Macron-Darmanin allient avec un sinistre talent le ridicule et l’odieux. La caravane de Macron qui parcourt la France avec son groupe électrogène, poursuivie par le bruit des casseroles et la colère, a échoué à Saint Denis pour la finale de la coupe de France et s’y faire chahuter après avoir voulu interdire les sifflets et les cartons rouges. Ridicule et odieux quand les mêmes affichent sans fard leur vrai visage dans la guerre coloniale qu’a engagée le ministre de l’Intérieur, le sinistre Darmanin, à Mayotte, le 101ème département français situé dans l’océan Indien à 8 000 kilomètres de Paris, au nom de la lutte contre « l’immigration illégale » et de « la restauration de la paix républicaine » selon ses propos. « La paix républicaine », c’est le démantèlement des bidonvilles habités par les plus pauvres et les migrants sans papiers pour expulser ces derniers manu militari vers les Comores !

L’opération a commencé le dimanche 23 avril par l’usage de pas moins de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades de désencerclement, 60 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) contre « une centaine d’assaillants armés de machette » selon le rapport de la CRS 8, force maîtresse de l’opération. Les CRS ont ouvert le feu à douze reprises à balles réelles visant le sol.

Ce déferlement de violences policières cible l’ensemble de la population pauvre de Mayotte, les jeunes des quartiers pauvres de l’île, mahorais tout autant qu’immigrés comoriens. Le gouvernement et les autorités locales justifient cette violence par des discours xénophobes, racistes contre les immigrés désignés comme bouc-émissaires responsables de tous les maux de l’île.

Le 1er vice-président du Département de Mayotte, Salime Mdéré, a été jusqu’à déclarer lors du JT de Mayotte à propos des jeunes immigrés : « Je refuse de les appeler des gamins, ce sont des délinquants, des terroristes des voyous. A un moment donné il faut peut-être en tuer ». Un appel au meurtre qui justifie par avance les drames inévitables de ce déferlement de haine et de violence en rabaissant les migrants et les pauvres à une sous-humanité.

La droite et l’extrême droite se lâchent en oubliant que c’est la France qui a colonisé les Comores puis, au moment de leur indépendance, a gardé Mayotte sous sa tutelle grâce à un référendum manipulé et malgré la désapprobation de l’ONU. Les habitants des autres îles des Comores sont ainsi devenus des étrangers à Mayotte alors que les uns et les autres forment un même peuple. La France y a gardé le pouvoir et, aujourd’hui, prétend expulser des migrants accusés d’être des étrangers parmi les leurs dans une île qui fait partie de l’archipel des Comores.

Cette absurdité dramatique est à l’image de l’absurdité de la colonisation qui est responsable de la misère qui frappe l’ensemble de la population des Comores dont Mayotte où près de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. La population y est laissée à l’abandon par un pouvoir colonial qui ne se soucie que de ses propres intérêts dans l’Océan indien. C’est bien cette misère qui nourrit les bandes armées violentes vivant du racket et du vol. La responsabilité en revient à l’État français indifférent aux souffrances de la population et qui, comme chaque fois qu’il perd le contrôle d’une situation dramatique que sa propre politique a engendrée, fait donner ses sbires contre les plus démunis et vulnérables. Les mêmes voudraient justifier leur guerre en Ukraine au nom des droits des peuples !

La précipitation de Macron-Darmanin dans cette sinistre aventure coloniale pourrait bien se retourner contre eux. Là encore, ils sont pris à leur propre piège. Leur opération est aujourd’hui bloquée par le tribunal de la capitale de Mayotte qui s’oppose à la destruction des bidonvilles alors que la compagnie maritime SGTM assurant la liaison entre Mayotte et les Comores a suspendu la rotation de ses navires après que les Comores ont refusé que les bateaux français accostent sur leurs îles. Et Borne s’est vue contrainte d’annoncer que le projet de loi sur l’immigration dont Macron voulait accélérer le passage au Parlement ne serait finalement pas présenté avant l’automne, faute de majorité… Darmanin impatient de marquer les esprits, encouragé par Macron à « tourner la page », s’est laissé emporter par son ambition et ses propres préjugés xénophobes, tout comme Macron panique et s’empresse de « durcir les règles pour que ceux qui n’ont pas de raison d’être ici puissent voir leur dossier étudié plus rapidement et être raccompagnés chez eux ». Borne exécute sans attendre, annonce la mobilisation de « 150 policiers et gendarmes supplémentaires dans les Alpes-Maritimes » pour faire « face à une pression migratoire accrue à la frontière italienne ». Et l’épouvantail Le Pen sert de justification, « Marine Le Pen arrivera au pouvoir si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou du déni du réel ». Le réel, c’est bien qu’une chimère politique est en train de naître, Macron-Darmanin-Le Pen, les rivaux au sein du bloc réactionnaire pour mener la même politique au service de l’ordre capitaliste. Combattre l’un, c’est combattre l’autre, leur préparer la même déroute...

