Macron se prend les pieds dans son grand débat, esbroufe et confusion, qui lui permet de remobiliser sa base sociale bourgeoise et réactionnaire mais ne convainc personne. Il s’enferre dans son propre piège. « Moi aussi je suis Gilet jaune » ose-t-il prétendre. Méprisant et cynique, il alimente la colère d’autant que chaque semaine apporte de nouveaux faits qui viennent légitimer la révolte et contribuent à préparer l’élargissement du mouvement.
Ainsi les supermarchés appliquent, depuis le 1er février, une hausse des prix de certains produits alimentaires qui atteint 10 %. Ils invoquent la loi négociée entre agriculteurs, industriels et distributeurs qui, sous prétexte de mieux rétribuer les agriculteurs, interdit la vente avec une marge bénéficiaire trop basse sur certains produits alimentaires, mesure que le gouvernement voudrait étendre à tous les produits alimentaires. Un nouvel exemple de la perversité de la politique gouvernementale qui, sous couvert de relever les revenus des agriculteurs, autorise les distributeurs à… augmenter leurs prix. Pas question de les obliger à prendre sur leurs profits ! C’est aussi la hausse des tarifs des autoroutes, 1,8 % en moyenne, soit plus de 10 % en sept ans. EDF, de son côté, annonce une hausse de 6 % des prix de l’électricité au 1er mars…
A cela s’ajoute l’arrogance du pouvoir qui justifie les violences policières et la répression, les milliers de victimes blessées gravement par les flash-ball et les grenades, une campagne visant à calomnier le peuple inculte, haineux, factieux, voire fasciste… Les propos de Macron adressés à son ami le voyou Benalla, « tu vas les bouffer. T’es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi », donnent un résumé saisissant de l’état d’esprit des sommets de l’Etat. Dans des « confidences » au journal Le Point, il accuse « dans l’affaire Benalla comme celle des Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère »… puis à propos de Christophe Dettinger « il a été briefé par un avocat d’extrême gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan » !
La loi anticasseurs discutée à L’Assemblée illustre cette volonté d’intimider, de faire peur, d’étouffer la révolte. Elle instaure un « délit de dissimulation de visage », le principe du « casseur-payeur » et surtout la possibilité pour les préfets et non les juges de prononcer de manière préventive des interdictions de manifester contre des individus, de créer des périmètres de sécurité autour de manifestations (contrôle visuel, ouverture des sacs et palpations de sécurité), également d’interdire à toute personne susceptible de se livrer à des violences de participer à une manifestation, le règne de l’arbitraire…
Et le Conseil d’Etat, aux ordres de l’Elysée, vient de rejeter la suspension de l’usage en manifestation des lanceurs de balles de défense (LBD), un rejet « total et sans conditions » au moment même où l’on apprenait que c’est bien un tir de LBD qui a gravement blessé à l’œil Jérôme Rodrigues.
Cette répression montre la faiblesse politique de l’imposteur au pouvoir, elle renforce la détermination.
La vitalité de l’acte XII en a été une nouvelle démonstration exprimant la solidarité avec les « Gueules cassées », les centaines de manifestants blessés depuis le début de la contestation, pour mettre en accusation les violences policières.
Un nouvel acte se prépare qui indique la voie pour changer radicalement la donne.
A l’initiative de la CGT rejointe par Solidaires et par la FSU, la journée du 5 février est en train de prendre corps. Les convergences gilets jaunes - militants syndicalistes se multiplient à tous les niveaux, les appels communs, les appels de gilets jaunes. L’appel de l’Assemblée des assemblées de Commercy circule, parfois repris. La perspective d’une grève reconductible, illimitée, la grève générale, se discute même si elle n’est pas affaire de proclamation et si la majorité des salariés restent, pour le moment, observateurs.
Au-delà de la passivité et des intentions des appareils syndicaux et de l’hostilité d’une fraction des gilets jaunes, la rage et la colère peuvent donner un nouveau souffle au mouvement en affirmant son caractère de classe, en le dégageant des confusions populistes et du bleu-blanc-rouge pour contester non seulement Macron mais la politique des capitalistes, leur système.
Les gilets jaunes ont ouvert une brèche. Ils ont montré aussi la voie et la méthode, leur capacité d’agir collectivement hors des cadres institutionnels en prenant en main leur mobilisation.
La contestation a devant elle une nouvelle étape, celle du rassemblement des forces du monde du travail autour de la défense de ses propres intérêts de classe pour devenir un mouvement d’ensemble. Avec l’expérience nouvelle des gilets jaunes, nous pouvons engager une dynamique pour nous organiser dans les entreprises, sur les ronds-points ou dans les quartiers ; trouver ensemble de nouvelles formes de coordination permettant à toutes et tous d’être les acteurs de la lutte pour fédérer démocratiquement les mobilisations contre l’Etat et le Medef.
C’est une nouvelle étape dans une bataille illimitée pour inverser le cours des choses, remettre en cause la logique du profit, le totalitarisme de l’économie de marché, de la concurrence, de la domination sur la société d’une minorité parasite.