerrière contre Poutine, faisant de la Russie une puissance militaire qui menacerait à court terme non seulement ses voisins mais tout le reste de l’Europe.
Leur pantin Zélensky, à qui ils ont offert d’intervenir en premier à la tribune du forum mondial de Davos a surenchéri : « Il [Poutine] se délecte des conflits qui font souffrir les autres. Il reçoit plus d'armes de la Corée du Nord et de l'Iran. Nous tous, dans le monde libre, existerons tant que nous nous opposons à de tels régimes », a-t-il lancé, avant de réclamer une « décision forte » : « Les avoirs russes [300 milliards de dollars] doivent être gelés et utilisés pour la reconstruction de l'Ukraine. Poutine doit se repentir de ce qu'il a fait ».
Livraisons d’armes et « économie de guerre »
« Armement : l’appel au secours de l’Ukraine », titrait Les Echos en une du journal le 19 janvier. Depuis l’échec de la contre-offensive ukrainienne lancée l’été dernier, c’est le leitmotiv de la propagande occidentale, destiné à prouver aux yeux de leur opinion publique que la Russie fait courir un grand danger à l’Europe, aux nations « démocratiques » qui pourraient connaître un nouveau « Munich » -comme en 1938 face à Hitler- si on n’assurait pas sa défaite.
L’armée ukrainienne a pu se vanter d’avoir abattu 85 avions de combat russes de type chasseur bombardier et, dernièrement, au-dessus de la mer d’Azov, un avion AWACS (avion transportant des systèmes de détection et un poste de commandement aéroporté). Elle aurait détruit également 10 000 engins terrestres et plusieurs bâtiments de la marine russe à Sébastopol. Elle devrait recevoir dès ce printemps des avions de chasse de fabrication américaine F16 dont il aura fallu au préalable former les pilotes et elle réclame aujourd’hui des avions d’attaque américains A-10 Warthog.
Banques, Etats de l’Union européenne et l’UE elle-même en tant qu’institution ont accordé au gouvernement ukrainien 85 milliards d’euros d’aide depuis l’agression russe du 24 février 2022 et les Etats-Unis, 100 milliards de dollars. Outre les 50 milliards encore en discussion dans l’UE du fait du blocage de la Hongrie, et 61 milliards aux Etats-Unis eux aussi encore bloqués par l’opposition d’une partie des Républicains au Congrès, de nombreux accords bilatéraux, comme celui signé récemment par le Royaume Uni, et annoncé tout dernièrement par Macron pour la France prévoient la livraison de nouveaux matériels, 78 canons Caesar, entre autres, de la France par exemple.
Ce n’est évidemment pas par amour de la liberté et de la démocratie que les puissances occidentales multiplient les aides à l’Ukraine. Il devient évident que la guerre fait partie de leurs projets stratégiques, politiques, pour assurer leur suprématie en ce qui concerne les USA, leur part d’influence pour les autres, qui peut se traduire en autant de marchés, d’accès à des matières premières et main d’œuvre à bas coût pour leurs multinationales, aux prises avec une concurrence de plus en plus aiguë.
La guerre, par ailleurs, les investissements dans l’industrie d’armement, sont un moyen de continuer à subventionner les capitalistes. C’est ainsi que le groupe Nexter qui est issu entre autres des groupes de l’industrie nationale d’armement GIAT industrie et SNPE produit aujourd’hui les canons Caesar (ainsi que les obus de 155 mm qui leur sont destinés) et les chars AMX… Auditionné par la commission de défense nationale de l’Assemblée à l’automne dernier, un de ses dirigeants a expliqué : « Nexter est capable de produire aujourd’hui 60 000 obus par an, production qu’il est capable de porter à 90 000 en réalisant des investissements. Aller au-delà implique la construction d’usines supplémentaires et le recrutement de nombreux personnels, souvent hautement qualifiés, autant de coûts impossibles à rentabiliser s’il n’y a pas de commandes régulières sur la durée ». Nexter n’a pas d’inquiétude à se faire, l’État français, l’UE promettent des aides pluriannuelles à l’Ukraine… Et ils soutiendront le « courageux peuple ukrainien aussi longtemps qu’il le faudra ».
Notre solidarité avec les peuples ukrainien et russe
Du côté de la Russie, la population paie le prix fort d’une guerre qui ne sert que la volonté de pouvoir de Poutine et les cercles d’oligarques qu’il protège. Les industries d’armement tournent à plein régime, monopolisant les richesses du pays alors que les salaires permettent tout juste de survivre. Comme en Ukraine, les familles comptent leurs morts et leurs mutilés tandis que la corruption enrichit les proches du pouvoir.
Dans les deux pays, le pouvoir n’arrive pas à recruter pour la guerre autrement que par la force. Le nombre de ceux qui essaient d’échapper aux réquisitions en fuyant à l’étranger ou en se cachant ne cesse de grandir. Le gouvernement ukrainien manque plus de soldats que de matériel et il a échoué à faire adopter une nouvelle loi de mobilisation qu’il doit retoquer pour la présenter à nouveau.
Le mécontentement contre la guerre, des familles des soldats, s’exprime malgré la répression en Russie et en Ukraine, la pression nationaliste et la loi martiale. C’est cette révolte, encore sourde, qui est la seule voie de salut pour les peuples.
Toute notre solidarité doit aller dans le même sens, le refus de la guerre, de la militarisation de la société, de la production de canons et d’avions de combat au détriment des productions utiles aux populations, de la satisfaction des besoins élémentaires en nourriture, logements, santé, éducation, culture. C’est le combat contre le « réarmement » prôné par Macron, le refus de l’enrégimentement de la jeunesse, par l’instruction civique et morale dès son plus jeune âge, par le SNU ensuite aujourd’hui, et demain la conscription obligatoire, pour aller mourir sur les terrains d’affrontement des groupes capitalistes et d’Etats rivaux.
C’est la lutte contre le militarisme, le prolongement du nationalisme qui voudrait faire croire que nous aurions tous les mêmes intérêts, parce que vivant à l’intérieur des mêmes frontières.
Notre ennemi est dans notre propre pays, c’est la minorité richissime, parasitaire, qui accapare le fruit du travail de millions de femmes et d’hommes et ses serviteurs à la tête de l’État.
Ils mettent la guerre à l’ordre du jour. Nous mettons, nous, à l’ordre du jour, avec tous nos alliés que sont les travailleurs, les exploités de tous les pays, une nouvelle révolution qui mette à bas l’Ancien régime capitaliste et ouvre la voie à l’émancipation des travailleurs et à la coopération entre les peuples sur l’ensemble de la planète.
Galia Trépère