Lors de son discours du lundi 12 juillet, après avoir pratiqué, non sans cynisme, l’autosatisfaction sur sa gestion de la crise, Macron, adepte de la stratégie du choc, a annoncé l'extension du Pass sanitaire dès le 21 juillet, la fin de la gratuité des tests PCR à l'automne et surtout l'obligation vaccinale pour les soignants, tout en confirmant la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage et le projet d’allongement de l’âge de départ à la retraite.

Olivier Véran en a rajouté, le soir même, dans la provocation à l’égard des personnels soignants : « À partir du 15 septembre, si vous êtes soignant et que vous n’êtes pas vacciné, vous ne pourrez plus travailler et vous ne serez plus payé ». Et Élisabeth Borne, ministre du Travail, de préciser le lendemain la menace : contrat de travail suspendu le temps de se vacciner et « mise à pied », voire « licenciement » en cas de refus.

Accroc dans ces leçons de morale gouvernementale, vendredi, Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts », lui qui par ailleurs a « oublié » de déclarer 300000 euros de revenus au fisc !

Malgré les inquiétudes suscitées par les variants et la conscience de la nécessité de se faire vacciner, Macron et ses ministres sont loin de rallier l’opinion. La colère, la méfiance sont partout. Dès mercredi, près de 20 000 manifestants ont pris l’initiative de dénoncer les mesures autoritaires du gouvernement, et samedi c’est à nouveau des dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté à travers le pays contre le Pass sanitaire, la « vaccination obligatoire » et surtout contre Macron. Car au-delà de la confusion des antivax voire des complotistes instrumentalisée par l'extrême droite, le pouvoir et les médias, c’est surtout la colère contre la politique de Macron qui s’est exprimée, contre sa politique de police sanitaire et contre les réformes des retraites et du chômage.

Accuser, culpabiliser pour faire oublier leurs propres responsabilités…

Depuis près d’un an et demi, Macron est en réalité bien incapable de mettre en œuvre une véritable politique sanitaire contre la pandémie.

Parce qu’il ne veut s’opposer ni au patronat, ni aux multinationales de Big Pharma, ni dégager des moyens supplémentaires en embauchant des personnels dans les hôpitaux et les Ehpad, il ne sait que gérer dans l’urgence les différents rebonds de la pandémie, faisant aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait hier, lui qui déclarait en décembre dernier « Je l'ai dit, je le répète : le vaccin ne sera pas obligatoire. »

Pour masquer cette improvisation, il multiplie les annonces de mesures contraignantes contre les populations, d’obligations contradictoires, à grands renforts de contrôles policiers, pour culpabiliser tout le monde… jusqu’aux soignants ces « héros » envoyés hier en première ligne, sans moyens, même quand ils étaient cas contacts asymptomatiques, accusés aujourd’hui d’être responsables de la nouvelle vague de contaminations. Cynisme indécent et insupportable…

En plus de cette obligation pour les soignants, l’extension du Pass sanitaire est de fait une « obligation vaccinale déguisée » pour l’ensemble de la population. La plupart des salariés travaillant au contact du public vont être obligés de se faire vacciner avant la fin du mois d'août pour pouvoir travailler en respectant le Pass sanitaire, mais, dérogation significative, les policiers et gendarmes qui les contrôleront sont, eux, dispensés de l’obligation vaccinale. De même d’ailleurs que les lieux de culte qui ne sont pas concernés par le Pass sanitaire… à croire qu’ils bénéficient d’une protection divine !

Comme d’habitude Macron a fait ses annonces sans anticipation, sans même se préoccuper de savoir si les équipes médicales étaient capables d’absorber l’afflux qu’il allait provoquer. Si en trois jours plus de trois millions de personnes ont pris rendez-vous pour se faire vacciner, les délais n’ont cessé de s’allonger à cause de la saturation des centres de vaccination… Jusqu’à 35 jours dans certains départements pour la première injection, ce qui signifie une vaccination effective mi-septembre.

En stigmatisant les soignants, comme en multipliant ces mesures de police sanitaire, contradictoires et incohérentes, Macron comme Véran essaient de faire oublier leurs propres responsabilités.

D’autant que les inquiétudes suscitées par la menace d’une 4ème vague qui semble inévitable avec le variant delta, n’ont en rien infléchi la politique gouvernementale de restriction budgétaire, de fermetures de lits et de suppressions de postes, malgré les promesses du Ségur de la Santé. Dans les établissements de santé, les conditions de travail continuent à se dégrader, accompagnées d’un management autoritaire des directions, provoquant écœurement et entraînant depuis plusieurs mois une vague de démissions.

