Le PS et le RN avaient à peine sauvé le gouvernement que Bayrou faisait voter, jeudi, une loi ultra-réactionnaire restreignant fortement le droit du sol à Mayotte, dans le prolongement de ses propos xénophobes -« un sentiment de submersion migratoire ». La veille, le rejet par l’Assemblée des deux motions de censure déposées par 90 députés dont celles et ceux de LFI a permis à Bayrou de faire adopter sans vote le budget de l’État et une partie du budget de la Sécu. Quelques concessions minuscules au PS dont Faure ou Guedj ont osé se féliciter ont suffi pour que les dirigeants socialistes acceptent une réduction jamais vue des dépenses publiques, 34 milliards d’euros, plus que dans les budgets Barnier. Quant au RN, en quête de respectabilité, il a jugé que le moment n’était pas venu de faire chuter Bayrou d’autant qu’une peine d’inéligibilité de 5 ans pourrait être prononcée contre Le Pen le 31 mars prochain.
L’argument essentiel de ces politiciens est le « chaos » dans lequel risquerait de sombrer le pays s’il n’y avait pas de budget et que Bayrou avait dû démissionner.
Ce qui les préoccupe, c’est la stabilité des institutions garantes de l’ordre capitaliste et de la poursuite de l’exploitation. Le Medef vient d’ailleurs d’envoyer au gouvernement un projet de loi qui simplifierait et accélérerait les projets d’investissement des patrons en les affranchissant des normes existantes, écologiques en particulier. Un seul mot d’ordre, stabilité, liberté et sécurité pour le capital !
Pour ce qui est du chaos, il est déjà là pour les travailleurs. Dans les services publics délabrés dont les nouvelles économies budgétaires vont aggraver la casse. Dans les hôpitaux, les déserts médicaux, les écoles, collèges, lycées et facs... La réduction des budgets de la culture et du sport, des collectivités territoriales va entraîner des dizaines de milliers de suppressions de postes. L’aide médicale d’État (AME) qui permet, et difficilement, aux sans-papiers de se soigner voit ses moyens rognés, le budget de l’APL, l’allocation logement, est diminué de même que la partie collective du Pass Culture qui permet de financer sorties et spectacles culturels dans l’Education, le paiement des arrêts maladie des fonctionnaires est amputé de 10 %, leurs salaires gelés...
Le budget de l’armée, lui, augmente de 3,3 milliards d’euros. Celui de l’Intérieur n’est pas touché, ce qui a provoqué l’appel du syndicat réactionnaire Alliance à des manifestations de policiers aux côtés desquels, à Paris, Retailleau s’est affiché, chantant la Marseillaise.
Le PS rejoint le consensus réactionnaire, du RN aux macronistes en passant par LR, après avoir bassement manifesté son « indépendance » par rapport à LFI et Mélenchon pour plaire au pouvoir.
LFI tient tête, dénonce l’austérité imposée aux travailleurs, à la population, pour le compte des groupes capitalistes. Mais elle laisse croire qu’on pourrait imposer par les élections, au Parlement, une taxation conséquente des profits des grandes entreprises. Entourloupe, le budget du NFP qu’elle présente comme une alternative ne remet même pas en cause le budget de l’armée. Face au PS, ses dirigeants crient à la trahison, mais c’est bien LFI qui a choisi de servir de marchepied au PS lors des législatives anticipées, lui permettant d’avoir 66 députés dont Hollande, et qui a même appelé à faire élire d’autres ennemis des travailleurs comme Darmanin ou Borne au nom du « Front Républicain ». La stratégie de LFI est une impasse parce qu’elle ne sort pas du cadre parlementaire et institutionnel, tout comme les confédérations syndicales, CGT comprise, qui ont permis à Bayrou de mettre en place cette farce du « conclave » sur les retraites.
La dette, un transfert de richesses contre les travailleurs...
