« Contrer ce processus de décivilisation » : Macron a pesé ses mots pour justifier sa politique sécuritaire et répressive en instrumentalisant les drames de Reims et Roubaix et la légitime indignation qu’ils suscitent. Par une inversion insupportable des responsabilités, il dédouane sa classe d’avoir démantelé les services de santé, et notamment la psychiatrie, et plus globalement d’avoir provoqué l’aggravation de la violence, par la décomposition sociale produite par le parasitisme des classes dominantes et par la violence d’Etat. Son accusation, pleine de sous-entendus, vise, au-delà des individus, l’ensemble de notre classe, « classe dangereuse »...

Le Pen s’est empressée de revendiquer l’expression venant de l’extrême-droite : « Moi, je parle d'ensauvagement depuis des années ... La décivilisation, c’est le retour vers la barbarie ». Elle répond et soutient de fait la surenchère réactionnaire qui sert à Macron pour justifier la réponse répressive au nom de « l’ordre républicain » et au cri de « vive la police nationale ! ».

La « décivilisation » est la leur, c’est la violence du pouvoir au service de la violence de l’exploitation. Elle se manifeste par une offensive contre les pauvres et les travailleurs, les grévistes et les militants, les migrants ici et à Mayotte... avec l’espoir vain que soit ainsi étouffée la contestation.

Réprimer pour faire plier l’ensemble des travailleurs

Ce que veulent vaincre l’Etat et le patronat, c’est la solidarité et la dignité des classes populaires, leurs luttes, comme celles des ouvrières de Vertbaudet en grève depuis deux mois pour 150 € d’augmentation, l’embauche des intérimaires et le paiement des jours de grève. Payées au smic, révoltées par les « deux ans de travail épuisant en plus », elles tiennent tête à leur patron, à la répression, aux arrestations et blessures graves, tant de la police que des nervis du patronat.

Espérant empêcher la contagion de la révolte, l’Etat réprime et intimide partout, comme à Choisy-le-Roi, où les chauffeurs de bus municipaux en grève depuis début mai pour les salaires ont été en butte cette semaine à des provocations policières. A Bordeaux, ce sont cinq militants de la CGT Energie qui ont été arrêtés à leur domicile pour des « mises en sobriété énergétique » (deux d’entre seront reconvoqués par la justice en novembre avec interdiction de manifester d’ici là), à la suite des centaines de gardes à vue abusives depuis le 49-3.

L’Etat, le gouvernement, mènent cette politique pour nous faire baisser la tête. Ils savent que le durcissement de l’exploitation, l’appauvrissement des classes populaires, ne pourront produire que de nouvelles explosions de colère, une contestation radicale de leur système injuste qui tire toute la société en arrière.

Plusieurs maires de « banlieues au bord de l’asphyxie » viennent d’alerter l’Etat sur la situation d’urgence, la « détresse alimentaire », les « difficultés de paiement des loyers et des charges », l’explosion du chômage, les « associations [humanitaires]... à bout de souffle ».

Chasse aux migrants : une guerre contre notre classe

Pour nous soumettre et nous diviser, l’Etat engage aussi une offensive raciste contre la fraction la plus opprimée de notre classe, à travers la chasse aux migrants et l’opération Wuambushu.

A Mayotte, la destruction des cases a démarré, après un déchaînement de violence policière, à coup de centaines de grenades et de tirs à balles réelles pour terroriser.

Le quartier de Talus 2 a été visé en premier, minable vengeance contre ses habitants qui avaient obtenu des tribunaux l’interruption de l’opération pendant un mois. Comble de l’horreur, un ouvrier du bâtiment, mahorais, s’est vu refuser par son patron des congés pour ne pas participer à la destruction de son propre logement. Il est décédé des suites d’un AVC qui l’a frappé en arrivant sur les lieux.

L’Etat français poursuit sa sale politique coloniale pour conserver les restes de son empire, bases militaires, espace maritime et contrôle des voies commerciales. Il fait payer cette politique aux Comoriens et aux Mahorais, au prix de leurs vies lors des traversées et de la misère permanente. A Mayotte, le SMIC est diminué de 25%, le RSA de moitié, les retraites à 276 € en moyenne et plafonnées à 900 €, et les droits des étrangers sont réduits.