Si la vaccination est bien un enjeu décisif pour limiter les contaminations comme pour protéger des formes les plus graves et espérer sortir de la pandémie, les annonces autoritaires de Macron, ses mensonges et menaces ne peuvent qu’entretenir écœurement et défiance légitimes vis-à-vis de lui, comme des trusts pharmaceutiques. Il entretient ainsi un climat de méfiance dans la vaccination qui favorise toutes sortes de peurs irrationnelles comme de théories complotistes.

Aucune des mesures annoncées par Macron n’est une réponse face à la pandémie, et, au-delà de masquer sa gestion catastrophique, elles sont surtout l’occasion de poursuivre son offensive dans ce climat délétère, autoritaire et sécuritaire, que sa politique entretient.

et imposer la poursuite des attaques sociales

Alors que la multiplication des plans de licenciements, des fermetures d’entreprises entraîne déjà l’aggravation dramatique des conditions de vie de millions de personnes, la seule urgence pour le gouvernement est de poursuivre les réformes de l’assurance chômage et des retraites.

Macron a annoncé la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage dès le 1er octobre, alors que le Conseil d’État l’avait suspendue fin juin devant la gravité des conséquences prévisibles pour les plus précaires. Selon les propres estimations du ministère du travail elle entraînera une baisse des allocations pour au moins 800 000 chômeurs.

De même, reniant sa promesse de ne pas repousser l’âge de départ à la retraite, Macron a insisté : « il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard ». Et s’il a précisé que cette réforme ne sera pas lancée « tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée », il confirme sa volonté de répondre aux volontés du patronat en nous faisant travailler plus longtemps pour mieux baisser les pensions.

Ainsi tout ce qui compte pour Macron au service des actionnaires, c’est de pressurer les plus pauvres, d’imposer des retraites de misères pour continuer à alimenter la machine à profits en intensifiant l’exploitation du monde du travail. Et c’est ainsi qu’à l’opposé, en pleine crise sanitaire, le nombre de milliardaires français est passé de 95 à 109 en un an, soit la plus forte hausse enregistrée depuis 25 ans.

Nous mobiliser pour les obliger à satisfaire les besoins et protéger la santé de toutes et tous

Macron a eu beau parler de vacciner la planète, en réalité la pandémie de Covid-19 qui a déjà fait plus de 4 millions de morts continue de se développer dans bien des régions du monde. Jeudi des experts de l’OMS ont dénoncé l’inégalité vaccinale. Quand les États-Unis ou l’Europe sont en train de vacciner la grande majorité de leur population, les pays pauvres arrivent à peine à 1 % de leur population protégée. Et l’OMS lance un avertissement : « Il y a une forte probabilité de l’émergence et de la diffusion de nouveaux variants inquiétants possiblement plus dangereux et encore plus difficiles à contrôler ».

Au nom du respect de la propriété capitaliste, les Etats sont incapables de faire passer l’intérêt collectif avant ceux des d’actionnaires ne serait-ce que pour organiser l’indispensable campagne mondiale de vaccination. La pandémie révèle l’absurdité d’un système où les capacités scientifiques de l’humanité entrent en contradiction avec la propriété privée capitaliste qui les détourne de leur utilité sociale pour les mettre au service de la course aux profits.

Un plan d’urgence sanitaire impliquerait d’aller à l’encontre de la gestion soumise à la rentabilité financière des services de santé pour recruter massivement dans les hôpitaux, déployer des moyens matériels suffisants, réouvrir des lits et des services et augmenter les salaires.

Elle impliquerait d’affronter les intérêts des multinationales de l’industrie pharmaceutique pour dénoncer leurs contrats commerciaux, lever les brevets sur les vaccins pour les mettre à disposition de tous les pays et permettre une vaccination massive et gratuite de l’ensemble de la population mondiale.

Ces obligations indispensables ne peuvent reposer que sur les mobilisations et les luttes du monde du travail, des « premiers de corvées », de ceux qui par leur travail ont déjà dû faire face, dans l’urgence et sans moyen, à la pandémie, sur notre volonté de contrôler la marche de la société.

Il y a bien deux logiques sociales irréconciliables qui s’affrontent, celle des classes dominantes prêtes à sacrifier notre santé et nos vies pour maintenir leur machine à profits, et la nôtre pour les obliger à donner la priorité aux mesures assurant la santé de tous et la satisfaction des besoins réels.

Nos solutions, de classe, face à la pandémie impliquent de remettre en cause l’ensemble de ce système en faillite comme tous ceux qui le défendent, elles conduisent à l’expropriation des multinationales et leur réorganisation sous le contrôle démocratique de leurs salariés et des usagers, au service de la satisfaction des besoins et de la santé de toutes et tous.

Bruno Bajou

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