Unanimité nationale, mardi dernier, en pleine crise politique. 484 députés ont voté le texte présenté par le gouvernement Barnier contre le traité avec le Mercosur. Seuls les députés de LFI ont voté contre, 69, Aurélie Trouvé expliquant qu’on ne pouvait approuver ce texte alors que les gouvernements successifs ont signé tous les traités de libre-échange précédents depuis 20 ans. Ce traité, dit-elle, qui autorise entre autres l’exportation de véhicules européens en Amérique latine contre l’importation de bœufs brésiliens menace « notre agriculture familiale française » à cause de coûts de production extrêmement bas car les sols libérés par la déforestation ne coûtent presque rien. Tout en votant contre le gouvernement, LFI reprend le fond des arguments protectionnistes… un leurre qui ne met pas en cause les sociétés françaises ou étrangères de l’agrobusiness qui étranglent les petits agriculteurs. Elle se situe sur le même terrain du nationalisme, d’une bonne politique « pour la France » comme si l’État était neutre, au-dessus des classes, susceptible d’agir en faveur des classes populaires alors qu’il répond aux seuls besoins des multinationales et de leurs exigences impérieuses de dégager par tous les moyens le maximum de profits pour valoriser la surabondance de capitaux. Incapable de remettre en cause le système, LFI reste impuissante, prisonnière du jeu parlementaire. De la même façon, ses prétentions à faire voter l’abrogation de la réforme des retraites de 2023 ont échoué face à l’obstruction des macronistes. Pour les travailleurs des villes et des campagnes il n’y a rien à attendre des manœuvres parlementaires.
Barnier empêtré dans les marchandages pour éviter la censure…
Depuis une semaine, il n’est question que de la chute prochaine du gouvernement Barnier voire de la démission de Macron suite au vote possible de motions de censure déposées par la gauche et que pourrait voter aussi le RN, en réponse aux 49.3 probablement utilisés par le gouvernement pour imposer le budget de la Sécu et le budget de l’État. Voilà ce qui agite toute la classe politique et les médias, un tohu-bohu qui masque les conséquences catastrophiques des nouvelles réductions des dépenses publiques utiles à la population prévues par ces budgets alors que les hôpitaux, l’éducation nationale, l’économie sociale et solidaire sont déjà étranglés par le manque criant de moyens. Non seulement les travailleurs, les chômeurs, les précaires ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, voire à survivre, avec des salaires qui ne suivent pas la hausse des prix et des allocations en baisse, voire supprimées, mais ils seront de plus en plus nombreux, à cause des nouvelles réductions budgétaires, à ne plus pouvoir se soigner, permettre à leurs enfants de suivre un enseignement correct et bénéficier d’activités culturelles et sportives, disposer d’aides à domicile pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Et on en passe.
C’est au nom de la réduction du déficit, de la dette de l’État que ces coupes budgétaires sont engagées. Mais il n’est pas question de réduire, sinon à la marge, les subventions de toutes sortes qui sont versées aux entreprises dont les plus grandes, les plus riches, empochent la majorité. 200 milliards chaque année depuis 2020 dont le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) créé par Hollande et transformé en allègements de cotisations pérennes depuis 2019, le crédit impôt recherche (CIR), la diminution de l’impôt sur les sociétés, etc. Pas question non plus de toucher aux sommes astronomiques consacrées aux budgets militaires.
… recherche l’accord avec le RN
Jusqu’à présent, le RN, dans le souci de se montrer responsable, attendant son heure, gardait une position de soutien tacite au gouvernement, doublé d’ailleurs par les surenchères réactionnaires sur le terrain sécuritaire ou anti-immigrés du ministre de l’Intérieur Retailleau ou d’un Kasbarian, ministre de la Fonction publique qui clame son admiration pour Trump et son ami Elon Musk.
Mais Le Pen, par ailleurs en difficultés suite au procès sur les emplois fictifs, détournement d’argent public au Parlement européen, menace de voter les motions de censure qui pourraient être déposées par la gauche. Le RN, pressé par son électorat populaire, qui déteste Macron, craint un désaveu et une perte de sa popularité s’il garde cette position de neutralité bienveillante à l’égard du gouvernement. Il lui faut démontrer que c’est bien Barnier qui est son otage et pas l’inverse. Le Pen a annoncé qu’elle voterait la censure si les exigences du RN n’étaient pas satisfaites, et, démagogie oblige, le « pouvoir d’achat » des Français touché...
Aussi, Barnier a-t-il multiplié les gestes à son égard. Il a annoncé qu’il renonçait à l’augmentation des taxes sur l’électricité, qu’il divisait par deux les sommes consacrées à l’aide médicale d’État (AME) qui permet à des travailleurs immigrés de pouvoir se soigner gratuitement au prix de mille tracasseries administratives… Et il a égrené, dans un programme pour les six mois à venir « les sujets sur lesquels [il a] envie d’agir (…) : sur la sécurité au quotidien des Français, la maîtrise de l’immigration et l’interdiction de l’immigration clandestine, sur le travail qui doit payer plus que les allocations, avec une allocation sociale unique, sur la démocratie et peut être le chantier que souhaitent beaucoup de partis à propos de la proportionnelle par exemple ».
Que sortira-t-il de ces tractations ? Personne ne peut le dire précisément mais à coup sûr un durcissement de la politique réactionnaire, anti-ouvrière, anti-immigrés, si ce n’est pas une alliance gouvernementale avec le RN ou un gouvernement plus RN-compatible encore qu’aujourd’hui.
L’incompatibilité de nos intérêts collectifs, de ceux de la société avec la fuite en avant du capital pour les profits
Pas un jour ne se passe sans l’annonce de nouveaux plans de licenciements et de fermetures d’entreprises, Michelin, Auchan, Vencorex, Valéo, Général Electric Europe, Exxon Mobil, Saunier Duval, abattoirs, mécanique, aéronautique, papeterie… Tous les secteurs, toutes les régions sont touchés. Cette saignée va de pair avec celle, organisée par l’État, dans les budgets des services publics. C’est une même politique. L’État opère une perfusion permanente d’argent public au profit des groupes capitalistes en sabrant dans les budgets sociaux tandis que les actionnaires des grandes entreprises exigent que soit réduit par tous les moyens le « coût du travail ». Les capitalistes se moquent bien de ce qui est produit et des femmes et des hommes qui le produisent, ils ne cherchent à produire que du profit qui passe aujourd’hui par la surexploitation et la régression sociale.
Sophie Binet a appelé ces derniers jours à « faire grève et à occuper » les usines qui ferment ou licencient. Les directions syndicales appellent le 5 décembre les salarié·es de la Fonction publique à faire grève contre l’allongement du délai de carence de un à trois jours pendant lesquels ils ne seront pas payés lors d’un congé maladie et la réduction à 90 % du paiement des jours d’arrêts-maladie, et le 12, la CGT appelle à une journée d’action contre les licenciements.
Dans bien des endroits, dans l’Education, lycées, écoles, dans des Ehpad ou des cliniques, les salariés font grève sans attendre ou se mettront en grève en profitant de ces jours-là parce qu’ils n’en peuvent plus des conditions de travail, des bas salaires, du management qui veut les soumettre, du gâchis social qu’entraîne un système entièrement consacré à la recherche du profit.
Le gouvernement, la droite et l’extrême droite font alliance pour mener la guerre sociale pour les besoins des capitalistes.
La réponse est entre nos mains, préparer et unir nos forces pour l’affrontement sans rien attendre du cirque parlementaire.
Galia Trépère