Aussitôt après son annonce de l’instauration du pass sanitaire le 12 juillet, Macron s’est empressé de faire adopter au Parlement son extension, en plus du domaine de la culture, des spectacles, dans les cafés et restaurants, les activités sportives, les trains et bus, le tourisme et même les centres commerciaux, aux soignants et à tous les salariés en contact avec le public. Ils seront contraints de se vacciner d’ici le 15 septembre sous peine de licenciement. Une politique autoritaire, basée sur la stigmatisation de travailleurs indispensables désignés comme responsables de la 4ème vague, alors que les parlementaires, l’armée et les policiers en sont dispensés. Le Sénat lui a donné son aval avec de bien timides amendements.
Nous refusons ce pass qui n’a rien de sanitaire. C’est un instrument de contrôle des salariés et de la population, imposé alors qu’il manque des doses de vaccin, inapplicable et inefficace jusqu’à l’absurde, empêchant l’accès à l’hôpital ou en EHPAD même un bref moment aux visiteurs non vaccinés, indispensable pour voyager en TGV mais pas dans les métros et RER bondés...
Les premières victimes seront les plus défavorisés, les plus éloignés des services publics et de la vaccination, les salariés souvent des « premières lignes » dans la santé, l’aide à la personne menacés de licenciement, avec en plus des tests rendus payants à l’automne.
En lieu et place d’une politique de santé, le gouvernement déploie une police sanitaire destinée à soumettre la population et à créer un climat où tout le monde contrôle tout le monde.
Des manifestations la semaine dernière puis ce samedi, encore plus nombreuses, ont rassemblé des « premiers de corvée » « hier applaudis, aujourd’hui trahis » dont des soignants et surtout une frange de la population très diverse allant de salariés, de jeunes dubitatifs ou réticents à la vaccination à des restaurateurs et autres patrons de commerces, souvent avec des Gilets jaunes, sous le mot d’ordre fédérateur mais ambigu et confus de « liberté ». Ces manifestations sont une des expressions d’un mécontentement, d’une méfiance, d’une colère diffuse dans tout le pays à l’égard du pouvoir.
La colère dans une grande confusion
La désertion de la gauche et des organisations syndicales qui, au mieux, critiquent le pass sur le fond comme la CGT ou Solidaires mais sans organiser de riposte, laisse la place à des idées obscurantistes contre la vaccination combattant le progrès, la science et la lutte de classes, que Dupont-Aignan et Philippot, l'extrême-droite, instrumentalisent.
Des tombereaux de stupidités largement diffusés sur les réseaux sociaux détournent la colère contre la vaccination qui a permis la survie de l’humanité en supprimant des maladies mortelles comme la poliomyélite ou la variole. Des vaccins permettraient de sauver chaque année 10 millions d’enfants pauvres de moins de 5 ans victimes de maladies infectieuses. La vaccination est le produit de recherches de milliers de scientifiques au niveau mondial, du travail humain collectif pour sauver des vies.
Mais entre les mains de grands trusts pharmaceutiques en concurrence entre eux, dont 4 ont le monopole de 65 % du chiffre d’affaires mondial du secteur, les vaccins sont devenus une marchandise comme une autre faisant exploser la fortune de laboratoires comme Moderna, vendus au plus offrant c’est-à-dire aux trois quarts aux pays riches, en privant les pays pauvres capables de les produire mais ne disposant pas des brevets.
Contre la police sanitaire, l’action collective des travailleurs et de la population
Beaucoup affirment refuser la vaccination au nom de la « liberté individuelle », contre la dictature de Macron, parfois avec des références hors de propos comme la comparaison entre non vaccinés et juifs ayant porté l’étoile jaune. La mise au pas de la société sous prétexte de pandémie répond bien aux intérêts de Macron et de ceux qu’il sert, libres de s’enrichir comme jamais tel Bernard Arnault, le PDG de LVMH, de bénéficier d’aides publiques pour licencier dans la recherche et augmenter les dividendes de ses actionnaires comme Sanofi, sans aucune contrainte de l’État. Il y a bien une tyrannie des capitalistes mais y répondre au nom de la liberté individuelle, c’est rester dominé par leur idéologie qui invoque la liberté pour justifier leur liberté… d’exploiter le travail humain.
