En proposant de déplacer les Gazaouis en Égypte, en Jordanie ou partout où ils seraient acceptés sans possibilité de retour et de faire de Gaza, dont l’armée américaine pourrait prendre le contrôle, une « Côte d’Azur du Moyen-Orient », Trump vient de montrer à la face du monde, de façon particulièrement odieuse, que les USA n’étaient pas seulement complices de la guerre génocidaire d’Israël mais qu’ils en étaient bien les acteurs, les commanditaires.

Ces propos provocateurs, marqués du mépris raciste et xénophobe ont soulevé une indignation pour le moins légitime mais souvent bien hypocrite de la part de chefs d’État, comme Macron, qui ont toujours couvert la politique sioniste de l’État d’Israël qui depuis sa fondation piétine les droits du peuple palestinien pour le compte des USA et des puissances occidentales.

Trump a fait cette déclaration monstrueuse avec à ses côtés Netanyahou, en visite à Washington, qui s’en est félicité pour afficher leur pleine connivence. « Nous éliminerons le Hamas et ramènerons nos otages. C’est l’ordre. Et c’est ce que nous ferons », a réaffirmé Netanyahou. Trump a promis un « véritable enfer » au Hamas si les otages n’étaient pas « tous ramenés avant samedi midi ». Et Netanyahou de surenchérir : « Si le Hamas ne rend pas nos otages d’ici samedi midi, le cessez-le-feu prendra fin », menaces qui n’ont pas eu de raison d’être mises à exécution mais qui néanmoins signifient la reprise intensifiée de la guerre qui n’a jamais cessé. Et, ce dimanche au côté du secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, en visite à Jérusalem, il s’est vanté qu’Israël, avec le soutien des USA, « finira le travail » contre la menace de l’Iran.

Quant au ministre israélien de la Défense, Israël Katz, il a ordonné à l’armée de préparer un plan pour permettre le « départ volontaire » des habitants de Gaza et déclaré : « Je salue le plan audacieux du président Trump, les habitants de Gaza devraient être autorisés à quitter Gaza et à émigrer librement, comme c’est la norme dans le monde ».

Et en fin de semaine dernière, le département d’État américain a approuvé la vente de bombes, de munitions et de missiles d’une valeur totale de 7,4 milliards de dollars à Israël.

Trump poursuit sans masque la politique de Biden de la même façon que dans la guerre par procuration des USA en Ukraine quand il dit se moquer éperdument que l’Ukraine soit ou pas russe. Il le dit sans détour, à la différence de Biden qui se moque tout autant que lui du droit des peuples… Il est prêt à négocier un accord avec Poutine en fonction du rapport de force, une paix ou une trêve ou une simple manœuvre diplomatique entre brigands contre les peuples, qui vise, alors que l’Ukraine est à bout de force, à tenter de rétablir des relations avec la Russie contre la Chine tout en mettant l’Europe à sa botte ainsi que l’a clairement montré JD Vance, le vice-président américain, samedi, lors de la conférence de Munich sur la sécurité en Europe. Dans le même temps, il voudrait mettre la main sur les métaux des terres rares qui se trouvent sur des territoires en possession de la Russie.

Ces agressions constituent une continuité dans les surenchères militaristes des USA ainsi que l’annonce de la volonté d’achat du Groenland, d’annexion du Canada, de la saisie du canal de Panama et la nouvelle dénomination de « Golfe du Mexique » en « Golfe de l’Amérique ». Une continuité mais aussi un basculement.

Cette brutalité assumée, érigée en mode de gestion des relations diplomatiques, n’est pas que la conséquence de l’arrivée au pouvoir d’un psychopathe mais bien du basculement économique et politique du monde qui a enfanté, au sein de la première puissance mondiale, ce psychopathe. Ce dernier est le produit de la guerre économique et militaire engagée par Biden au nom du même America first, d’une offensive qui n’a plus besoin de cacher ses véritables objectifs derrière des phrases creuses sur la démocratie et les droits des peuples. L’heure est à l’escalade sans fard.