Le camp des travailleur.es, des exploité.es, des opprimé.es, un 1er Mai pour montrer notre détermination, notre force politique

Les manifestations du 1er Mai sont l’occasion de dénoncer cette politique des classes dominantes et de l’État, du gouvernement. Elles sont l’occasion d’affirmer fièrement notre solidarité internationale pour dire que nous sommes une seule classe, par-delà les frontières et les continents, la classe des travailleurs appelée à mettre fin au règne des exploiteurs, ces fauteurs de misère et de guerre qui, au nom du nationalisme, voudraient nous enrôler dans leurs armées économiques, industrielles, militaires pour sacrifier nos vies à la défense de leurs profits, de leur avidité de puissance, de domination, de pouvoir.

Nous sommes une même classe internationale, sans patrie ni frontière, citoyens du monde, toutes et tous migrants ou descendants de migrants.

Le nationalisme, la xénophobie, le racisme sont des pièges sanglants dans lesquels les classes dominantes parasitaires qui concentrent les richesses entre leurs mains voudraient nous prendre pour nous mettre en concurrence entre travailleurs, entre femmes et hommes, entre nationaux et immigrés pour mieux nous exploiter, accroître la rentabilité financière de leurs capitaux. Ils veulent nous prendre au piège de leur guerres économiques comme ils sacrifient aujourd’hui les populations d’Ukraine et de Russie dans une guerre réactionnaire qui, non seulement impose à ces dernières de terribles souffrances, mais contribue à la dégradation des conditions de vie dans le monde entier au profit d’une militarisation croissante, de l’inflation et préparent l’opinion à une nouvelle escalade militaire contre les rivaux des vieilles grandes puissances impérialistes sous la houlette des USA.

Seule la classe internationale des travailleurs peut mettre fin à cette course à l’abîme qui met en danger l’humanité.

Alors oui, il nous faut faire de ce 1er mai un 1er mai historique comme y appelle l’intersyndicale, une démonstration de force, historique par sa détermination, historique par sa conscience et sa lucidité, sa volonté de ne rien lâcher.

Pour l’unité du monde du travail, faire vivre la démocratie, faire de la politique avec nos armes de classe

L’intersyndicale vante ce 1er mai comme une première, puisque depuis 1945, le mouvement syndical, en France, n’a jamais été réuni dans une même manifestation le 1er mai. Mais quel en est l’objectif ? En faire un point de départ pour un nouvel élan pour affronter Macron ? Ou plutôt une nouvelle manifestation pour accompagner le mécontentement, le canaliser en prétendant ne pas tourner la page, « la réforme, c’est toujours non ! », tout en laissant entendre qu’après le dialogue social pourrait reprendre.

Le bilan des trois mois de mobilisation, c’est qu’il faudrait vraiment tourner la page de cette politique. Tout le monde sait qu’elle est une stratégie perdante incapable de faire céder Macron.

Celui-ci parti en campagne pour ses cent jours ne reviendra pas en arrière si le mouvement ne change pas de nature et reste prisonnier et respectueux du cadre institutionnel du dialogue social et des manœuvres et jeux parlementaires. La question sociale se concentre sur la question politique, le pouvoir, qui décide au nom de quels intérêts ?

De fait, nous sommes engagés dans une nouvelle étape de la lutte, une étape politique.

En réponse au gouvernement qui tente de se redéployer pour relancer ses réformes, c’est à dire de nouvelles attaques contre le monde du travail, « la feuille de route » de Borne, nous avons besoin de nous battre pour ressouder notre camp, redonner confiance, unir nos forces qui ont donné sa dynamique à notre mouvement, les actions à la base, la grève, les blocages, l’agitation politique permanente pour convaincre et entraîner. Ce n’est pas Macron qu’il faut convaincre, mais la majorité du monde du travail qu’il est nécessaire de poursuivre la lutte d’une autre façon, en discuter pas seulement dans le cadre syndical mais aussi à la base, dans les collectifs, les interpros, démocratiquement décider de nos objectifs, de nos revendications, de notre programme.

