Le dernier cercle Léon Trotsky organisé par Lutte ouvrière avait pour thème « Le capitalisme, un système économique à l’agonie, un ordre social à renverser » (lien), un sujet d’une grande actualité tant comprendre l’évolution du capitalisme du point de vue de l’avenir de l’humanité nous est indispensable. Comprendre les caractéristiques de la nouvelle phase du développement capitaliste, de la nouvelle époque à laquelle nous sommes confrontés, en relation avec les perspectives et les possibilités de transformation révolutionnaire de la société est une question centrale qui conditionne notre compréhension des tâches des révolutionnaires. Cette conférence a le souci de décrire le capitalisme aujourd’hui à la lumière des contradictions que Marx avait analysées au XIXème siècle pour argumenter sur l’actualité des idées et perspectives révolutionnaires. Elle manque pour une part son objectif en restant prisonnière d’une façon de voir dans le présent la continuation du passé, en particulier en ayant du programme de transition, écrit par Trotsky en 1938, une lecture dogmatique pour en faire le cadre obligé d’analyse et de compréhension du capitalisme aujourd’hui comme des voies et moyens de construire un parti révolutionnaire. Elle fait de la référence au trotskysme une norme au risque d’occulter les évolutions, les changements, les possibilités nouvelles pour les luttes d’émancipation. Le présent n’est ni la simple reproduction du passé ni sa simple continuité. Discuter des caractéristiques du capitalisme aujourd’hui, c’est discuter des possibilités nouvelles ouvertes par un monde en pleine mutation avec un regard critique sur le passé. DR a engagé cette discussion à travers différents articles ces derniers mois, nous souhaitons la poursuivre en fonction de ses conséquences militantes.

Commencer par poser les bonnes questions

En introduction de sa conférence, Lutte ouvrière formule une série de questions auxquelles l’exposé se propose de répondre : « Pourquoi ce système est-il plus que jamais devenu « une entrave au développement des forces productives » comme l’anticipait Marx dès 1847 et comme le constatait Trotsky en 1938 dans le Programme de transition, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale ? Pourquoi seule une révolution sociale permettra de supprimer cette entrave, d’en finir avec la propriété privée des moyens de production pour les mettre en œuvre de façon réellement collective et rationnelle en vue de satisfaire les besoins de toute l’humanité ? ». Pour résumer, le capitalisme est une entrave au développement des forces productives, la réponse, la révolution et l’abolition de la propriété privée. A ce degré de généralité, on ne pourrait qu’être d’accord quoique, au regard de la crise écologique et climatique, il est nécessaire d’insister sur l’utilisation rationnelle des moyens de production plus que sur le développement des forces productives en soi.

Ces questions ont un caractère très général, puisque déjà en 1847 l’affaire était, semble-t-il, entendue, comme si elle pouvait l’être hors de l’histoire des luttes de classes réelles telles qu’elles ont façonné la société du XXIème siècle. Pour Marx, l’histoire n’était pas la résultante d’un déterminisme implacable mais bien le produit de l’activité humaine, des luttes de classes. Il décrivit des tendances, des contradictions, des logiques à l’œuvre à travers la lutte de classe.

La nécessité de la révolution s’inscrivait dans cette lutte de classe et le communisme n’était ni une prédiction ni une proclamation, mais produit et aboutissement de cette lutte de classe, des bouleversements économiques, sociaux, culturels dont elle était le moteur, « leur mouvement réel » disait-il

