Les attaques terroristes menées par Israël contre des milliers de membres du Hezbollah les 17 et 18 septembre en faisant exploser simultanément leurs bipeurs mardi et leurs talkies-walkies mercredi alors qu’ils pouvaient se trouver dans des lieux publics, ont semé le chaos à Beyrouth et l’effroi parmi la population libanaise. Ces attentats préparés minutieusement depuis des mois ont causé la mort de 39 personnes et en ont blessé près de 3000.

« Ce qui s’est passé pourrait être qualifié de déclaration de guerre. Nous ne tomberons pas. Nous deviendrons plus forts. Nous nous préparerons à affronter pire. […] Le châtiment viendra. », a déclaré le lendemain le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah alors que l’aviation israélienne avait lancé dans la nuit précédente des frappes contre 7 sites de la milice au Liban sud et ses avions de chasse franchi le mur du son au moment de son allocution. Vendredi, c’est le chef d’une unité d’élite du Hezbollah et son second qui ont été assassinés par une nouvelle frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a fait 45 morts dont 16 cadres du Hezbollah et des dizaines de blessés.

Les dirigeants américains ont assuré n’y être pour rien et font assaut d’efforts diplomatiques hypocrites. Macron affichant le même cynisme voudrait faire croire qu’il est possible d’éviter la guerre alors que ces opérations terroristes visant à désorganiser les chaînes de commandement du Hezbollah préparent l’entrée en guerre totale d’Israël et l’invasion terrestre du Liban. Le 18 septembre, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avait déclaré : « Nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre », « le centre de gravité du conflit » se déplace de Gaza vers le Liban-Sud. Samedi toute la journée l’aviation israélienne a pilonné par des frappes innombrables plusieurs régions du Liban.

Après avoir exterminé plus de 40 000 Palestiniens, bombardé sciemment des camps de personnes déplacées indiqués comme sûrs par les autorités israéliennes et rendu impossible toute vie normale dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a accéléré ses opérations meurtrières en Cisjordanie, poursuivant son entreprise d’éradication de la population palestinienne. Elle s’engage maintenant dans une nouvelle étape de l’escalade guerrière dans l’objectif de mettre ses adversaires et ceux des USA dont l’Iran à genoux par la menace d’une généralisation de la guerre à tout le Moyen-Orient.

La guerre israélienne au service de l’ordre des grandes puissances au Moyen-Orient

Les Etats-Unis ont eu beau exercer des pressions pour empêcher le gouvernement israélien de s’engager plus avant -ils voudraient en effet contrôler les rythmes d’une telle escalade-, Netanyahou et Gallant passent outre, mettant en avant leur volonté d’assurer le retour des Israéliens du Nord du pays chez eux. Tout leur est permis au nom du « droit d’Israël à se défendre ».

Israël bénéficie d’un soutien inconditionnel des Etats-Unis et de leurs alliés dont la France, il ne peut d’ailleurs mener cette guerre que parce qu’il est armé en continu par les Etats-Unis qui le considèrent comme la pièce maîtresse de l’ordre qui garantit leur domination au Moyen-Orient contre les populations arabes.

Il y a plus d’un siècle, en 1916, l’impérialisme anglais qui dominait alors le monde avait fait le choix d’autoriser l’implantation d’un foyer juif en Palestine pour y introduire un facteur de division puis un supplétif du colonialisme britannique contre les populations arabes, avant de refuser d’y accueillir pendant la guerre les Juifs qui fuyaient les persécutions nazies. Les Etats-Unis devenus la première puissance mondiale après la guerre de 39-45, assurèrent leur mainmise sur le Moyen-Orient et ses énormes ressources pétrolières en s’assujettissant l’Arabie saoudite et l’Iran, et firent de l’État d’Israël, qui avait été créé en 1947, leur bras armé contre les régimes arabes nationalistes et tous les peuples de la région.

Après le renversement du shah d’Iran lors de la révolution de 1979 et la guerre à laquelle ils avaient poussé l’Irak contre le nouveau régime iranien en 1980 -elle dura jusqu’en 1988-, ils choisirent en 1990-91 d’attaquer l’Irak qui venait d’envahir le Koweït, à la tête d’une vaste coalition sous mandat de l’ONU, puis à nouveau en 2003 dans le même cadre que contre l’Afghanistan après le 11 Septembre 2001, la guerre contre le terrorisme, contre l’Axe du Mal. Ces guerres ont ravagé le Moyen-Orient, contribué à la naissance de l’État islamique, créé un tel chaos que les Etats-Unis ont dû se résoudre à quitter l’Irak d’abord puis l’Afghanistan. Israël est devenu ainsi non seulement le seul allié sûr des puissances occidentales dans la région mais leur place forte, le garant militaire de leurs intérêts.

L’Ukraine est devenue elle aussi garant des intérêts des puissances occidentales

La guerre d’Ukraine, aussi, a franchi ces dernières semaines de nouveaux paliers, son périmètre s’est élargi jusqu’en Russie. Sans objectif de paix si ce n’est la défaite de la Russie, sans volonté de négociation, la guerre ne peut que durer et s’étendre. Une « guerre de libération nationale », pour « la liberté et l’indépendance du peuple ukrainien », nous ressassaient les médias pour justifier l’intervention croissante de l’Otan, des Etats-Unis et de leurs alliés, pour financer, équiper et armer l’Ukraine agressée par Poutine. L’incursion ukrainienne dans la région de Koursk, en Russie, à partir du 6 août dernier, comme le fait que se discute très sérieusement parmi les dirigeants occidentaux l’idée que l’armée ukrainienne puisse utiliser des missiles de très longue portée capables de frapper en profondeur le territoire russe, démentent cet argument de la propagande occidentale.