Si nous restons dans le refus, « on ne tourne pas la page », Macron finira par l’emporter à l’usure en jouant sur le pourrissement alors que lui peut s’appuyer sur son appareil d’État et les institutions. Nous avons, nous, le nombre et la détermination, il nous manque une politique lucide qui ose dire la vérité : empêcher les 64 ans, c’est faire plier le gouvernement, l’obliger à partir lui qui en a fait sa raison d’être, sa légitimité.

Nous verrons jusqu’où peut aller notre mobilisation. Quoi qu’il en soit, quel que soit le gouvernement qui sortira de la déroute annoncée et nécessaire de Macron, il aura, face à lui ou pour le soutenir s’il osait s’attaquer aux privilèges du capital et de ses détenteurs, les actionnaires, la force organisée et consciente du monde du travail poursuivant ses propres objectifs, défendre ses droits sans craindre de s’affronter aux institutions, postuler à diriger la société, à instaurer une république sociale, démocratique, révolutionnaire, un gouvernement des travailleurs issu du mouvement populaire et sous le contrôle de ses organes démocratiques. Les conditions de la réalisation d’un tel pouvoir ne sont pas encore mûres dans les consciences, cette perspective se forgera à travers et par la lutte, par la prise de conscience par le plus grand nombre que nous n’avons pas d’autre choix que de nous organiser pour contrôler la marche de la société, en décider.

Dans sa fébrilité à tourner la page, Macron contribue à la politisation du mouvement et nous avons besoin de prendre en compte la nouvelle étape dans laquelle nous sommes engagés, assumer la dimension directement politique que prend la lutte autour de la question du pouvoir. C’est bien le sens des casserolades, des manifs d’accueil des ministres en vadrouille ou de Macron, comme des actions qui se déroulent à travers tout le pays. Elles poursuivent la lutte en menant une campagne politique contre le pouvoir mais elles ont besoin de se fixer des objectifs et des perspectives d’ensemble, d’avoir une même politique pour unir nos forces, convaincre autour de nous, entraîner, organiser pour préparer le nouvel affrontement nécessaire pour faire plier Macron. Chaque action, chaque grève, chaque mobilisation devient un acte d’accusation et de contestation de leur pouvoir, le pouvoir des riches, des colonialistes héritiers de l’esclavage dont Macron a eu le cynisme de commémorer l’abolition et un de ses héros révolutionnaires, Toussaint Louverture.

La lutte contre les 64 ans, c’est aussi la lutte pour les salaires face à l’inflation, la lutte pour la santé et l’éducation, la lutte contre les licenciements, la lutte pour mettre fin à une politique qui dans tous les domaines sacrifie les intérêts collectifs aux intérêts privés d’une minorité de possédants.

L’ONG Oxfam vient de publier un rapport qui dénonce l’injuste répartition des richesses et les inégalités scandaleuses des salaires qui ne cessent de se creuser. Entre 2009 et 2021, les cent plus grandes firmes françaises ont doublé leur richesse. La plupart affichent des profits records. « La rémunération des PDG a augmenté de 66 % » contre seulement 14 % pour la part redistribuée aux employés. De 2011 à 2021, l’écart de rémunération entre PDG et salaire moyen « est passé de 64 à 97 ». C’est-à-dire que ces PDG gagnent en moyenne 97 fois le salaire de leurs employés. Quant à la première fortune, française, du monde, celle de Bernard Arnault, PDG du luxe, elle atteint 220 milliards d’euros, l’équivalent du PIB du Portugal.

C’est la logique même de cette société, l’accumulation croissante de richesse à un pôle et la régression sociale, la pauvreté voire la misère à l’autre.

Pour contester cette société, en finir avec le pouvoir de la minorité capitaliste, nous avons besoin d’unir nos forces en toute indépendance de l’unité au sommet des appareils syndicaux soucieux de défendre leur place dans le dialogue social. Ce qui fera de ce 1er mai un 1er mai historique, c’est bien notre détermination à continuer le combat, à unir nos forces contre la réforme, à mener notre politique pour défendre nos droits pour contester ce système failli et mettre fin aux guerres et au pillage des richesses, au ravage de la planète, à la dictature du capital pour conquérir la démocratie, notre droit de contrôler et de décider de la marche de la société en coopération et solidarité avec les travailleurs du monde entier.

Yvan Lemaitre

 

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