Des tribunes de généraux brandissant la menace d’une intervention de l’armée pour rétablir l’ordre, une manifestation de policiers, soutenue par Darmanin, accusant la justice de laxisme, une campagne du gouvernement contre « les islamo-gauchistes » alors que, de la loi sécurité globale à la loi sur le séparatisme, il multiplie les attaques liberticides dans un climat de surenchères réactionnaires avec l’extrême droite... , le climat politique de plus en plus nauséabond pèse et exerce sa pression sur toute la vie sociale et politique. Alors que les sondages donnent le RN en tête dans plusieurs régions et que l’hypothèse d’une victoire de Le Pen à l’élection présidentielle n’est plus à écarter, désarroi, inquiétude gagnent une large fraction du monde du travail et suscitent bien des interrogations sur les réponses à apporter pour enrayer la logique délétère en route.

Face à ce danger réel, l’envie de réagir se manifeste à travers de multiples initiatives. Comme samedi dernier à Paris, avec la manifestation à l’issue du procès en appel des assassins d’extrême droite du jeune militant antifasciste Clément Méric, et ce même jour la manifestation à Nice « Toutes aux frontières » pour dénoncer le durcissement des politiques migratoires.

Manifestation du 12 Juin, ne pas se laisser enfermer dans le carcan institutionnel

Dans ce contexte, si on ne peut qu’être solidaire et partie prenante de la manifestation du 12 juin, « Pour les libertés, contre les idées d’extrême droite », cet appel très large qui regroupe des syndicats (CGT, FSU, Solidaires, UNEF, FIDL, etc.), de nombreuses associations et collectifs (ATTAC, LDH, …) et des partis politiques dont le NPA mais aussi la FI, Génération.s, est loin de répondre aux enjeux de la situation.

L’appel au 12 se termine par la formulation pour le moins neutre : « nous ressentons toutes et tous l’urgence de construire une réponse forte et unitaire qui dessine l’alliance des libertés, du travail et d’un avenir durable ». Formulation fourre-tout qui permet de justifier toute sorte d’unité, de front Républicain, au nom de la nécessité de l’unité contre un RN identifié au fascisme, sans discuter des enjeux du combat à mener face à cette offensive des forces réactionnaires.

Le mythe mensonger d’un Front Républicain qui unirait tous les partis respectueux des valeurs démocratiques et des institutions républicaines dans une « sainte alliance » contre le RN et l’extrême droite a fait long feu depuis longtemps… Pas plus les votes pour les partis de la gauche gouvernementale, que le vote Chirac en 2002 ou le vote Macron en 2017 n’ont ralenti la progression du RN, ni la diffusion des idées d’extrême droite et encore moins la mise en place des politiques anti-sociales et de plus en plus sécuritaires, par tous les gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé depuis des décennies.

Les politiciens d’extrême droite et de droite extrême qui sont aujourd’hui en concurrence entre eux et avec LREM en rajoutent dans les surenchères sécuritaires et racistes pour flatter toutes les peurs, mais fondamentalement ils ne postulent qu’à mener et poursuivre la même politique au service des classes dominantes, les mêmes attaques contre les droits sociaux et les libertés démocratiques.

Quant au PS, au PCF et à EELV, qui tous appellent à la manifestation du 12, en espérant se poser à nouveau en rempart face à Le Pen, ils sont bien peu convaincants, eux qui, toute honte bue, n’ont pas hésité à participer à la manifestation des policiers du 19 mai en s’alignant sur la même démagogie sécuritaire réactionnaire que le gouvernement, la droite extrême et l’extrême droite… sous couvert de ne pas laisser le terrain à l’extrême droite.

Si la LFI n’a pas participé à cette surenchère sécuritaire, Mélenchon dénonçant les « factieux », reflets de l’infiltration de l’extrême droite au sein de l’armée comme de la police, c’est au nom des valeurs de la République, de son attachement à une police, une armée républicaines, garantes des droits démocratiques. Parce que la LFI n’a d’autre horizon que les élections pour prendre toute sa place dans le jeu parlementaire, elle idéalise cette République et ses institutions… comme si elles n’étaient pas, justement, un des instruments de cette montée des forces réactionnaires.

Face à cette menace bien réelle, l’inquiétude est largement partagée dans les milieux militants avec la conscience qu’il faudra lui opposer la solidarité et la mobilisation du monde du travail. Mais cela implique de lever bien des ambiguïtés et de poser les problèmes de fond, sans les masquer au nom de la recherche d’une unité qui reste prisonnière du cadre institutionnel républicain !

Le danger de l’extrême droite n’est pas une question à part qui justifierait une réponse spécifique contre le RN et les groupes d’extrême droite, une unité de principe avec des partis politiques qui hier, aujourd’hui comme demain n’ont d’autres objectifs que de revenir aux affaires en se soumettant à la défense des intérêts des classes dominantes.

C’est la limite de l’objectif de l’appel unitaire de 28 organisations des Pyrénées-Orientales (syndicats, associations, partis politiques) contre le congrès du RN les 3 et 4 juillet prochain à Perpignan, auquel le NPA s’associe. Si « l’extrême droite représente un danger mortel » comme le souligne cet appel, ce danger n’est pas déconnecté des bouleversements du monde en cours.

