La guerre en Ukraine et l’exacerbation des tensions internationales font un peu plus vaciller l’économie capitaliste, perturbant les échanges commerciaux et, en particulier, l’approvisionnement en gaz, pétrole et céréales. Une aubaine pour les spéculateurs qui parient sur les pénuries et font flamber les prix, désorganisant un peu plus l’économie et menaçant à court terme de famine une partie de la population mondiale.

Alors qu’une grande fraction du monde du travail, des classes populaires et de la jeunesse n’arrive déjà plus à boucler les fins de mois, que 10 millions de personnes en France ont recours à l’aide alimentaire, l’inflation explose. Elle était officiellement de 3,6 % en février et l’Insee prévoit qu’elle atteindra 4,5 % au deuxième trimestre dans l’hypothèse d’un prix du pétrole stable… alors que divers économistes envisagent que le prix du baril, aujourd’hui autour de 115 dollars (il était à 78 dollars en début d’année) dépasse les 200 dollars dans les prochaines semaines.

« Nous apporterons des réponses adaptées face aux perturbations des flux commerciaux et à l'augmentation des prix » avait promis Macron dans une allocution solennelle le 2 mars. « A ce retour brutal du tragique dans l’Histoire, nous nous devons de répondre par des décisions historiques. Notre pays amplifiera donc l’investissement dans sa défense décidé dès 2017 et poursuivra sa stratégie d’indépendance et d’investissement dans son économie, sa recherche, son innovation, déjà renforcée à la lumière de la pandémie ».

Le lendemain, il précisait lors de sa déclaration de candidature : « Il n'y a pas d'indépendance sans force économique. Il nous faudra donc travailler plus et poursuivre la baisse des impôts pesant sur le travail et la production […] C'est à la condition de cette reconquête productive par le travail que nous pourrons préserver et même améliorer ce modèle social ».

Une déclaration de guerre cynique faite aux travailleurs et aux classes populaires, une intensification de l’exploitation, de nouvelles brèches dans le droit du travail et les droits sociaux qu’il a précisées le 17 mars en présentant son programme.

Au nom de l’amélioration du « modèle social », le président-candidat veut reporter l’âge de la retraite à 65 ans ; obliger les « bénéficiaires » du RSA à « consacrer 15 à 20 heures par semaine à une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle » pour « un meilleur équilibre des droits et devoirs » (!) ; transformer Pôle emploi en guichet unique au doux nom de « France travail » prenant en charge tous ceux « qui ont vocation à revenir à l’emploi »… et renforcer les pressions contre les chômeurs « coupables » de ne pas travailler, alors même que l’Unedic vient d’annoncer un excédent de 2,2 milliards pour 2022, qui devrait atteindre 4,1 milliards en 2023 et 5,4 en 2024 « grâce » aux précédentes réformes qui ont considérablement réduit les droits des privés d’emploi.

Assurance tous risques pour le capital

Toute la politique de Macron vise à mettre l’Etat, ses lois, le droit du travail, l’administration et les budgets publics au service du capital, des profits, à les subventionner à fonds perdus quel qu’en soit le prix pour les classes laborieuses, la société. Il exige des travailleurs des « efforts », nous accuse de ne pas travailler assez, flattant les préjugés réactionnaires.

Le « plan de résilience économique et sociale » présenté par Castex prolonge la politique du « quoi qu’il en coûte ». 4,5 milliards supplémentaires sont mis à disposition des entreprises. Les 240 milliards d’euros distribués depuis mars 2020 au nom du « soutien à l’économie » n’ont apparemment pas suffi. « Nous sommes en guerre » avait alors justifié Macron. Une guerre sociale qui a transféré dans les poches des capitalistes des milliards payés par les travailleurs et les classes populaires. Ils ont alimenté la pompe à profits, permettant aux capitalistes de battre tous les records : les entreprises du Cac 40 viennent d’annoncer 160 milliards d’euros de profits pour 2021. C’est 400 % de plus qu’en 2020, 200 % de plus qu’en 2019, avant le Covid, et 60 % de plus que le précédent record de 2007, en plein emballement financier juste avant l’éclatement de la bulle. Sur ces 160 milliards, près de 70 ont été reversés aux actionnaires sous la forme de dividendes ou de rachat d’actions, un record là aussi…

Le nouveau plan prévoit de nouvelles aides pour les entreprises dont les dépenses en électricité ou en gaz auront augmenté de plus de 40 % ; une nouvelle vague de prêts garantis par l’État jusqu’à 35 % du chiffre d’affaires (au lieu de 25 % auparavant) ; la prolongation de 12 mois des reports de charges fiscales et sociales ainsi que de l’activité partielle de longue durée ; des aides et des « chèques relance » pour les entreprises qui exportent vers l’Ukraine et la Russie… Sans compter les cadeaux faramineux que représentent un budget militaire de 50 milliards d’euros et les commandes d’Etat aux marchands de canons et autres industriels de guerre.

Le programme de Macron et de celles et ceux qui aspirent à diriger les affaires de la bourgeoisie, c’est la promesse d’une main d’œuvre toujours meilleur marché et corvéable et de nouvelles baisses d’impôts alors que celui sur les bénéfices a déjà baissé de 25 milliards d’euros par an durant le quinquennat, sans compter toutes les « aides », niches fiscales, etc. Un véritable assistanat pour le parasitisme, pour la minorité richissime qui profite de l’exploitation de l’immense majorité de la population ! Et peu importe les trous béants dans les budgets publics, la dette qui n’en finit pas de gonfler pour le plus grand bonheur des financiers, la facture sera présentée aux travailleurs et aux peuples.