Guerre économique et guerres militaires, la sauvagerie de la concurrence et du pillage

Personne ne peut dire jusqu’où iront les USA, mais il serait aveugle de croire que Trump n’agit que par démagogie, bluff ou fanfaronnade ou au mieux pour négocier. Pour en juger il suffit de voir le large assentiment qu’il reçoit au sein des classes dirigeantes américaines et y compris ici.

Au-delà de la forme et du coup de menton ridicule de l’aspirant dictateur, les lignes directrices de sa politique obéissent à la logique du « America great again » partagée par Biden et la classe dirigeante américaine, c’est-à-dire, plus globalement, à la logique de la politique d’accumulation du capital.

Engels écrivait en 1879 : « L’État moderne, quelle que soit sa forme, est essentiellement une machine capitaliste, l’état des capitalistes, la personnification idéale du capital national total. » Cette idée prend à l’heure du capitalisme financiarisé mondialisé une forme particulièrement concentrée, la fusion des politiciens et capitalistes milliardaires au sommet de l’État de la première puissance mondiale.

Ce phénomène est l’expression du caractère de plus en plus indissociable entre la concurrence et le militarisme ou plutôt des politiques protectionnistes et de la guerre dans le cadre de la concurrence mondialisée. La guerre est le complément du protectionnisme dans la guerre globale que les capitalistes se livrent entre eux pour s’approprier la plus grosse part possible des profits tirés de l’exploitation du nouveau prolétariat mondial et du pillage des richesses dans le monde.

Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une poignée de puissances impérialistes qui se battent pour le partage des colonies mais les multinationales et les Etats, petits et grands, qui se battent pour le partage des richesses produites dans le monde ce qui n’exclut nullement les guerres territoriales locales par procuration.

L’arme des droits de douane intervient dans le long terme dans une économie mondiale stagnante et soumise à une concurrence de plus en plus exacerbée et multipolaire. La décision récente de Trump de fixer à 25 % les droits de douane sur l’acier et l’aluminium importé par les États-Unis, peu importe sa provenance, n’a pas pour but d’exercer une simple pression comme ce fut le cas pour les 25 % de droits de douane sur les produits provenant du Canada et du Mexique, et 10 % supplémentaires à ceux déjà existants sur les produits chinois. Trump prétendait vouloir les forcer à agir pour diminuer le trafic de fentanyl et les arrivées de migrants illégaux en invoquant « la menace majeure que représentent les migrants illégaux et les drogues mortelles qui tuent nos concitoyens, notamment le fentanyl ».

Il ne faut pas oublier que la pression par les droits de douane se double d’une politique de sanctions commerciales contre la Chine, la Russie, l’Iran, le Venezuela et d’autres membres des Brics, Cuba.

Wall Street est bien décidé à utiliser tous les moyens en son pouvoir pour sauvegarder sa position dominante dans le monde et continuer d’accumuler du capital au détriment de ses concurrents, des travailleurs et de la planète.

La folie aveugle de Wall Street conduit à la récession, à la crise financière, au krach

La guerre et le protectionnisme sont des armes dans la lutte des différents groupes capitalistes pour accumuler toujours plus de profit au détriment de leurs rivaux et concurrents. La politique est en réalité l’expression des intérêts économiques des capitalistes, de l’économie concentrée disait Lénine, dans leur lutte entre eux et contre les travailleurs et les peuples. C’est bien pourquoi d’ailleurs plus les rapports de classe se tendent, moins le capital peut se payer le luxe de la démocratie qui devient, y compris dans les pays les plus riches, un mythe vide de tout contenu.

Cette politique est une fuite en avant d’un système failli, failli parce qu’il n’a pas d’autre réponse possible.

Le protectionnisme, la guerre des droits de douanes et des taxes sont une aberration dans une économie monde fondée sur l’interdépendance entre les nations en particulier entre les États-Unis, la Chine et l’Union européenne.

Trump et Wall Street fondent leur politique sur l’hypothèse que, dans cette concurrence chaotique, l’Amérique sortira gagnante. Ils pensent que l’économie américaine, le dollar et son armée, constituent un centre de gravité capable de tirer tout l’argent et le surplus économique du monde vers lui-même. C’est l’objectif explicite de l’America first. C’est ce qui fait du programme de Trump une déclaration de guerre au reste du monde.

