Depuis la Nouvelle Calédonie, vestige de l’empire colonial français, Macron a affiché sans fard son mépris des travailleurs et des peuples. Lundi, il s’est mis lui-même en spectacle avec deux journalistes complaisants, se félicitant, « il y a cent jours, on nous expliquait que le pays serait à l’arrêt et qu’il n’y aurait plus un déplacement sans casseroles ! », sans même réaliser que sa morgue cynique se retournait contre lui, obligé de partir à 16 000 kms pour tenir son rendez-vous avec 10 jours de retard ! Preuve d’une certaine lucidité de sa part mais surtout de sa prétention à prendre la pose du chef d’une grande puissance bien au-dessus des contingences de la vie des travailleurs et des peuples ! Une prétention au-dessus de ses moyens, président isolé, seul, d’une vieille grande puissance coloniale et impérialiste sur le déclin.
Durant ce voyage dans la zone Indo-Pacifique, de la Nouvelle-Calédonie au Sri Lanka, en passant par Vanuatu, Macron a, toute honte bue, posé au défenseur des populations locales qui seraient menacées par « les nouveaux impérialismes » en visant essentiellement la Chine ! Cynisme total de celui qui ne cherche qu’à défendre les positions de la bourgeoisie française dans la région, en vantant la présence coloniale française ainsi que ses 3 000 soldats, ses Rafales et ses patrouilleurs.
Macron et les classes dominantes qu’il sert mènent une même offensive contre les travailleur·se·s et contre les peuples.
Il assène les mêmes formules creuses, parlant d’« efficacité » à propos de Borne et surtout d’« ordre » et d’« autorité », en soutenant les flics face aux dénonciations de leurs violences comme à Marseille. La seule béquille de ce pouvoir de plus en plus isolé, ce sont le 49.3, les violences policières, l’armée ! Suspendu dans le vide, Macron tente de donner l’illusion d’un pouvoir personnel fort pour être en mesure de poursuivre sa politique de défense des intérêts des capitalistes français. Le spectacle parodique auquel il se livre pourrait bien se retourner contre lui.
La place de la France dans l’offensive des grandes puissances occidentales contre la Chine et dans le monde
Mercredi à Nouméa, devant un parterre de caldoches avec drapeaux bleu, blanc, rouge et Marseillaise, Macron s’est écrié : « La Nouvelle-Calédonie est française parce qu'elle a choisi de rester française » !
Passant sous silence le boycott du dernier référendum par les indépendantistes, il a répété que la population avait dit « non » à l’indépendance. Qu’importe si les kanaks ne représentent qu’un peu plus de 40 % de la population du Caillou !
Macron veut aller à marche forcée, annonçant son projet de « la Nouvelle-Calédonie dans la République » ! Il avait convoqué toutes les forces politiques de l’île, espérant réaliser l’union sacrée derrière lui. L’Union Calédonienne, composante la plus importante du FLNKS, a refusé en dénonçant la volonté de Macron « de faire de la Nouvelle-Calédonie le point névralgique de son axe indo-pacifique », avec à la clé une « militarisation accrue » du territoire, « instrumentalisé à outrance pour servir sa stratégie d'équilibre entre la Chine et les Etats-Unis ».
Comme en Afrique, la France s’accroche à son « pré carré » colonial qui lui permet de disposer du deuxième domaine maritime mondial derrière les Etats-Unis grâce à ses colonies de Polynésie, Wallis-et-Futuna et Nouvelle-Calédonie, sans parler des Antilles.
Pas étonnant que les classes dirigeantes françaises voient d’un mauvais œil le déploiement de concurrents. Pour Macron, pas question de laisser la place en Nouvelle-Calédonie : « Les questions d’indépendance sont des questions des décennies passées. Si l’indépendance, c’est choisir demain d’avoir une base chinoise ici, bon courage ! ».
De la guerre par procuration en Ukraine à la mondialisation de la militarisation, la concurrence capitaliste s’intensifie, au prix d’une offensive contre les peuples, contre leurs droits démocratiques, pour continuer de piller les matières premières, s’assurer le contrôle des routes commerciales et des approvisionnements.