Revenir aux analyses de Marx est indispensable. Cela ne nous épargne pas cependant de poser les questions concrètes que soulève la nouvelle époque que nous connaissons : comprendre en quoi ce processus historique n’a cessé d’accumuler des forces, de conquérir de nouvelles possibilités, de renaître plus fort de chaque bataille ; plutôt que de nier envers et contre tout le développement des forces productives, comprendre en quoi le capitalisme a poursuivi sa tâche, préparer les bases matérielles et intellectuelles d’une nouvelle révolution, comment cette révolution n’a cessé son œuvre, en permanence ; en quoi la fin de la propriété privée est inscrite comme une possibilité et une nécessité dans le cours de l’histoire, que les classes capitalistes l’ont elles-mêmes profondément transformée ; quelles sont, aujourd’hui, les bases objectives de cette révolution sociale ? Pourquoi, alors que le socialisme et le communisme ont échoué il y a un siècle, pourraient-ils venir à bout d’un capitalisme certes en crise permanente mais triomphant ?

Entre Marx et Trotsky peut-être faudrait-il aussi comprendre et appliquer la méthode de Lénine ? Non comme un dogme mais comme une méthode pour resituer la phase actuelle du capitalisme dans la courbe de son développement, comme Lénine, en son temps, analysait le passage du capitalisme dit de libre concurrence au stade impérialiste et ses conséquences du point de vue des luttes de classes. En quoi le capitalisme tel qu’il est aujourd’hui préfigure-t-il « un nouvel ordre social » pour reprendre la formule de Lénine ?

Les questions qui nous sont posées renvoient aux caractéristiques de la nouvelle époque, celle du capitalisme financiarisé mondialisé. En quoi participent-elles de ce développement dont le communisme est l’expression, la révolution le processus de réalisation, un parti des travailleurs son instrument…

De justes généralités par trop… générales

Lutte Ouvrière aborde bien sûr la question des caractéristiques du capitalisme d’aujourd’hui mais sans les resituer dans l’histoire pour en donner une compréhension globale et dynamique. Elle les aborde d’une façon abstraite.

Le CLT est construit en trois parties : « La dynamique du capitalisme… et ses contradictions », « Le capitalisme aujourd’hui » et une conclusion « La révolution sociale, seule voie pour sortir de l’impasse ». La première partie expose les éléments essentiels qui définissent le capitalisme, ses contradictions, tels que Marx les a mis à nu, le rapport d’exploitation, le marché et la concurrence, la plus-value, la baisse tendancielle du taux de profit… Un exposé quelque peu formaliste qui conduit LO à parler des « gènes du capitalisme ». Mais, même en biologie, les gènes, leur combinaison, leur expression évoluent en fonction de l’environnement. Rien n’est donné une fois pour toute. Et indiscutablement, la façon dont ces « gènes du capitalisme » évoluent, s’associent, s’expriment de façon concrète et historique, peut modifier l’organisme global et a une grande importance du point de vue de la lutte de classe et de ses perspectives historiques.

Certes « la mondialisation est dans les gènes du capitalisme tout comme l’est la nécessité de réinvestir ses capitaux pour les faire fructifier » mais la façon concrète dont elle se réalise n’est pas la même aujourd’hui qu’à l’époque de Marx, de Lénine ou de Trotsky.

En réalité, ces prétendus gènes sont des rapports sociaux déterminés par le développement des forces productives, les rapports de force qui ne sont pas écrits par avance. Des rapports sociaux à travers lesquels s’exprime l’avenir plus que le passé, du moins pour les révolutionnaires. Le déterminisme historique, le matérialisme évolutionniste n’a rien de mécanique, ni ne répond à une quelconque prédestination ou un finalisme.

« La financiarisation de l’économie à la fin du 20e siècle n’est pas plus une option politique que ne l’étaient le colonialisme et l’impérialisme de la fin du 19e » écrit LO, comme ayant découvert une nouvelle loi d’airain du capitalisme qui plierait les hommes à sa volonté. Il y a certes dans cette affirmation une part de réalité, les capitalistes n’ont guère de marge de manœuvre mais leurs décisions dépendent cependant des rapports de force qui s’écrivent tous les jours dans la lutte des classes.

