« Clap de fin » titre l’article du NPA rendant compte de la rupture de LO avec le NPA sur la possibilité d’un accord entre les deux organisations pour présenter une liste commune aux élections européennes. LO pour sa part titre son article de façon évasive, « Rencontres NPA-LO : des divergences », pour aborder quand même le fond de la discussion, son refus de mener une campagne commune avec le NPA. La rupture de LO constitue un échec, un échec annoncé qui vient souligner la grande difficulté du mouvement révolutionnaire de sortir de ses divisions pour se penser et agir comme un parti des travailleurs, démocratique et révolutionnaire, se situant sur un terrain d’indépendance de classe afin de rassembler celles et ceux qui luttent pour la transformation révolutionnaire de la société. Elle illustre la difficulté du mouvement révolutionnaire à répondre aux besoins de la période. Et paradoxalement, c’est la gravité même de la situation, selon LO, qui vient justifier ce dogmatisme sectaire.
« Si nous ne voyons pas aujourd’hui comment concevoir une campagne commune, c’est surtout parce que la situation a fondamentalement changé. L’aggravation de la crise et ses conséquences politiques nous imposent d’affirmer notre programme révolutionnaire, sans en brouiller le contenu et les perspectives au milieu d’une campagne fourre-tout » écrit LO. Bien au contraire, à notre avis, le contexte social et politique que nous connaissons vient souligner encore plus que par le passé la nécessité d’un accord. Le fait que la situation a fondamentalement changé comme le dit à juste titre LO, ne permet plus de faire un simple accord électoral entre organisations aussi soucieuses l’une que l’autre de préserver leur indépendance comme ce fut le cas par le passé. Parvenir à un accord supposait dans ce contexte de l’inscrire dans une perspective commune à plus long terme, une politique de construction d’un parti des travailleurs se fixant pour tâche et perspective d’apporter une réponse à une des causes essentielles de la montée des forces et idées réactionnaires : l’impuissance du mouvement ouvrier dominé par le développement du capitalisme financier mondialisé.
Le refus de LO est une nouvelle étape dans son évolution depuis 1995 après l’appel d’Arlette Laguiller à la construction d’un parti des travailleurs. Cet appel fut vidé de tout contenu d’abord par le refus de LO d’en discuter et d’y associer la LCR qui avait alors répondu positivement. Ensuite par le fait que LO ne fit jamais de cet appel une politique.
Cet abandon a provoqué une crise au sein de LO aboutissant à l’exclusion des camarades à l’origine de Voix des travailleurs qui fusionna avec la LCR en juin 2000, aujourd’hui Démocratie révolutionnaire dans le NPA, puis celle des camarades de la Fraction L’étincelle qui ont rejoint le NPA. Nous espérons que cette nouvelle étape dans le repliement dogmatique et sectaire de LO suscitera de nouvelles discussions tellement son refus est à contre-courant de la situation, prisonnier du passé, invoquant le trotskysme comme argument sectaire.
Nous ne voulons absolument pas flatter au sein du NPA ou autour de nous le sectarisme contre LO. Bien au contraire, nous regrettons la rupture et poursuivons la discussion politique.
Simple accord électoral ou perspective à plus long terme ?
Le NPA, quant à lui, s’il a eu le grand mérite de prendre l’initiative des discussions et de proposer un accord, ne s’est pas donné, en fait, les moyens de sa politique.
Il ne pensait pas cette démarche dans une perspective plus large, en fonction du contexte, faire en sorte que le mouvement anticapitaliste et révolutionnaire puisse mener une campagne commune pour travailler à poser les jalons d’un parti des travailleurs.
Rien ne dit que cela lui aurait donné les moyens d’entraîner les camarades de LO. La question n’est pas là mais bien de discuter de la politique qui est nécessaire au mouvement révolutionnaire.
Le contexte actuel remet à l’ordre du jour la question d’un parti des travailleurs sur des basses d’indépendance de classe, révolutionnaire dont il faut discuter le programme, la stratégie, en fonction d’une compréhension commune de la période et des tâches pour reprendre l’expression de Trotsky et non en fonction de références dogmatiques.
Force est de constater l’éclectisme du NPA, sa confusion politique entretenue par les conceptions de la politique dite « des partis larges » accompagnée de la politique unitaire vis à vis de la gauche radicale, antilibérale, l’unité de « la gauche sociale et politique » considérée comme la clé de la situation.
Suite à cet échec, le NPA doit tenter de se donner les moyens de se présenter, de se faire entendre au mieux dans cette campagne en lien avec notre intervention dans les mobilisations et nos tâches de construction. La situation politique, l’explosion de colère qui traverse le pays, la politisation qu’elle provoque seront pour cela autant de points d’appui. Mais pour cela, notre politique doit prolonger, consolider la démarche qui nous a conduits à rechercher l’accord avec LO, la dégager des confusions : mener une campagne qui vise à encourager, armer les travailleurs à faire de la politique, prendre leurs affaires en main, construire leur propre parti et poser donc la question de la nécessité de l’unité et du rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires comme étape vers un parti des travailleurs.
Il s’agit de sortir des confusions et d’être cohérent. La recherche d’un accord avec LO inclut, y compris après l’échec, une politique vis à vis de ces camarades, de leur milieu.
L’explosion de colère que porte le mouvement des gilets jaunes contre la hausse des taxes sur les carburants, quelles que soient ses confusions et les instrumentalisations dont il est l’objet, exprime une légitime colère dont nous sommes pleinement solidaires et vis à vis de laquelle nous avons une politique à défendre. Elle souligne le manque d’un parti des travailleurs pour sortir de la passivité des directions syndicales, pour que le mouvement ouvrier soit à même de défendre ses propres intérêts tout en portant les exigences des autres couches sociales qui, de fait, contestent le pouvoir du capital. Ce n’est qu’ainsi que nous serons à même de combattre la menace de l’extrême droite.
Contrairement aux proclamations défaitistes qui viennent au secours des routines et du repli sectaire, la nouvelle époque dans laquelle le monde est engagé ouvre aussi une nouvelle époque pour le mouvement ouvrier lui-même, riche de possibilités et qui remet à l’ordre du jour la perspective révolutionnaire, la prise du pouvoir par les travailleurs qu’avaient liquidées les vieux partis, le PS et le PC aujourd’hui effondrés.
C’est cette perspective que nous voulons porter dans les élections et aussi et surtout quotidiennement dans les luttes, les mobilisations, sur les lieux de travail et d’habitation, au sein de la jeunesse.
Nous souhaitons que le NPA puisse être présent lors des européennes, nous militons pour et appelons tous nos amis à prendre en main la souscription pour nous aider à récolter les fonds nécessaires. Nous souhaitons aussi discuter avec chacune et chacun, militants et proches de LO et du NPA, travailleurs, jeunes, qui se sentent partie prenant de nos responsabilités communes afin de porter ensemble notre combat pour l’unité des anticapitalistes et révolutionnaires.
Yvan Lemaitre