Voilà l’ordre voulu par Macron et ceux qu’il sert, déposséder les peuples, les travailleur·se·s, pour la survie de ce système.
« L’ordre, l’ordre, l’ordre »… du capital et de ses flics
Dans son interview, Macron a appelé à « l’ordre » et à « l’autorité », félicitant Darmanin pour le déploiement policier lors des émeutes. Qu’importent les violences policières, comme à Marseille où quatre policiers de la Bac sont mis en examen pour le tabassage du jeune Hedi après un tir de LBD à bout portant. Applaudis par leurs collègues au sortir de leur garde à vue, ils ont reçu le soutien de leur hiérarchie qui a ainsi encouragé la fronde de policiers pour exiger l’impunité de la police.
La hiérarchie policière couvre toutes les exactions, à commencer par le Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), Frédéric Veaux : « avant un éventuel procès un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail », aussitôt soutenu par Nuñez, préfet de police de Paris.
Macron a déclaré « comprendre leur émotion » en refusant de commenter les propos du DGPN. Quant à l’arriviste démagogue Darmanin, à la manœuvre depuis le début, il a mis en scène son soutien jeudi dans un commissariat parisien, avant de recevoir les syndicats de policiers, dont Alliance et l’UNSA Police ! Ils sont sortis « satisfaits » de leur entrevue et sur leur revendication de « protection fonctionnelle » permettant de payer les avocats et de maintenir le salaire des policiers incriminés… Il n’est pas dit d’ailleurs que cet empressement zélé à servir les plats aux syndicats policiers d’extrême droite servent ses ambitions, le petit monsieur pourrait trouver sur sa route des interlocuteurs plus crédibles.
Entre les syndicats policiers d’extrême-droite exigeant l’impunité face aux « nuisibles » et la surenchère de LR dénonçant la mollesse de Macron à défendre les policiers, la campagne réactionnaire s’approfondit, produit de cette offensive des classes dominantes qui fait exploser inégalités et injustices tout en appliquant une justice de classe, expéditive qui a condamné de nombreux jeunes en comparution immédiate à de la prison ferme !
Et Macron compte bien creuser le sillon avec sa loi immigration, destinée à stigmatiser, à enfermer des migrants et à maintenir des travailleurs sous-payés et sans droits. Un texte pour « reprendre le contrôle de notre destin face aux dérèglements du monde » déclare-t-il, reprenant la formule de la droite. Pas sûr que cela suffise à attirer les votes de LR, alors que Retailleau instrumentalise les émeutes pour dénoncer l’immigration et déclare : « Pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques ».
Soumettre le pays à la satisfaction des exigences du patronat
Du point de vue des travailleurs et des classes populaires, ce déferlement démagogique, sécuritaire, raciste qui rassemble le parti de l’ordre obéit à une seule et même logique. Quant au fond, Macron et tous les concurrents qui s’agitent pour accéder à la sinécure, n’ont qu’un seul et même objectif, distribuer subventions et cadeaux fiscaux au capital, au nom de la « planification écologique » ou de la « réindustrialisation ». L’Assemblée vient ainsi de voter, avec le soutien de LR et du RN, le projet de loi sur l’industrie verte qui prévoit entre autres de lever un « plan d’épargne avenir climat » d’un milliard pour la filière.
Ces dernières années, les aides aux entreprises ont explosé, passant de 10 % du budget de l’Etat au début des années 90 à plus de 30 % aujourd’hui, soit près de 160 milliards par an !
Une telle fuite en avant assèche les dépenses sociales, qui ne sont pour Macron qu’un « pognon de dingue » inutile. Le Maire a déjà annoncé des coupes claires chez les opérateurs de l’Etat (Pôle-Emploi, CNRS, Météo-France…) dès le budget 2024 et prévient qu’il n’y aura pas de nouvelles aides pour les familles face à l’inflation. Qu’importe si le 1er août, l’électricité augmente de 10 % !
Une politique qui dévaste les services publics, en particulier la santé et l’éducation. Macron peut promettre qu’il y aura « un professeur devant chaque classe à la rentrée », rien n’est moins sûr ! Par contre, à défaut d’enseignants, l’axe du nouveau ministre Attal est tout trouvé : « Nous devons remettre le respect de l'autorité et des savoirs fondamentaux au cœur de l'école » !