L’Amérique est la seule économie sans les contraintes financières qui s’imposent aux autres pays. La dette américaine est libellée dans sa propre monnaie, et il n’y a aucune limite à sa capacité de dépenser au-delà de ses moyens en inondant le monde de dollars excédentaires, que d’autres pays acceptent comme réserves monétaires. Sauf que l’autarcie, c’est la récession, la chute des profits, l’effondrement des bourses, la guerre.

L’Amérique ne peut pas imposer au monde sa volonté, elle peut par contre l’entraîner dans sa folle course à la faillite et au krach.

Du choc du capitalisme contre les besoins sociaux et humains à la nécessité impérieuse du socialisme

Les différents groupes capitalistes et les États n’ont pas d’autre réponse à l’offensive américaine que de s’engager eux-mêmes dans l’escalade de la guerre commerciale tout en se préparant à une extension des conflits armés en espérant pouvoir négocier leur place et leur part des richesses alors que cette politique aveugle conduit à accentuer les effets récessifs sur l’économie mondiale de l’offensive américaine. La guerre commerciale mondialisée accélérera l’inflation aux États-Unis et dans le monde, la montée du chômage et provoquera le chaos sur les marchés financiers américains et étrangers, à plus ou moins long terme un krach, une menace d’effondrement de l’économie mondiale.

La lutte pour maintenir les profits, voire les augmenter au regard de l’explosion de la masse de capitaux sur les marchés mondiaux, se retournera contre les capitalistes eux-mêmes et leur système. Les bourses ne peuvent monter jusqu’au ciel ! Tôt ou tard, les capitaux excédentaires qui ne ramasseront pas leur mise sur le marché seront détruits, leurs détenteurs ruinés, la logique destructrice du krach en route.

Personne ne peut en prévoir ni le rythme ni les modalités tellement le monde capitaliste a été transformé mais le prix à payer par le prolétariat et l’humanité sera considérable.

Tous ceux qui nous chantent la chanson du protectionnisme, une politique de Trump à la française pour Le Pen ou un protectionnisme vraiment national à la façon du PCF, de Ruffin ou Mélenchon en passant par Macron, nous mentent et les confédérations syndicales, à commencer par la CGT, qui participent à cette cacophonie souverainiste se rangent du côté de la bourgeoisie contre le monde du travail.

Il n’y a pas d’issue dans le cadre du respect de la propriété capitaliste.

Bon nombre de travailleur·ses en ont plus ou moins confusément conscience et s’inquiètent de l’avenir, des menaces de licenciements, du chômage, de la régression sociale, de la menace de l’extrême droite aussi, de la guerre d’autant que la crise politique démontre que les classes dominantes, les Etats, les partis parlementaires n’ont aucune réponse autre qu’une fuite en avant qui ne peut qu’aggraver la situation.

Le basculement en cours bouscule les consciences. La logique de classe qui aboutit à de telles confrontations économiques et militaires absurdes et meurtrières apparaît à nu. Elle montre l’impasse des classes dominantes capitalistes qui préparent une catastrophe pour l’humanité et la planète, la folie paranoïaque de cette oligarchie des milliardaires aveuglée par sa soif de domination.

L’économie est d’abord un rapport de classes, le capital contre le travail, l’État, le pouvoir, les gouvernements sont des agents actifs et déterminants de ce rapport de classe devant lequel la gauche syndicale et politique s’incline et ne prétend même plus à changer la société, même à la réformer un tant soit peu.

En toute indépendance d’elle, dans les mobilisations et résistances du monde du travail et de la jeunesse, l’idée que tout dépend des classes exploitées, de leur capacité à devenir les acteurs conscients d’une lutte politique internationale où se jouent leur avenir, l’avenir même de l’humanité, fait son chemin.

Nous avons besoin de nous organiser, de nous rassembler, d’unifier nos forces pour faire de la politique contre le pouvoir fusionné des capitalistes et des politiciens, nous organiser dans la perspective collective de nous opposer à cette logique destructrice de la guerre économique, sociale, politique, militaire pour construire une autre société égalitaire et humaine fondée sur la solidarité et la coopération contre la nouvelle aristocratie financière parasite.

Yvan Lemaitre

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