Misère, statut de sous-citoyen, répression : l’Etat veut soumettre là-bas pour préparer le terrain ici, avec le soutien des forces réactionnaires, comme le syndicat SGP Police : « L’opération Wuambushu est une expérimentation qui montrera que la lutte contre l’immigration clandestine est avant tout une question de moyens ».

Pour imposer la violence de l’exploitation, une politique sécuritaire et xénophobe

Cette surenchère xénophobe encourage les Zemmour et les groupuscules d’extrême-droite qui multiplient les démonstrations publiques et les agressions... encourageant en retour la politique sécuritaire. Au-delà des ambitions personnelles de Darmanin, avec sa loi immigration et pour la prochaine présidentielle, c’est la bourgeoisie qui tire profit de ce climat sécuritaire qui exerce une pression pour imposer le durcissement de l’exploitation.

Borne et Le Maire reprennent la même crasse raciste et anti-migrants et justifient « la fermeté », dixit Le Maire, pour infliger les sacrifices, au moment où la crise du capitalisme exige de prélever toujours plus sur le dos des classes populaires : resserrement des budgets des services publics, paiement de la dette, financement de « l’économie de guerre » et de l’industrie verte ou non.

Après la réduction des allocations chômage, le gouvernement attaque les allocataires du RSA par un projet de loi cyniquement intitulé « pour le plein emploi ». L’obtention des misérables 607,75 € pour une personne seule serait conditionnée à un « nouveau contrat d’engagement » sous la menace de nouvelles sanctions comme la « suspension-remobilisation » de l’allocation avant la radiation.

L’offensive vise aussi la Sécurité sociale. La Cour des comptes vient de dénoncer son déficit de 8 milliards, se gardant bien de le comparer aux 470 milliards de prestations versées, ni d’en expliquer la cause par les exonérations de cotisations patronales. Non, elle exige des « réformes structurelles plus vigoureuses » et une lutte accrue « contre la fraude sociale », contre les pauvres.

Leurs politiques sécuritaire et antisociale ruinent leur « démocratie sociale » et le parlementarisme. La « crise démocratique » se poursuit à l’approche du vote à l’Assemblée le 8 juin pour l’abrogation de la loi sur les retraites. Le gouvernement cherche à utiliser de nouveaux artifices constitutionnels pour empêcher le vote, pris entre deux maux, le risque d’attiser la colère, et celui du désaveu par un vote majoritaire contre lui, même si le Sénat pourrait sauver sa loi.

Quant au « dialogue social », le blocage provoqué par le pouvoir est tel que le Medef a essayé de le reprendre à son compte en proposant des « négociations paritaires » sans « interférence gouvernementale » avant le 6 juin. La CFDT et FO ont répondu favorablement. Sophie Binet, pour la CGT, a refusé, non parce qu’elle est opposée au « dialogue social », mais parce qu’il  « doit se dérouler à trois », avec l’Etat, comme si ce troisième partenaire n’était pas au service du patronat pour nous mettre KO !

Faire du 6 juin une nouvelle étape de la lutte pour nos droits et notre organisation

La lutte contre la répression, contre l’offensive réactionnaire, le racisme, l’extrême-droite, passe par la lutte contre la réforme des retraites, pour les salaires, pour nos droits démocratiques et nos libertés, pour l’environnement. C’est une lutte pour changer le rapport de force politique et social.

La manifestation de vendredi à l’assemblée des actionnaires de Total, l’envahissement d’une réunion ministérielle par les cheminots, les casserolades, les grèves pour les salaires et les emplois montrent que la contestation est profonde. C’est toute la marche de cette société et la question du pouvoir qui sont en discussion, aidant à prendre conscience que l’intervention de notre classe représente le seul progrès possible face au capitalisme en décomposition.

Si l’intersyndicale veut faire de la grève du 6 juin une journée pour une interpellation bien vaine des parlementaires pour le vote du 8 juin, nous pouvons nous mobiliser pour faire entendre notre colère. Nous pouvons en faire une étape de plus pour nous organiser, par en-bas, démocratiquement, en toute indépendance des intérêts et calculs des appareils, sans rien attendre ni du Parlement ni du dialogue social, pour décider des perspectives que nous entendons donner à notre lutte contre la dictature d’une minorité, son Etat et sa police, qui conduit le monde à la ruine et à la guerre.

François Minvielle

 

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