Face à elle, pas de solution qui puisse être imposée individuellement. La loi et les institutions sont là pour défendre cette liberté de la propriété bourgeoise. Aux diktats du gouvernement telle l’obligation vaccinale, le mouvement ouvrier doit opposer ses méthodes, celles de l’intérêt du plus grand nombre, en persuadant de la nécessité de se vacciner, en prenant de réelles mesures de protection collective contre le virus partout dans la société.
La pandémie n’est en effet pas le produit d’un quelconque complot mais le révélateur de la faillite du système capitaliste dont la prétendue démocratie sert les intérêts des plus riches de moins en moins nombreux, de plus en plus en concurrence entre eux, de plus en plus opposés à la majorité de l’humanité dont le travail collectif est accaparé par cette minorité.
Le monde du travail est partie prenante de la lutte contre le pass sanitaire tout en combattant les idées complotistes et réactionnaires, pour répondre à ceux qui ne veulent pas d’une « science sans conscience », qui cherchent légitimement à comprendre, à connaître ce qui sera inoculé dans leur corps. Cela ne peut être fait par une vaccination forcée mais par une vaccination consciente, produit d’une discussion démocratique.
Pour une politique sanitaire et nos droits sociaux, contester le pouvoir au service des multinationales
Alors, contre l’épidémie, il faut soutenir les soignants qui réclament des moyens pour la santé, il faut recruter, former en masse et augmenter leurs salaires.
Pour empêcher la circulation du virus, il faut une vraie politique de santé et vaccinale, l’imposer contre la « liberté » des grandes entreprises de faire des profits aux dépens de la collectivité et de la nature. Il faut que partout sur la planète, les populations puissent être vaccinées avec des vaccins dont elles auront le contrôle pour que le dévouement des scientifiques serve le progrès et l’humanité, non l’avidité du capital.
Le gouvernement traite les manifestants opposés à son insolence et à sa morgue de « violents, ignares » alors que, lui, incarnerait les « Lumières » qu’il récupère pour une politique dirigiste odieuse, en rien « éclairée » !
« Une telle mobilisation, surtout hors cadre d'un mouvement structuré, est très inhabituelle durant une période estivale », s’inquiète une note du renseignement territorial à propos des manifestations contre le pass. Elle prévoit une augmentation du nombre de manifestants, une « radicalisation » du mouvement. Oui, une profonde colère monte à travers le pays dans les classes populaires.
Tout le monde politique, du PC et LFI au PS et à la droite, regrette la « rupture du pacte républicain » par Macron, passé en force avec le vote en catastrophe de la loi. Ils craignent que le mépris de Macron, Véran et consorts à leur égard ne contribue encore plus à leur discrédit, à l’approfondissement de la rupture entre le monde politique et la population. Ils s’inquiètent que le débat n’ait pas lieu dans l’hémicycle mais dans la rue.
Ils ont raison, le débat est partout dans le pays. Malgré l’inquiétude tant pour la pandémie que pour la situation sociale, la révolte devient contagieuse, elle se transmet de proche en proche, les idées aussi.
Il devient de plus en plus clair qu’être libre, c’est comprendre que cette société ne nous donne pas la liberté de choix. C’est notre vie ou leurs profits. C’est subir ou prendre nos affaires en main pour imposer une politique sanitaire, défendre nos emplois, imposer la satisfaction de nos besoins… Notre liberté n’est pas celle des classes dominantes, l’individualisme et la lutte de tous contre tous pour les profits d’une minorité parasite, mais l’organisation et l’action collective du plus grand nombre pour contrôler la marche de la société.
Mónica Casanova