La guerre d’Ukraine s’inscrit dans une offensive de longue durée qui a commencé dès les lendemains de l’effondrement de l’URSS, au début des années 1990. Les dirigeants de l’Otan affichaient leur volonté d’intégrer la Russie pleinement rendue au marché capitaliste dans l’Alliance atlantique et n’ayant pu y parvenir, ils s’ingénièrent à l’isoler en l’entourant d’Etats hostiles, les anciens satellites de l’URSS qui rejoignirent l’Otan en plusieurs vagues. Jusqu’à provoquer, par les menaces d’intégration des pays les plus proches de la Russie, l’Ukraine et la Géorgie, les agressions de Poutine sur ces deux pays, en Géorgie en 2008, puis en Ukraine en 2014 par l’annexion de la Crimée et l’organisation de la sécession du Donbass par des milices séparatistes qu’il soutenait en sous-main.

La politique des Etats-Unis, à la tête des puissances occidentales, a ainsi conduit à un état de guerre permanent contre la Russie pour épuiser celle-ci et faciliter leur mainmise sur l’ensemble de l’Europe de l’est et de l’ancienne URSS. L’histoire de cette escalade politique et militaire marque la responsabilité première des vieilles puissances impérialistes dans son déclenchement. Poutine est un dictateur qui n’a que mépris pour son peuple, un tyran servant des intérêts capitalistes, mu par des ressorts comparables à ceux des dirigeants des puissances occidentales. Mais ce sont bien ces dernières qui sont, dans leur volonté de maintenir et renforcer leur domination avec en ligne de mire la Chine, les principaux fauteurs de guerre et leur propagande prétendant défendre les droits des peuples est un mensonge. Nous n’avons aucune solidarité avec elles, en particulier avec le gouvernement et l’État français, nous n’avons aucune raison d’accepter de payer pour la poursuite des horreurs de cette guerre dont les travailleurs, les populations d’Ukraine comme de Russie sont les victimes. C’est d’elles dont nous sommes solidaires contre leurs dirigeants et contre ceux qui les utilisent dans leur guerre par procuration.

Socialisme ou barbarie

Oui, l’ennemi est dans notre propre pays et le combat contre la guerre est indissociable du combat pour en finir avec le capitalisme et ses serviteurs, qu’ils soient français, états-uniens, ukrainiens, russes ou chinois.

Nous refusons de nous laisser enrôler par la propagande militariste au service de la défense « des valeurs occidentales » qui sont celles de décennies de pillage et d’exploitation des peuples qui ont subi l’esclavage colonial puis impérialiste.

La guerre est une arme dans la concurrence économique, dans la guerre économique à laquelle les travailleurs d’Israël et des pays arabes, d’Ukraine, de Russie sont assujettis comme ceux de France, d’Europe ou des USA. Sous le règne de la propriété capitaliste, la guerre est une arme entre les mains des États pour défendre les intérêts de leur bourgeoisie ou entre les mains des multinationales qui n’hésitent pas à employer des milices privées ou à corrompre les armées. Ainsi, dénonçant il y a peu le rôle des entreprises dans les guerres, le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Türk Volker, déclarait à propos des guerres en RDC : « En République démocratique du Congo, où je me trouvais il y a quelques mois à peine, les entreprises qui se livrent à l’accaparement de matières premières rares et précieuses sont liées à des groupes armés dont la violence prédatrice a chassé des millions de personnes de leurs terres. Actuellement, près de huit millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de la RDC en raison du conflit. » Et plusieurs millions y ont été tuées en trois décennies. L’accaparement des richesses y joue un rôle direct et manifeste, une prédation sans fard, elle est plus camouflée, sophistiquée, invoque des justifications fallacieuses comme le droit des peuples dont elle se joue, sous le couvert des institutions internationales qui protègent les intérêts des multinationales occidentales mais les mécanismes sont de même nature.

Le monde se trouve « à la croisée des chemins » et se dirige vers un « avenir dystopique », fait d’escalades militaires, de répression et de désinformation, avertissait le même Türk Volker le 9 septembre. 

L’exacerbation de la concurrence économique, du fait de la stagnation capitaliste, de l’essoufflement de la machine à profits, trouve son prolongement dans les tensions militaires et les guerres en voie de mondialisation. Cette violence barbare alimente les forces les plus réactionnaires, elle conduit à la militarisation de la vie sociale, à la menace d’un nouveau fascisme. Elle ruine en retour la stabilité sociale dont ont besoin les classes possédantes pour se maintenir au pouvoir, met à nu leur volonté de puissance au prix du mépris des travailleurs et des peuples, de souffrances sans nom, de destructions absurdes. Elle transforme les consciences de larges masses et renforce l’idée que la paix ne peut venir que de l’intervention directe des travailleurs et des peuples pour défendre leurs propres intérêts, refuser d’être de la chair à canon et exploités pour asservir leurs frères et sœurs de classe au nom du nationalisme. Elle fait émerger le besoin de coopération et de solidarité entre les peuples, le besoin d’en finir avec la concurrence et le profit pour organiser une nouvelle façon de produire et d’échanger, elle prépare les révolutions à venir comme leur extension à l’échelle internationale.

Galia Trépère

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