Depuis longtemps préparée par les puissances de l’Otan, les USA et leurs alliés, la « contre-offensive » ukrainienne aurait démarré le 6 juin dernier, le jour de la destruction aux conséquences catastrophiques du barrage de Kakhovka sur le Dniepr, dont chacun des deux camps se renvoie la responsabilité. Sur trois endroits de la ligne de front de près de 1000 km de long, des brigades ukrainiennes s’efforcent de percer, sous le feu de l’artillerie ennemie, les lignes de défense de l’armée russe, champs de mines, tranchées, chars enterrés et obstacles antichars, casemates en béton. Ces soldats chargés d’ouvrir des brèches subissent de lourdes pertes, 1000 morts par jour selon les Russes, un nombre peut-être grossi pour les besoins de la propagande mais conforme aux « lourdes pertes » enregistrées par des responsables américains, après quoi d’autres brigades s’efforceraient de parvenir jusqu’à la mer d’Azov coupant ainsi en deux les forces russes, entre le Donbass et la Crimée. A cette heure, une centaine de km² au plus auraient été repris par les soldats ukrainiens, encore séparés de la mer d’Azov par plus de 100 kilomètres, ce qui laisse augurer de plusieurs semaines voire mois supplémentaires de cette boucherie sanglante, qui rappelle celle des tranchées de la guerre de 14-18.
Vers une extension de la guerre ?
Les dirigeants occidentaux, de l’Otan, qui supervisent ces opérations militaires, ont multiplié parallèlement, en préparation du prochain sommet de l’Otan à Vilnius les 11 et 12 juillet, réunions et conférences de presse, ainsi que, sur le plan militaire, des exercices de grande ampleur en Europe qui ont l’objectif de réaliser l’interopérabilité des troupes de l’Otan, manœuvres aériennes en Allemagne impliquant 250 avions et hélicoptères de combat dont 100 américains et 10 000 aviateurs venus de 25 pays de l’Otan et de ses alliés dont le Japon et la Suède, et en Roumanie, pays limitrophe de l’Ukraine, des exercices impliquant 2500 soldats venant d’une douzaine de pays dont la France.
L’escalade guerrière a franchi un nouveau palier, dont aucune des puissances impliquées n’a réellement la maîtrise. L’objectif déclaré est d’obliger la Russie à négocier mais ce déploiement militaire pourrait déboucher sur une extension de la guerre, l’implication directe d’autres armées -l’ancien dirigeant de l’Otan, Rasmussen, aujourd’hui conseiller de Zelensky, n’a-t-il pas évoqué sous forme de menace, une intervention directe sur le terrain de la Pologne et des États baltes- et, à terme, l’utilisation d’armes tactiques nucléaires, réinstallées il y a peu du côté russe, en Biélorussie.
Autant dire qu’aucun peuple n’a intérêt à cette guerre, pas plus la population russe prise en otage par la folie guerrière du tyran Poutine que la population ukrainienne servant de chair à canon dans la guerre par procuration que lui font mener les États-Unis et leurs alliés contre la Russie.
Et quel sens peut bien avoir dans ces conditions le slogan « Hors d’Ukraine les troupes russes », sinon celui que lui donne Zelensky qui réclame un retour aux frontières d’avant 2014, fusse au prix de dizaines de milliers de morts supplémentaires et d’une dévastation encore pire de toute cette région de l’Europe, un véritable calvaire pour les populations ? Si une partie des dirigeants de l’Otan a écarté jusqu’à présent cette possibilité, ce n’est pas par philanthropie mais seulement parce que Poutine est encore à leurs yeux un garant de l’ordre capitaliste en Russie et dans les républiques asiatiques. Mais aucun État, fût-il le plus puissant du monde, n’est en mesure de dicter leur marche aux événements et aux engrenages guerriers qu’il a lui-même mis en branle.
Encore et à nouveau sur les origines de la guerre
La résurgence ces dernières semaines du conflit entre Serbes et Kosovars nous rappelle non seulement que la première guerre sur le sol européen de l’Otan avait été menée en 1999 dans l’ex-Yougoslavie mais aussi l’inefficacité de l’intervention de celle-ci pour apporter une quelconque solution à la guerre engendrée par le conflit entre le pouvoir serbe, héritier de l’État de l’ancienne fédération yougoslave, et les différentes nationalités qui composaient celles-ci, l’une et les autres encouragées dans l’affirmation de leurs intérêts nationaux, chauvins, par les différentes puissances européennes après la mort de Tito. Du 23 mars au 10 juin 99, une intense campagne de bombardements de l’Otan pour faire tomber le régime du dictateur serbe Milosevic –480 sorties aériennes par jour- avait ruiné la région, fait plusieurs centaines de morts et détruit quantité d’infrastructures.