C’est un danger réel qui bien au-delà des élections à venir et du congrès du RN ne peut être compris que dans le cadre de la lutte des classes, d’une montée de forces réactionnaires qui est le produit de la décomposition sociale et politique.

La montée des forces réactionnaires, conséquence de la faillite du capitalisme et de l’exacerbation de la lutte des classes

La montée des forces réactionnaires en France comme un peu partout à travers le monde, est la conséquence de la faillite du capitalisme et de la volonté des classes dominantes non seulement de continuer à faire tourner la machine à profit « quoi qu’il en coûte », mais aussi de leur réflexe de classe minoritaire dominante pour se préparer à faire face aux inévitables explosions sociales qui ont commencé et ne peuvent que prendre de l’ampleur dans les mois à venir.

La pandémie de la Covid-19 n’a fait que révéler et aggraver cette faillite du capitalisme mondialisé, qui ne peut que continuer à s’aggraver, rendant la situation de plus en plus insupportable pour les 99 %, les premiers de corvées qui doivent subir le parasitisme des 1 %, de cette minorité de financiers prêt à tout sacrifier pour la course aux profits.

Tous les partis qui se sont relayés au pouvoir tout au long des 40 dernières années se sont mis au service d’une offensive globale des classes dominantes pour remettre en cause les droits sociaux. C’est cette offensive qui a préparé le terrain au renforcement de l’extrême droite et des préjugés réactionnaires qu’elle véhicule mais qui aujourd’hui sont repris de plus en plus ouvertement par les différents partis, de droite comme de gauche. Et plus la crise globale du capitalisme se renforce plus les classes dominantes et les politiciens à leur service s’appuient sur ces idées réactionnaires pour justifier les inégalités, l’oppression, l’exploitation, contribuant à les renforcer et les banaliser.

Pour maintenir l’ordre social au sein d’une société ravagée par le chômage, la précarité, la misère, qui nourrissent les tensions, le désespoir, la violence, les classes dominantes sont prêtes à mobiliser toutes les forces réactionnaires. En premier lieu en utilisant ces outils de la violence d’État que sont les forces de répression déjà existantes, la police et l’armée, qui de par leur fonction sont déjà largement gangrenées par les idées réactionnaires.

Mais elles sont aussi prêtes si nécessaire à utiliser toutes les forces supplétives qui se nourrissent de ces idéologies d’extrême droite qui permettent de diviser, de dresser les victimes de leur politique les unes contre les autres en jouant de toutes les peurs, en s’appuyant sur tous les préjugés réactionnaires, sécuritaires, racistes, sexistes.

Face au danger de l’extrême droite, la démocratie et la liberté sont entre les mains du monde du travail

Face à la menace de l’extrême droite, à la montée des forces réactionnaires qui tentent de nous diviser pour poursuivre l’offensive des classes dominantes, il n’y a pas d’autre voie que d’engager la lutte pour défendre nos propres intérêts, ceux de l’ensemble du monde du travail, de la jeunesse.

Le combat contre ce danger mortel s’inscrit dans le combat global contre le capitalisme, contre les classes dominantes et les politiciens à leur service. C’est un combat qui ne peut être mené qu’en toute indépendance des institutions de cette République et donc de tous les partis de droite comme de gauche qui se drapent dans les valeurs républicaines pour essayer de faire taire toute forme de contestation.

Cela nécessite d’œuvrer à l’unité de notre classe en lui donnant une perspective pour ses luttes, contre les tentatives de dévoiement sur le terrain institutionnel.

Reconstruire le mouvement ouvrier, c’est tourner le dos à toutes les opérations de recomposition de cette gauche, parlementaire ou syndicale, qui est incapable d’apporter des réponses à la faillite du capitalisme, parce qu’elle n’envisage pas de solutions hors du cadre institutionnel. Cela veut dire tout au contraire, rompre avec les illusions parlementaires, pour renouer avec la lutte des classes, le combat des exploité·e·s et des opprimé·e·s qui ne comptent que sur eux-mêmes, sur leur capacité à s’organiser et à se mobiliser pour imposer leur contrôle sur l’économie et la société, jusqu’à la conquête du pouvoir pour réorganiser l’économie.

C’est un combat social et politique global qui s’inscrit dans la compréhension des bouleversements en cours, en prenant la mesure que les ravages entraînés par la faillite du capitalisme mondialisé sont porteurs de dangers liés à cette montée des forces réactionnaires mais aussi et surtout de révoltes, de mobilisations de l’ensemble des exploité·e·s et des opprimé·e·s à travers le monde.

C’est en donnant à cette révolte qui éclate à travers le monde, la perspective d’un combat social et politique global contre le pouvoir des classes dominantes que se construira le front unitaire contre la montée des forces réactionnaires pour renouer avec la perspective d’une transformation révolutionnaire de l’ensemble de la société, le socialisme.

Bruno Bajou

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