En réalité, et de façon plus générale, il n’existe pas « d’option politique » qui relèverait du simple libre arbitre des hommes. Les choix politiques répondent à des besoins sociaux plus ou moins consciemment pensés mais toujours conditionnés par les positions sociales des différents acteurs ou les intérêts sociaux qu’ils prétendent représenter, les rapports de force entre les classes. Y compris pour les classes exploitées, leur propre conscience évolue en fonction du développement des forces productives, des rapports d’exploitation, de rapports politiques, juridiques, culturels, des luttes sociales et politiques…

Le capitalisme serait-il le même aujourd’hui si la Chine n’avait pas conquis son indépendance, sans la révolte des peuples opprimés ? Ou sans la défaite du prolétariat allemand en 1933 ou de celui d’Espagne en 1936 ?

Rien n’est écrit. Ce sont les hommes et les femmes qui font l’histoire, leur histoire, même s’ils ne choisissent pas les conditions objectives, le cadre de leurs actions… Et toute la question pour les révolutionnaires est de comprendre ces conditions objectives, leur dynamique pour être acteur de leur évolution, de leur transformation du point de vue du développement de l’humanité.

Une vision manichéenne du monde…

Revenant brièvement sur l’histoire du capitalisme en faisant l’impasse sur l’analyse de son stade impérialiste par Lénine, pour aborder la période des années 30 qui suivit octobre 17, LO écrit : « Mais l’échec de la révolution prolétarienne dans le reste du monde, entraînant l’isolement de l’Union soviétique puis la bureaucratisation du premier État ouvrier, a donné un sursis au capitalisme.

Celui-ci était pourtant plus que mûr pour la révolution et la socialisation des moyens de productions. Ce système avait développé les forces productives au maximum où il le pouvait… avant de les détruire. Du point de vue économique, le capitalisme était condamné.»

Pour étayer ces deux affirmations, le sursis et la condamnation, LO s’appuie sur Trotsky citant le Programme de transition écrit en 1938 : « « les forces productives de l’humanité ont cessé de croître ». Il précisait : « Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle » ».

LO fait de cette affirmation, reprise dans divers textes et citée plusieurs fois, une loi historique qui semble définir sa grille de lecture de l’évolution du capitalisme jusqu’à aujourd’hui.

Trotsky écrivait à la veille de la deuxième guerre mondiale dans un contexte marqué par les conséquences de la première guerre impérialiste de 14-18, la crise de 29, la défaite de la vague révolutionnaire, la victoire de la contre-révolution stalinienne et du fascisme, la marche inéluctable à la guerre après la défaite de la révolution espagnole. Les différentes bourgeoisies impérialistes s’engageaient dans une gigantesque aventure meurtrière et destructrice.

Depuis, les nouvelles inventions et les progrès techniques, produits du travail humain, combinés à la lutte des travailleurs et des peuples ont profondément transformé la société et la planète.

Les Trente glorieuse n’ont pas été « une courte parenthèse », « une courte phase de reconstitution des forces productives ». D’abord, il ne faudrait pas oublier que durant ces trente années, les grandes puissances impérialistes ont poursuivi leurs guerres pour briser la révolte des peuples coloniaux et opprimés, sales guerres ô combien destructrices.

Le capitalisme a connu alors une nouvelle phase de développement, bien plus qu’une reconstitution, à travers les crises certes mais durant laquelle les forces productives ont connu de profondes transformations. Ce développement a abouti à une accumulation de richesses matérielles, à un bouleversement des conditions de vie. Dire cela n’est nullement faire l’éloge du capitalisme mais décrire la réalité sans fermer les yeux sur le prix payé par l’humanité du fait que ce développement s’est fait sous la férule du capital, le gaspillage, les souffrances, l’exploitation, les guerres et plus globalement la crise climatique.