Les gouvernements et les représentants du patronat mènent une propagande incessante pour nous convaincre qu’il est vital de réduire la dette et d’accepter pour cela les budgets d’austérité, agitant le spectre d’une crise financière. Accepter des sacrifices supplémentaires permettrait d’éviter qu’on en arrive à une situation comme celle de la Grèce lors de la crise des dettes européennes après la dépression de 2008… L’Union européenne, la BCE et le Fonds monétaire international avaient imposé à la population grecque sur plusieurs années des plans d’austérité particulièrement durs afin que tous les créanciers de l’État grec soient payés rubis sur l’ongle.
En réalité, le pouvoir ne lutte nullement contre la dette, il la fait payer aux travailleurs en prétendant que c’est… pour leur bien !
Pour que l’État continue à financer le CAC 40 et puisse continuer à emprunter à taux bas aux financiers qu’il sert, il lui faut consacrer un maximum d’argent public à ce transfert vers leurs coffres. Et donc réduire toutes les dépenses qu’il juge superflues, inutiles, c’est-à-dire les dépenses utiles à la population, budgets des services publics et de la protection sociale en particulier.
… une rente qui profite doublement aux capitalistes
En France aujourd’hui, la dette dépasse le PIB, elle est à plus de 3200 milliards d’euros. Elle sert doublement les intérêts des capitalistes, d’abord parce qu’elle a été creusée par les subventions de toutes sortes de l’État au patronat, réductions d’impôts et de cotisations sociales, niches fiscales, subventions directes de l’État et des collectivités territoriales... Une enquête publiée en 2022 avait calculé le montant de ces cadeaux qui s’élevait à 157 milliards d’euros en 2019[1] et qui a encore augmenté depuis le Covid, jusqu’à 200 milliards d’euros par an ces trois dernières années. Les groupes capitalistes sont littéralement perfusés par cet argent de l’État qui leur permet de maintenir et d’augmenter leurs profits.
La dette, d’autre part, délivre une rente assurée aux sociétés de finance qui prêtent à l’État, par le biais des intérêts qui leur sont reversés chaque année, 67 milliards d’euros en 2024.
C’est ce double mécanisme de transfert d’argent public vers les capitalistes qui enfle les montants de la dette et que l’État s’emploie à préserver en réduisant les budgets des services publics et de la protection sociale, des collectivités territoriales et cela d’autant plus qu’il vise à la privatisation des hôpitaux, du moins de leurs activités rentables, de l’Education, de tout ce qui peut être source de profit, de valorisation du capital.
Le monde entier est ouvert à la finance et son credo est la recherche du profit maximum et au plus court terme possible. Après moi le déluge…
Pour annuler la rente de la dette prendre le contrôle de la finance
On ne peut apporter de réponse au problème de la dette qu’en se plaçant résolument du point de vue des intérêts des travailleurs, de tous les travailleurs dont les petits paysans, commerçants, artisans, qui sont bien souvent étranglés par des crédits.
Pour soustraire les finances de l’État à la domination des groupes financiers et avoir les moyens de financer la marche de l’économie en fonction des besoins de la population et non des profits, il n’y a pas d’autre moyen que d’annuler la dette.
Un gouvernement des travailleurs au service de la population créera un monopole public bancaire, non pas un pôle public à côté des banques existantes mais il expropriera celles-ci pour concentrer tout l’argent disponible dans un monopole public.
Il mettra fin aux dépenses exorbitantes de l’entretien de la machine bureaucratique et répressive de l’État en s’appuyant sur la mobilisation et l’organisation des travailleurs et des classes populaires dans leurs propres assemblées révolutionnaires pour contrôler non seulement les finances mais la marche de l’économie.
Il veillera à ce que les travailleurs indépendants, artisans, petits commerçants et paysans puissent bénéficier de crédits bon marché et orientera le financement des activités économiques et sociales en fonction des besoins de la population et des nécessités écologiques.
[1] Un capitalisme sous perfusion : Mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises – Institut de recherche économiques et sociales - https://ires.fr/wp-content/uploads/2023/02/AOCGT_Projet1De2019.pdf