A la veille du forum mondial des milliardaires, à Davos, Oxfam a publié un rapport montrant l’explosion des inégalités dans le monde, comme ici en France. 2 153 milliardaires possèdent l’équivalent de la richesse de 4,6 milliards de personnes, 60 % de la population mondiale. Les 1 % les plus riches possèdent autant que 92 % de la population. Partout dans le monde, ce sont les femmes qui endurent le plus les effets des inégalités.

La fable du « ruissellement » reprise par Macron pour nous convaincre que tout ce qui est bon pour le capital est bon pour la population est un mensonge évident. Ce sont bien la pauvreté et les inégalités, les injustices, les bas salaires qui nourrissent les grandes fortunes, les profits et les dividendes.

La réforme contre les retraites participe de cette politique où tout est fait pour satisfaire les appétits insatiables du capital au détriment de toute la population. Elle ne vise qu’à nous faire travailler plus longtemps pour des pensions en baisse. L’étude d’impact le confirme alors que le Conseil d’État, inattendu, rejoint le camp de la contestation en formulant lui-même ses doutes et critiques...

La dictature du CAC40 et de ses serviteurs

Lundi dernier, accueillant au château de Versailles pour l'opération dite « Choose France » 200 dirigeants de multinationales, Macron a vanté ses réformes « qui aboutissent à un coût de l’emploi compétitif ». Le même jour, en visite chez AstraZeneca, groupe pharmaceutique anglo-suédois implanté à Dunkerque, il s’est insurgé, singeant Trump à Davos, contre ceux qui « nous farcissent la tête de mauvaises nouvelles » alors que « Les bonnes nouvelles elles n'arrivent pas toutes seules. Elles arrivent parce que notre pays se bouge : il convainc les grands patrons du monde entier, il fait des réformes sur le plan de la fiscalité, sur le plan du travail, sur le plan de l'organisation des territoires ». Pour ajouter : « Nous avons baissé le coût du capital avec l'ISF et la Flat tax. Là aussi, il faut faire de la pédagogie. Je suis accusé d'être "le président des riches" mais je suis pour l'intérêt général. Un capitalisme sans capital, ça n'existe pas. Nous avons voulu rendre l'économie plus compétitive en incitant l'investissement ». Tout ça est clair, pour lui l’intérêt général c’est l’intérêt du capital, de ceux dont il est le larbin tout dévoué et empressé.

Tout va bien pour le CAC40 et les riches alors que ce pays compte 9,8 millions de pauvres, 400 000 personnes ayant basculé sous le seuil de pauvreté entre 2017 et 2018. Selon un rapport de l’Insee, publié en octobre 2019, les inégalités « ont connu la plus forte progression depuis 2010 ». 

La lutte pour les retraites, contester cette politique au service du CAC40

A travers la mobilisation contre la réforme des retraites, c’est le rejet de cette politique de régression sociale qui s’exprime, après les gilets jaunes, dans le monde du travail et gagne la jeunesse.

Vendredi, les grèves et les manifestations ont montré une nouvelle fois la vitalité et le dynamisme du mouvement malgré les agressions, les intimidations et les menaces du Premier ministre contre les blocages visant en particulier les grévistes d’Engie dont plusieurs militants sont poursuivis. Philippe et Macron ont reçu leur réponse. De nouveaux secteurs s’engagent dans la lutte, l’imagination, la créativité sont bien là, vivantes, dans les multiples initiatives, gestes symboliques, actions, manifestations, occupations d’établissements scolaires, occupations de rectorats, blocages de dépôts de bus, blocage des grands ports…

Et, signe important pour la suite, dans l’éducation nationale, à l’occasion de la mise en place du contrôle continu (E3C) pour le baccalauréat, enseignants, parents, élèves, interpro se sont retrouvés au coude à coude pour dénoncer la réforme du bac et souvent empêcher les épreuves de se tenir.

Même si dans le privé, la grève se réduit le plus souvent à des débrayages de quelques heures pour les manifs, dans tout le pays, l’hostilité à l’égard du gouvernement ne fait que croître.

Cette floraison d’initiatives et d’actions dépasse la seule question des retraites, elle ébauche une convergence politique anticapitaliste, hors des institutions, contre le gouvernement et le CAC40.

Retrait du projet Macron ou « conférence de financement », il faut choisir

Cette ébullition contestataire qui gagne le pays s’est heurtée et se heurte sur le chemin de la généralisation de la grève à la politique des directions syndicales et de la gauche. Certes, l’intersyndicale appelle à une nouvelle journée nationale le 29 janvier, mais elle accompagne en fait le mouvement sans avoir une politique qui vise à son réel élargissement si ce n’est des appels formels et sans contenu.