Ce développement des forces productives ne contredit pas l’idée formulée par Marx comme quoi la propriété privée capitaliste l’entrave. Il lui donne son contenu concret, historique, dynamique. Le développement des forces productives n’est pas un but en soi, le but est la satisfaction des besoins humains dans le respect des relations de l’homme avec la nature. Et c’est justement ce développement des forces productives qui rend la propriété capitaliste, y compris sa forme financière, caduque et réactionnaire, frein au développement de l’humanité.

Cette nouvelle réalité s’exprime dans un fait nouveau que décrit bien LO, une des caractéristiques essentielles du capitalisme aujourd’hui, la baisse des gains de productivité malgré ou plutôt à cause des progrès technologiques qui débouche sur la crise de rentabilité du capital.

Sous le règne du capital, les forces productives ont continué à se développer, des progrès considérables ont eu lieu rendant la propriété privée capitaliste caduque, réactionnaire et créant les conditions d’une révolution mondiale.

Revenir à Lénine

« Les prémisses économiques de la révolution prolétarienne sont arrivées depuis longtemps au point le plus élevé qui puisse être atteint sous le capitalisme », cette citation de Trotsky tirée du Programme de transition résume une autre des pierres angulaires du raisonnement de LO.

Les conditions objectives sont mûres depuis longtemps, Marx l’anticipait et Trotsky l’a dit ! Mais peut-être que l’histoire réelle, la lutte de classe en vrai ont contredit cette affirmation, apporté des réponses qui peuvent nous amener à nuancer certains propos des camarades qui nous ont précédés dans le combat.

Il n’y a pas de vérité absolue mais des approches de vérité, tout particulièrement en matière de science sociale ou de théorie révolutionnaire. Pour Marx et Trotsky, la lutte révolutionnaire était une impérieuse nécessité immédiate, elle conditionnait leur pensée. Des décennies plus tard de nouvelles « vérités » ont été écrites par les luttes de classes qui, inévitablement, apportent un correctif aux raisonnements antérieurs qui visaient à l’action et non à la prédiction.

Les raisonnements de nos camarades de LO sont prisonniers de leur légitime volontarisme militant et du passé.

Ils conçoivent la construction d’un parti « communiste révolutionnaire » par en haut grâce à l’action volontaire et déterminée des militants, armés d’une foi inébranlable dans l’avenir communiste. Cette foi inébranlable, dans le contexte de recul que nous connaissons depuis des années, en fait depuis l’effondrement de l’URSS, s’arme de convictions souvent plus morales que fondées sur une compréhension de l’évolution du capitalisme et des luttes de classes. Et le champ de ruines qu’est devenu le mouvement ouvrier incite à resserrer les rangs autour de ces convictions. Sauf que ces convictions peuvent isoler et faire écran entre la réalité nouvelle en gestation et les cerveaux des militants.

Notre démarche aurait tout intérêt à s’approprier la méthode de Marx, Lénine et Trotsky, au moment où l’histoire bascule vers de nouvelles perspectives révolutionnaires.

« Depuis l’époque du Programme de transition, écrit LO, le poids numérique et social du prolétariat s’est accru. Des centaines de millions de travailleurs sont réunis, par de-là les entreprises, les villes, les secteurs économiques, les frontières, liés entre eux par le processus même de la production et de la distribution de toutes les marchandises. Ce qui leur manque, c’est la conscience de former une même classe avec des intérêts communs, une classe sociale légitime et capable de diriger la société bien mieux que la classe capitaliste ».

Une première remarque s’impose. Le développement du prolétariat fait partie du développement des forces productives, bien réel quoi que puissent en dire nos camarades de LO.

Ensuite, la conscience de ce prolétariat évolue en permanence à travers son expérience sociale et politique du capitalisme et des rapports d’exploitation qu’il affronte quotidiennement.

C’est tout autant de ces transformations que de l’action des militants que viendra « la conscience de former une même classe avec des intérêts communs, une classe sociale légitime et capable de diriger la société bien mieux que la classe capitaliste ». Il n’y a aucun automatisme mais l’action militante ne prend de sens et d’effet qu’à travers les évolutions et conflits sociaux et politiques surgis des contradictions même du capitalisme, de leur maturation, de leur exacerbation.

