Cette semaine à Washington, Macron tentait de se faire une place entre Trump et Poutine, alors que les Etats-Unis viennent d’opérer un brusque revirement diplomatique sur la guerre en Ukraine, mis en scène vendredi au beau milieu du bureau ovale avec les menaces de Trump à Zelinsky : « concluez un accord ou nous vous laissons tomber » ! Pour négocier avec Poutine, Trump voudrait se débarrasser de celui qui fut encensé comme chef militaire, grand défenseur de l’Occident dans la guerre par procuration des USA et de l’Otan contre la Russie.

Une politique qui conduit Macron et l’Europe à accepter le rôle de supplétif de l’armée américaine pour assurer cette « paix par la force » le long des frontières avec la Russie et qui fait tomber le masque de la politique des Etats-Unis vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Après l’hypocrisie de Biden prétendant agir au nom de la défense des droits des peuples, la « paix » de Trump ne vise qu’à faire sous-traiter la politique belliciste des Etats-Unis par l’Europe. Et dimanche, à Londres, toutes celles et ceux qui s’étaient empressés de condamner Trump ont déployé leur zèle pour mettre en musique leur rôle dans sa politique pour « éviter le risque que l’Occident se divise », ainsi que l’a déclaré Meloni.

Macron a tenté de négocier les droits de douane en échange d’un renforcement des dépenses militaires : « Ce n’est vraiment pas le moment d’augmenter les droits de douane. Pourquoi ? Parce que l’urgence c’est d’augmenter nos dépenses en matière de défense et de sécurité. Comment voulez-vous qu’on le fasse si on est en guerre commerciale ? ». Pas sûr qu’il ait convaincu… Mercredi, Trump annonçait la mise en place prochaine de droits de douane de 25 % sur les produits européens en déclarant « L’UE a été conçue pour emmerder les États-Unis » !

Cette politique cynique et brutale de Trump est l’expression de la politique des classes possédantes américaines pour continuer de capter des profits exorbitants dans un contexte de stagnation économique. Il lui faut continuer d’alimenter la machine à profits au prix d’une concurrence exacerbée, au cœur des conflits et des guerres qui se multiplient en Ukraine, au Moyen-Orient ou en Afrique.

Sous cette pression combinée, l’Europe augmente tous ses budgets militaires. Le 1er ministre britannique travailliste Keir Starmer vient d’annoncer une augmentation des dépenses d’armement de 2,3 % à 2,5 % du PIB dès 2027, en se vantant de « la plus forte augmentation du budget militaire britannique depuis la fin de la guerre froide ». Il ambitionne même les 3 % dès 2030 ! En Allemagne, Merz annonce déjà sa volonté de faire voter un fonds spécial de 200 milliards d’euros pour l’armée, quitte à réformer le « frein à la dette » mis en place par la CDU en 2009.

Cette concurrence exacerbée des capitalistes conduit à une flambée de militarisme, de guerre dans laquelle ils veulent enrôler les travailleurs.

Non à l’Union nationale et guerrière

En France, Macron et le gouvernement préparent les esprits, à coups de campagnes médiatiques attisant le thème de la menace russe contre « notre sécurité ».

Alors que le gouvernement passe au rabot tous les budgets sociaux pour imposer 34 milliards d’économies, le budget militaire augmente de 3,3 milliards en 2025.  Il vient d’atteindre les 2 % du PIB, soit 50,5 milliards d’euros cette année, avant de croître de 3 milliards par an pour atteindre 67 milliards en 2030. Mais Macron en veut plus : « je ne sais pas si 5 % est le bon chiffre pour la France, mais en tout cas il va falloir monter » !

Et il ne s’agit pas seulement d’acheter davantage d’armes. La France et l’Angleterre envisagent déjà de déployer une force de « réassurance » de 30 000 soldats européens en l’Ukraine. Une politique qu’ils comptent faire payer à l’ensemble des classes populaires, par l’austérité et l’enrôlement des travailleur.es dans leur guerre.

Les objectifs du gouvernement sont clairs : pas question « d’aggraver la dette » pour financer les dépenses militaires comme le déclare Lombard, ministre de l’économie : « Ces investissements supplémentaires qui vont être nécessaires, devront être financés autrement […] il va falloir travailler plus ». Un refrain repris également par Macron, citant en exemple le Danemark « prêt à repousser l’âge de la retraite à 70 ans pour financer son effort de guerre » !

Cette politique militariste s’accompagne d’une surenchère nationaliste et raciste, au nom de la défense de l’Occident menacé par le reste du monde. Une politique qui profite au RN et à la droite extrême, à l’image de Retailleau instrumentalisant le drame de Mulhouse en déclarant : « ce sont les désordres migratoires qui sont aussi à l’origine de cet acte terroriste », avant de s’attaquer à l’Algérie, accusée de ne pas recueillir les ressortissants expulsés de France. Bayrou vient même d’envoyer un ultimatum menaçant de remettre en cause les accords bilatéraux de 68 avec l’Algérie… Une vieille revendication de l’extrême-droite et une politique n’hésitant pas à raviver le colonialisme pour exacerber le racisme. Dans la foulée de ses déclarations sur le « sentiment de submersion » migratoire, Bayrou vient même d’annoncer des « conventions citoyennes décentralisées » sur « qu’est-ce qu’être français ? » !

