« Ce n’est pas un accident, c’est un meurtre ! » dénonce un sauveteur en mer grec qui accuse les garde-côtes d’avoir délibérément laissé mourir 650 migrants dont une centaine d’enfants embarqués à bord du bateau de pêche qui a chaviré dans la nuit du 13 au 14 juin, alors qu’il se trouvait dans les eaux internationales, au large des côtes grecques. Il y aurait 104 survivants dans un état de détresse physique et morale absolue que le gouvernement grec se prépare à regrouper dans un camp et dont la plupart seront expulsés.
Face à l’ampleur du drame, le premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis a été obligé de décréter trois jours de deuil national. Il s’est dit « attristé par la perte de tant de vies innocentes » alors que, le matin même du naufrage, il se félicitait d’avoir « réduit au minimum les flux migratoires » par une politique répressive refoulant illégalement les exilés aux frontières et qu’il fait de la lutte contre l’immigration un cheval de bataille, promettant l’extension du mur « antimigrants » à la frontière séparant la Grèce de la Turquie.
Macron, quant à lui, tout occupé à recevoir MBS, son ami le tyran d’Arabie saoudite, figure du capitalisme mondialisé, n’a pas réagi, tout comme Georgia Meloni la première ministre italienne d’extrême droite qui, accompagnée d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, était, dimanche 11 juin, en visite en Tunisie munie d’un chèque d’un milliard d’euros destiné à financer le contrôle des frontières du pays.
Quant à Darmanin, il s’est ému, « Le drame qui a coûté la vie à plusieurs dizaines de femmes et hommes, lors du naufrage de leur embarcation dans la mer Méditerranée, nous bouleverse. Mes pensées vont aux proches des victimes ». Cette émotion l’a vite abandonné à la pensée de l’ignoble opération qu’il a commanditée à Mayotte, toujours en cours dans un terrible silence, et de de sa loi immigration, de Ciotti ou de Le Pen-Zemmour qui, la semaine dernière, s’emparaient sans scrupules du drame d’Annecy pour déverser leur stupidité et leur haine xénophobes meurtrières.
Ceux qui instrumentalisent les peurs, la xénophobie pour masquer la faillite de leur politique
Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, la veille du naufrage, avait repéré le bateau surchargé sans le secourir, prétextant, tout comme les garde-côtes grecs, que les réfugiés ne voulaient pas être secourus ! « C’est un argument fallacieux régulièrement utilisé par certains États membres de l’Union européenne et par Frontex pour essayer de prouver que ces bateaux ne sont pas en détresse », selon Louise Guillaumat, directrice adjointe des opérations de SOS Méditerranée, et ainsi contourner le cadre légal défini par le droit maritime qui oblige à porter assistance à tout navire en détresse.
La carence criminelle est manifeste au point que Frontex est obligé de la reconnaître. Le drame aurait pu être évité mais les gouvernements des 27 États de l’UE ferment les yeux et s’enferrent dans une absurde et criminelle logique antimigrants avec l’adoption du pacte immigration qui aggrave les mesures répressives de leur Europe-forteresse et externalise les frontières. Leur seule préoccupation est de se défausser sur les États par lesquels transitent les migrants dont la Libye et la Tunisie auxquels ils sous-traitent la répression.
Le prix payé par les migrants s’alourdit. En 2022, selon l’Organisation internationale pour les migrations, 159 410 migrants sont parvenus à traverser la mer Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Plus de 2 400 sont morts. Depuis le début de l’année, au 11 juin 2023, au moins 1 037 migrants sont morts ou portés disparus en mer Méditerranée, depuis 2015 ils sont donc au moins 24 381.
Les États justifient leur fuite en avant criminelle par une abjecte propagande chauvine, xénophobe et raciste.
L’ouverture des frontières sera l’œuvre des prolétaires eux-mêmes
Quant aux politiciens qui ne sont pas encore totalement subjugués et aveuglés par leur propre propagande, il est évident non seulement que leur politique est criminelle, leurs justifications hypocrites et dangereuses mais qu’elle constitue une faillite incapable de répondre au drame engendré par le capitalisme mondialisé, le pillage des richesses par les multinationales, la misère, la violence de la concurrence, des dictatures et de la guerre.
La mondialisation capitaliste perpétue les blessures vives héritées de la colonisation, accentue le pillage des richesses, entretient les dictatures, attise les rivalités entre clans ou ethnies au sein des pays pauvres en fonction des intérêts des groupes capitalistes et des grandes puissances, provoque guerres et conflits au point que le seul espoir est le départ au prix de voyages de plus en plus risqués, désespérés.
Les réponses réactionnaires répressives des États, loin d’apporter des solutions, aggravent les tensions tout en flattant l’égoïsme national le plus étriqué qui profite aux forces les plus réactionnaires et se retourne contre les migrants mais aussi contre les travailleurs et les classes populaires.
La société a pourtant les moyens de faire face dès maintenant à cette arriération barbare, les moyens de soulager la misère et la détresse, d’accueillir celles et ceux qui la fuient.
Loin d’être nos ennemis, les migrant·e·s sont nos sœurs et nos frères de classes, des prolétaires acteurs, au prix de leur vie, de la transformation du monde pour en finir avec cette société où les capitaux circulent librement avides de profits alors que les êtres humains sont d’autant plus contrôlés, enchaînés, réprimés qu’ils sont pauvres et démunis.
Défendre leur droit participe de la lutte pour les droits de tous les exploités, elle est notre lutte contre tous les préjugés réactionnaires, nationalistes. « Les travailleurs n’ont pas de patrie » n’est pas une formule abstraite ou morale mais une politique. Elle commence par l’accueil humain des migrant·e·s, la régularisation des sans-papiers. Elle met en avant le droit de libre circulation et d’installation.
La classe minoritaire et parasite qui dirige le monde est incapable d’appliquer les principes censés régir le droit international fondé sur le respect de la dignité humaine, des droits des migrant·e·s, la lutte contre le racisme, pour la liberté de circulation, bien au contraire elle les foule au pied. Elle est réactionnaire, dépassée, condamnée par le développement même du capitalisme dont la faillite crée les conditions de la coopération, de la solidarité entre les peuples, de l’abolition des frontières, du socialisme.
Yvan Lemaitre