Être en prise avec la nouvelle phase de développement du capitalisme

Le capitalisme connaît aujourd’hui une nouvelle phase de développement, le capitalisme financiarisé, mondialisé, qui peut se définir de façon résumée et pour paraphraser Lénine comme le capitalisme au stade des multinationales.

Il s’est formé à travers l’offensive libérale et impérialiste engagée au début des années 80 visant à lutter contre la baisse du taux de profit par les privatisations, la remise en cause des acquis sociaux, l’intégration au marché et à la production mondiaux des nouveaux États nés des luttes de libération nationale, principalement les pays émergents, et de l’effondrement de l’URSS. La crise de 2007-2009 a été un tournant irréversible au sens où les réponses apportées à leur crise par les capitalistes et leurs États ont accentué tous les facteurs de crise, de parasitisme de la domination capitaliste. Elle a généralisé l’économie de l’endettement pour alimenter les profits.

L’internationalisation de la production et des échanges a cédé la place à une économie mondiale intégrée.

La financiarisation de l’économie a été le moyen pour la classe capitaliste de se dégager des contraintes des États nationaux comme de la propriété privée capitaliste en transformant les moyens de production et d’échange en actifs financiers qui s’échangent en permanence sur les marchés financiers et les places boursières.

Une oligarchie financière s’approprie et se partage la plus-value produite à l’échelle de la planète.

Cette financiarisation est aussi un moyen pour le capital de s’adapter au développement des nouvelles technologies qui permettent une socialisation, une internationalisation croissante de la production en contradiction avec les États nationaux et la propriété privée. Elle est paradoxalement l’hommage du vice à la vertu, du capitalisme au socialisme.

Le développement de la production et des échanges à l’échelle planétaire globalise la mise en concurrence des travailleurs et travailleuses dans le même temps qu’il développe le rapport d’exploitation capitaliste à un niveau jamais atteint et qu’il tend à ruiner les acquis du prolétariat des vieilles puissances impérialistes. La concentration de richesses immenses entre quelques mains provoque une accentuation inédite des inégalités.

Il globalise aussi la concurrence entre les États, grandes puissances, puissances régionales ou locales sans que même les USA puissent prétendre maintenir un équilibre un tant soi peu stable dans les relations internationales.

Le capitalisme financier mondialisé est incapable de se réguler.

Il connaît une crise permanente conséquence de l’épuisement des gains de productivité. Au développement des techniques ne répond pas un développement de la production permettant de satisfaire les exigences de rentabilité financière de la masse énorme de capitaux en mal de plus-value.

Les capitalistes n’y font face qu’au prix d’une guerre permanente contre les salariés et les peuples en accentuant les rapports d’exploitation.

Dans le même temps, la mondialisation capitaliste épuise les ressources naturelles et engendre une crise climatique, écologique à laquelle le capital comme les États sont incapables d’apporter une solution.

L’instabilité économique et financière, les tensions internationales, les rivalités et luttes d’influence, les multiples conflits militaires locaux entraînent une montée des militarismes et un état de guerre permanent.

Si l’ensemble des transformations qui ont abouti à ce nouveau stade de développement du capitalisme montre ses limites ultimes, elles sont une étape vers un ordre économique nouveau pour reprendre la formule de Lénine au sujet du stade impérialiste.