Flambée du militarisme, politique réactionnaire, austérité budgétaire pour financer la dette et les profits… Les classes possédantes et le gouvernement nous déclarent la guerre. Les travailleur·es, la jeunesse, n’ont pas d’autre issue que l’affrontement face au capitalisme prédateur.

Face à l’offensive, les directions syndicales « conclavent »

Le PS a fait éclater le NFP et laisse les mains libres à Bayrou pour mener sa sale politique. Quant à LFI, qui cherche à garder son indépendance, elle se limite au cadre des institutions, participant du même consensus national. Et les directions des grandes centrales syndicales participent à la mascarade du conclave sur les retraites, donnant crédit à cette farce présentée par le PS comme un recul de Bayrou, même si FO vient de claquer la porte.

Vautrin, la ministre du travail, a déclaré qu’il s’agit de « donner une feuille blanche » aux partenaires sociaux… Mais le gouvernement ne prend pas grand risque avec ces « partenaires » quand le patron du Medef déclare : « A minima, préservons l’âge légal de départ à 64 ans. Si l’on était réaliste, il faudrait peut-être même le pousser un peu plus loin » !

La base des discussions est elle aussi bien cadrée, puisqu’il s’agit du rapport de la Cour des comptes remis le 20 février. Un rapport « indiscutable » dont les syndicats se sont même félicités sous prétexte qu’il ne reprend pas les déclarations de Bayrou sur le « déficit caché » des retraites de 55 milliards d’euros.

Sauf que ce rapport annonce un déficit de 6,6 milliards d’euros en 2025, de 15 milliards en 2035 et de 30 milliards en 2045, « malgré la réforme de 2023 » ! Il ne fait même pas l’hypothèse d’un retour aux 62 ans sans parler des 43 annuités de cotisation votées sous Hollande qui passent complètement à la trappe.

Quant aux fameux « leviers » donnés par ce rapport, les choix sont clairs : augmentation de l’âge de départ, de la durée de cotisation, sous-indexation des pensions sur l’inflation… Tout est bon à prendre sauf l’augmentation des cotisations patronales qui entraînerait « une augmentation des coûts de production et donc une dégradation de la compétitivité des entreprises ».

Tout est cousu de fil blanc pour annoncer de nouveaux reculs, la retraite à points ou la capitalisation. Bayrou a même donné sa lettre de mission aux syndicats et au patronat : « rétablir l’équilibre financier de notre système de retraites » dès 2030 !

Tout cela ne gêne en rien les directions syndicales à l’image de Marylise Léon qui déclare que « la CFDT va regarder la question financière avec beaucoup de sérieux et beaucoup de sang-froid ».

Quant à la CGT, elle bluffe sans grand succès en appelant à « gagner l’abrogation des 64 ans » quand il devient évident que ce conclave n’est qu’un écran de fumée pour préparer l’offensive du gouvernement. Sophie Binet annonce même vouloir ouvrir « un chemin vers l’abrogation » de la réforme sur les retraites en demandant à Bayrou de prendre son indépendance par rapport aux patrons… On est bien loin de la lutte de classe pour imposer nos exigences et nos droits !

Les directions syndicales s’intègrent au jeu politique du gouvernement et de la bourgeoisie, après la défaite du mouvement des retraites qu’elles ont maintenu dans le cadre institutionnel et parlementaire et dont elles n’ont jamais voulu tirer les bilans. Préparer la riposte signifie en finir avec cette politique du « dialogue social ».

Préparer la confrontation, une politique de classe face à une offensive globale

Il n’y a pas de solution dans le cadre du système et de l’offensive capitaliste globale en cours. La question des retraites, de la protection sociale, des salaires, de la lutte contre les licenciements signifie un affrontement majeur, un changement du rapport de force à l’opposé de la politique du « conclave social ».

Plus que jamais, il n’y a rien à négocier dans le cadre du système lui-même, si ce n’est des reculs. La seule politique de Macron-Bayrou, c’est la régression sociale pour nous faire payer la dette, pour alimenter les entreprises d’argent public et pour financer les dépenses militaires.

Développer une politique d’indépendance de classe passe par une compréhension globale de l’offensive actuelle des classes possédantes et de ceux qui les servent. C’est eux ou nous, les milliardaires et les multinationales ou notre camp social, celles et ceux qui n’exploitent personne et qui portent les intérêts collectifs du plus grand nombre.

La mascarade parlementaire comme celle du « conclave » accélère les évolutions de conscience, les ruptures et ouvre une page nouvelle pour l’organisation et les luttes du monde du travail. Alors que les directions syndicales s’enferrent dans le « dialogue social », servons-nous de toutes les initiatives, le 8 mars pour les droits des femmes, le 22 mars avec la marche des solidarités contre le racisme et la xénophobie, pour discuter de la situation, nous organiser et prendre en main nos propres luttes.

Laurent Delage

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