Cette politique au service du capital plonge les familles des quartiers populaires dans des situations de plus en plus dramatiques pendant que les actionnaires se portent au mieux. Le CAC40 vient de connaître sa plus forte hausse depuis le 4 janvier, se situant toujours dans ses sommets historiques. Et bonnes nouvelles pour les actionnaires de Dassault, la France a exporté pour 27 milliards d'euros d'armements en 2022, un record jamais égalé et largement au-dessus des 11,7 milliards de 2021.
Ordre, militarisation, offensive réactionnaire, voilà résumé le programme du capital. On ne peut ni l’amender ni le corriger, mais seulement lui opposer le programme des travailleurs, un programme de transformation révolutionnaire.
Face à l’offensive réactionnaire, capitulation de la gauche syndicale et politique
Le « dialogue social » derrière lequel courent les directions syndicales est une imposture, face à ce gouvernement qui veut poursuivre sa politique anti-ouvrière. Le 12 juillet, elles étaient reçues par Borne pour discuter « agenda social » dans une ambiance particulièrement cordiale… Le même jour, le Sénat votait le projet de loi pour le « plein-emploi » prévoyant d’obliger les bénéficiaires du RSA à travailler au rabais 15 h par semaine !
Quant à la Nupes, elle éclate à la fois par ses rivalités à l’approche des élections européennes et par son soutien quant au fond du système. Même leur timide communiqué appelant « au rétablissement de l’ordre républicain dans la police et au respect de l’état de droit » après les déclarations du DGPN n’a pas été signé par le PCF en raison « des différences d’approche sur les questions de sécurité et sur les violences de ces dernières semaines ».
Sur le fond, cette gauche institutionnelle soutient et défend la police, à l’image d’Olivier Faure qui avait voté la loi Cazeneuve de 2017 permettant aux flics de tirer pour un refus d’obtempérer. Beaucoup d’entre eux étaient présents aux côtés des syndicats policiers lors du « rassemblement citoyen en soutien aux forces de l’ordre » du 19 mai 2021 devant l’Assemblée Nationale.
Une gauche qui s’est associée dans le passé aux guerres coloniales et a toujours capitulé devant le parti de l’ordre quand elle ne l’a pas rallié. Une gauche nationaliste, défendant la République, la France et son armée et qui soutient la guerre en Ukraine, cette guerre par procuration permettant aux Etats-Unis et aux grandes puissances de se lancer dans une militarisation du monde.
La défense des intérêts des travailleurs et des peuples est indissociable du combat contre cette domination du capital à tous les niveaux pour y mettre un terme.
Contre leur guerre contre les travailleurs et les peuples, une politique révolutionnaire internationaliste
Alors qu’il veut mener une vaste offensive pour le compte des classes possédantes, Macron n’a d’autre politique que de mettre en scène son pouvoir personnel, son « autorité » en appelant au parti de l’ordre.
Cette fuite en avant est lourde de dangers pour le monde du travail et la jeunesse. Mais la situation peut rapidement s’inverser vu la faiblesse politique du pouvoir, à condition que les travailleurs, les jeunes, puissent agir en toute indépendance de classe, conscients de leurs propres intérêts.
Cela signifie discuter largement de nos perspectives et de nos réponses face à la politique du capital. Un programme qui mette au cœur la question de qui dirige la société, conteste le « dialogue social » et les institutions, comme le droit des actionnaires à décider ce qu’ils veulent.
Il n’y aura pas d’issue démocratique à la situation sans prise en main de la société par les travailleur·se·s eux-mêmes, sans contrôle démocratique par en-bas dans les usines, les bureaux, les quartiers, sans expropriations des actionnaires pour satisfaire les besoins de la collectivité.
En cette période de congés, après l’échec du mouvement contre la réforme des retraites, nous avons aussi besoin de refaire des forces politiques pour nous préparer aux rendez-vous de la rentrée, en toute lucidité sur les objectifs du pouvoir et du patronat qui se préparent à nous faire la guerre, afin de nous donner les moyens de défendre sans compromis nos propres intérêts de classe.
Laurent Delage