Comme le disent nos camarades de LO, « Pour la première fois dans l’histoire des sociétés humaines, le surproduit social est si grand qu’il pourrait servir à tous, sans être accaparé par la classe privilégiée. Le niveau atteint par les forces productives permettrait de réduire considérablement le temps de travail moyen que chaque individu doit consacrer à la satisfaction des besoins de tous ; ce qu’on appelle le « temps de travail socialement nécessaire ». Pour réduire ce temps au minimum, quelques heures par mois, il faut permettre à chaque personne, quel que soit son âge ou ses capacités, de trouver sa place dans ce processus. Cela évitera qu’une partie des exploités détruisent sa santé au travail pendant qu’une autre fraction crève dans la misère ou survit au chômage ou avec des petits boulots. Cela permettra que l’accès à la culture, aux sciences, aux arts mais aussi à l’oisiveté - ce « droit à la paresse » que revendiquait Paul Lafargue - ne soit plus le privilège d’une minorité qui profite du surtravail de l’immense majorité. « Le temps disponible doit devenir la mesure de la richesse » disait Marx pour qui la réduction de la journée de travail était une condition nécessaire pour que les hommes puissent s’épanouir ».

En effet, le capitalisme a continué de diriger le développement des forces productives faisant payer à l’humanité un lourd tribu pour la perpétuation de sa domination. Il a cependant et malgré lui donné à la perspective du socialisme sa pleine et entière dimension mondiale, globale, jusqu’alors entravée par les survivances du passé du développement national du capital.

Aujourd’hui, la formation d’une économie mondiale intégrée, l’affaiblissement de la propriété privée et des États nationaux accentuent les deux contradictions principales du capitalisme, la première entre la socialisation de la production et des échanges et la propriété privée et l’État national, la deuxième entre le développement sans limite de la production et une consommation limitée par le maintien des masses dans la misère, la surproduction opposée à la suraccumulation de capital.

Il aboutit à un nouvel essor des luttes de classes, sociales et démocratiques, pour réguler l’économie en fonction des besoins sociaux et du respect de l’environnement, c’est-à-dire la lutte pour le socialisme, le communisme, seule issue pour l’humanité.

« On ne sait pas quelle mesure, quelle ignominie, écrit LO, déclenchera des luttes défensives ou des révoltes plus profondes dans tel ou tel pays. L’exploitation quotidienne et l’intensification de la crise ne manqueront pas d’en provoquer. Mais pour que ces luttes collectives contribuent à faire renaître une conscience de classe ; pour qu’elles fassent émerger dans le maximum de pays, des militants ouvriers aguerris ; pour qu’elles soient des étapes dans la transformation des travailleurs en une force politique déterminée à contester le pouvoir à la bourgeoisie, nous devons nous atteler à comprendre, à transmettre et diffuser la « méthode révolutionnaire » héritée du mouvement ouvrier socialiste et communiste ».

Une telle compréhension relève d’une image d’Épinal, l’étincelle qui met le feu à la plaine et les révolutionnaires armés de la bonne méthode qui… La conscience de classe se façonne, en réalité, quotidiennement, et c’est quotidiennement que les révolutionnaires ont à exprimer, encourager, armer politiquement, intellectuellement ces évolutions.

Cela nécessite de nous donner collectivement, démocratiquement les moyens de répondre aux besoins, aux aspirations au bien être, à la démocratie, à l’égalité, au respect de la nature qui s’expriment et se renforcent à travers les luttes, celles des gilets jaunes et des travailleurs de ce pays, le soulèvement de la jeunesse et des travailleurs algériens, des jeunes contre le climat. Les consciences ont à se dégager du passé pour mieux en faire vivre les espoirs comme les idées aujourd’hui.

Cela suppose une grande capacité démocratique et révolutionnaire pour rassembler, unifier la classe ouvrière, animer, faire vivre la démocratie directe, celle des assemblées, des comités de grève pour construire le pouvoir des travailleurs et des classes populaires.

La révolution à venir sera infiniment plus large, démocratique, profonde, internationale que toutes celles qui l’ont précédée, et cela grâce au développement des techniques, de la culture, grâce à la révolution industrielle en cours entravée par la propriété privée capitaliste à laquelle il faut mettre un terme.

Yvan Lemaitre

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