L’ambiguïté est illustrée par l’attitude de ses différentes composantes à l’égard de la « conférence de financement » dont Berger, le complice de Macron, a eu l’initiative. Il est évident que cette conférence est un piège qui ne vise qu’à donner du crédit à la petite entourloupe Macron-Berger sur l’âge pivot et à amener les syndicats à discuter financement en respectant la logique de la réforme dont le mouvement exige le retrait.

Il n’est pas possible de se prêter à ce jeu de dupe. Et pourtant !

La CGT et FO dénoncent la mascarade mais il n’est pas question pour elles d’enfreindre les règles du dialogue social mise en musique par Macron-Berger. FO ira à la conférence et si la CGT, sous la pression du mouvement, a laissé planer un doute, au final, sans surprise, elle a annoncé qu’elle irait.

On voit bien que les difficultés du mouvement ne sont pas un simple problème de date et de calendrier mais bien la conséquence de la politique de la gauche syndicale et politique qui en garde la direction et l’influence. Depuis des décennies, elle est prisonnière du jeu institutionnel, du dialogue social ou des politiques parlementaires, en un mot de la collaboration de classe.

Le gouvernement s’en sert sans faire mystère de ses objectifs, intronisant Berger comme son interlocuteur privilégié tout en multipliant les rencontres, séances de concertations, réunions bilatérales et réunions multilatérales, tantôt globales tantôt sectorielles, ou thématiques… Un monde virtuel hors de la réalité et de la lutte pour le retrait du projet où les directions syndicales discutent... de ce même projet !

Le 24 n’est pas un baroud d’honneur mais une étape vers la généralisation de la contestation sociale et politique

La fraction la plus militante du mouvement qui fait vivre les interpros, les coordinations, qui animent la dynamique à l’œuvre ont rompu ou se dégagent du dialogue social mais sans avoir les moyens de prendre réellement la direction de la lutte en main. Depuis 2016, la démoralisation a cédé la place à une nouvelle combativité. Une nouvelle génération militante (de tous âges) fait son expérience et a besoin d’acquérir les armes politiques pour préparer, diriger le nécessaire et inévitable affrontement avec le grand patronat et son État.

Cela suppose une critique radicale de cette intégration de la gauche syndicale et politique aux institutions bourgeoises, à l’État, ce conseil d’administration des intérêts généraux de la bourgeoisie, intégration qui conduit à une soumission à la logique capitaliste, à son idéologie, qui lui laisse l’initiative.

Depuis qu’a commencé l’offensive libérale des classes dominantes, le monde du travail est sur la défensive, de défaites en défaites, de recul en recul. Briser ce cycle qui nous conduit à la catastrophe, c’est renouer avec une politique de classe indépendante, reconstruire une conscience de classe.

Au lieu de cela, les marchands d’illusions à la Mélenchon surfent sur le mouvement pour mieux le cantonner dans le cadre institutionnel et le dévoyer sur le terrain des illusions électorales. Les luttes n’ont pas besoin d’un « débouché politique » mais d’une politique qui affirme les droits des travailleurs, conteste l’ordre établi et pose la question du pouvoir, qui dirige la société, au service de quels intérêts, de quelle classe ?

Le débouché politique que la gauche dit représenter tout en en étant incapable est une impasse. Entre la politique que portent les révolutionnaires et cette gauche, fût-elle gauche de la gauche, il n’y a pas d’alliance électorale possible, pas de front populaire possible, même sur le simple terrain des institutions municipales. Dans la grève et sur les piquets, oui l’unité est possible mais en gardant toute notre indépendance pour être en mesure de contribuer à ce que les grévistes prennent eux-mêmes la grève en main, prennent le pouvoir dans la lutte.

Le mouvement révolutionnaire a la responsabilité de créer un cadre démocratique ouvert à toutes celles et tous ceux qui veulent poursuivre le combat sur la base de l’indépendance et de la solidarité de classe par delà les frontières, en rupture avec les institutions de l’ordre capitaliste et des partis qui les servent. Il ne s’agit pas de discuter « modèle de société » comme si la société bourgeoise était la mise en œuvre d’un modèle et non le produit d’une lutte de classes acharnée pour l’appropriation privée des richesses produites par le prolétariat.

Passer à l’offensive exige des perspectives, un projet, un programme, la volonté d’en finir avec la domination sociale et politique de la classe capitaliste.

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