Cette guerre ouverte menée par l’Otan s’inscrivait dans l’offensive que celle-ci menait depuis le début des années 90 pour accroître son influence en Europe mettant à profit l’effondrement de l’URSS en 1990-91, un effet de l’offensive de la mondialisation capitaliste. L’OTAN n’a cessé depuis d’intégrer les États de l’ancien glacis soviétique dans ses rangs. En 2008, alors que ses dirigeants envisageaient avec insistance l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, deux pays aux frontières mêmes de la Russie, Poutine prit les devants pour l’empêcher en lançant une expédition militaire en Géorgie pour y soutenir deux républiques séparatistes russes. Puis en 2014, par rapport à l’Ukraine, il annexa la Crimée et arma en sous-main les milices pro-russes du Donbass. Dire cela n’est ni l’excuser ni le défendre, mais seulement comprendre les actes d’un brigand autocrate, représentant des intérêts des capitalistes, oligarques russes, qui défend leur zone d’influence en même temps que son pouvoir qu’il a assis dans une partie de la population en flattant les préjugés nationalistes grand-russes hérités du tsarisme et du stalinisme.
Loin de tenter de prévenir la guerre, les États-Unis se sont saisis de l’odieuse agression de Poutine contre l’Ukraine le 24 février 22, réponse réactionnaire et aveugle à leur propre déploiement militaire, comme d’une aubaine pour leurs desseins hégémoniques, comme ils l’avaient fait de l’invasion du Koweit à l’été 1990 pour justifier leur guerre contre l’Irak. Engagés dans une offensive destinée à sauvegarder à tout prix leur position dominante qu’ils considèrent bien plus menacée qu’à l’époque par les nouvelles puissances capitalistes émergentes, en particulier la Chine, ils ont réussi à replacer sous la tutelle de leur bras armé, l’Otan, la quasi-totalité des pays d’Europe et une bonne partie de l’Asie du sud-est. A travers la guerre qu’ils mènent par peuple interposé en Ukraine, ils préparent consciemment les guerres futures dans le cadre de leur rivalité avec la Chine.
Dans cette course au militarisme et à la guerre, nous ne sommes d’aucun des camps des classes possédantes, qu’elles soient dirigées par Biden, Macron, Poutine ou Xi Jiping.
Contre la guerre et sa généralisation, union internationale des travailleurs et des peuples contre leurs exploiteurs
Dans le contexte de l’essoufflement d’un système capitaliste devenu sénile, incapable de générer les profits nécessaires à sa survie sans aggraver l’exploitation des travailleurs et le pillage des peuples, l’exacerbation de la concurrence sur le terrain économique débouche sur une utilisation toujours plus importante de la force et des armes pour extorquer des biens, des richesses et des privilèges, par de simples bandes armées qui sévissent dans les pays les plus pauvres comme par les plus grandes puissances qui pillent le reste du monde, les premières souvent instrumentalisées par ces dernières.
La menace d’une généralisation de la guerre ou des guerres touche les peuples du monde entier. Une situation qui peut sembler sans issue si on ne voit pas les possibilités que peuvent ouvrir les révoltes populaires, la solidarité et les aspirations collectives qui s’y affirment, les prodiges dont sont capables les opprimés quand ils prennent leur sort en main, les possibilités matérielles du socialisme créées par la mondialisation capitaliste elle-même, d’une société délivrée de la propriété capitaliste, fondée sur la coopération consciente et internationale des travailleurs et des peuples.
Cette perspective peut sembler lointaine, voire utopique, elle est pourtant en germe dans n’importe quelle grève, n’importe quel mouvement social, pour peu qu’ils s’organisent démocratiquement. Elle se traduit et commence sur le plan politique, par une totale indépendance intellectuelle, morale et politique des travailleurs par rapport à leur propre bourgeoisie quels que soient ses représentants au pouvoir, sa propagande mensongère, par le refus de l’union nationale et de leur économie de guerre, par l’affirmation de leur solidarité avec les travailleurs et les pauvres du monde entier.
Galia Trépère