Guerre aux travailleurs et aux pauvres

Malgré l’inflation galopante, les mécontentements qui montent, tout est fait pour éviter au patronat d’avoir à augmenter les salaires. C’est le sens des aumônes que consent Castex : 18 centimes sur le litre de carburant pendant 4 mois à partir d’avril, une prime de 100 euros pour « la vie chère » distribuée en début d’année aux revenus inférieurs à 2000 euros, dépensée en un seul plein, ou un chèque énergie de 48 à 277 euros versé à 5,8 millions de personnes parmi les plus pauvres. Pas un de ces euros ne sort des coffres patronaux !

Et quand le gouvernement est obligé d’annoncer une augmentation du point d’indice dans la Fonction publique, bloqué depuis des années, c’est pour une date et un montant indéterminés… et Macron se dépêche d’agresser les enseignants quelques jours plus tard : « C'est difficile de dire qu'on va mieux payer tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas prêts à s'engager et à faire plus d'efforts ».

La réforme annoncée du RSA vise à faire pression sur les salaires en faisant travailler « bénévolement » celles et ceux que l’exploitation a fait basculer dans l’extrême pauvreté et la précarité. Entre 15 et 20 heures de travail (plus qu’un mi-temps) pour 565 euros pour une personne seule ou 424 euros par personne en couple, payés par l’Etat, de quoi ravir nombre de patrons en recherche de main d’œuvre…

Quant aux retraites, Macron fait le choix de repasser à l’offensive au moment même où le principal régime public est quasi revenu à l’équilibre et que l’Agirc-Arrco comme l’Ircantec, régime des contractuels de la Fonction publique, sont en excédent. Preuve s’il le fallait que la question n’est pas plus aujourd’hui qu’hier une question de déficit des caisses de retraites (pillées par les multiples exonérations de cotisations patronales) mais bel et bien de transférer toujours plus de richesses du travail vers le capital. Quant à la retraite à points, Ferrand, président de l’Assemblée, a prévenu : « elle n’est absolument pas enterrée ». Alors que les millions de personnes sont au chômage, que l’espérance de vie des 5 % les plus pauvres est de 13 ans de moins que les 5 % les plus riches et l’espérance de vie moyenne en bonne santé de 64,4 ans, bien plus que de faire travailler plus longtemps des salariés épuisés, ce que veulent Macron, Pécresse, Zemmour et leurs donneurs d’ordre c’est baisser les pensions de retraite.

Tout est à nous, le nécessaire contrôle des travailleurs sur l’économie

Le mécontentement monte parmi les travailleurs et les classes populaires, malgré la chape de plomb de l’union nationale sous laquelle voudraient nous enfermer Macron et tous les représentants des riches. Même si la journée du 17 mars, appelée du bout des lèvres par l’intersyndicale, a sans surprise été modeste -comment pouvait-il en être autrement alors que les appareils syndicaux n’offraient et n’offrent aucune perspective-, la colère s’exprime dans nombre de mobilisations locales ou d’entreprises. C’est le cas, entre autres, des grèves pour les salaires à Thalès, à la RATP, dans les mutuelles du groupe Vyv, les ferries en Bretagne, des équipementiers automobiles ou encore chez Dassault où, depuis plusieurs mois, les débrayages et actions de blocage s’intensifient pour exiger 200 euros d’augmentation, perturbant la production et obligeant la direction à plusieurs reculs. C’est le cas aussi dans une multitude de petites et moyennes entreprises ou dans le public, chez les agents communaux, le social, la santé, etc.

Les incertitudes et inquiétudes liées à la guerre, l’ambiance pesante d’union nationale ne peuvent empêcher que la colère qui monte s’exprime, que les travailleurs s’organisent pour porter leurs exigences alors même que les classes dominantes étalent leurs profits indécents.

« L'enjeu est de bâtir la France de nos enfants et non pas ressasser la France de notre enfance » expliquait Macron, plein de morgue, dans sa déclaration de candidature. L’enjeu pour les travailleuses et travailleurs, la jeunesse, les classes populaires, est de bâtir un tout autre avenir, sans patrie ni frontière, débarrassé de la concurrence et de la guerre économique, commerciale que se mènent les classes dominantes et de son prolongement militaire !

Cet avenir commence aujourd’hui en exigeant note dû : pas de salaires, de pensions, de minima sociaux inférieurs à 2000 euros nets et partage du travail entre toutes les mains disponibles, en fonction des possibilités de chacun ; retraite à taux plein à 60 ans maximum et 55 ans pour les métiers pénibles.

Contre la vie chère et face à l’inflation, il faut non seulement imposer l’échelle mobile des salaires mais le contrôle des prix afin d’adapter les revenus en temps réel. Et cela pose, au-delà, la nécessité du contrôle de la production, de son organisation, de sa planification par ceux-là et celles-là même qui font tourner l’économie, la société.

Cela n’est pas un programme « électoral », mais un programme pour la prise en main par les premières et premiers de corvées des luttes aujourd’hui et de la société demain.

Dans ces élections, seuls deux candidats, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, affirment la perspective d’un autre monde, de la nécessaire révolution pour déposséder la minorité de parasites assistés et organiser la société et la production sous le contrôle des travailleurs, des classes populaires, de la jeunesse, pour satisfaire les besoins de la collectivité.

Alors le 10 avril, votons pour un ouvrier au chômage, pour Philippe Poutou candidat du NPA, votons pour les idées de la révolution, pour affirmer qu’il ne peut y avoir d’autre issue que de prendre nous-mêmes les choses en main.

Isabelle Ufferte

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn