La mascarade parlementaire a accouché de Barnier comme premier ministre par la grâce de Le Pen. Quelle farce que ce vieux cheval de retour de la droite, ministre sous Chirac et Sarkozy, dirigeant des LR en pleine décomposition pour incarner le changement, répondre au verdict des urnes que Macron prétend reconnaître ! Macron- Barnier-Le Pen, c’est le règne de l’imposture !
Face à l’impasse parlementaire, Macron, discrédité, rejeté, n’avait que Barnier pour accepter le job, assez réactionnaire pour être toléré par Le Pen, ne pouvant plus prétendre à un destin présidentiel, et lui éviter -pour combien de temps ?- la démission. La prochaine étape de sa déroute parlementaire est l’échec annoncé de Barnier et sa probable démission pour céder la place à l’extrême droite alliée à la droite, à moins que lui, Macron, aussi caméléon que Barnier, ne réussisse à présider à l’union des droites...
Marine Le Pen, arbitre de la censure, s’est dite « prête à attendre » le discours de politique générale du nouveau premier ministre, le jugeant « capable de pouvoir s'adresser au Rassemblement national », en même temps que ses lieutenants le traitaient de « fossilisé de la vie politique ». Elle se montre « responsable » en attendant son heure, confiante dans la capacité de Macron-Barnier à mener la politique xénophobe, sécuritaire et anti-immigré·es qui est la sienne, tout en lui ouvrant les portes du pouvoir. Ainsi que le déclarait samedi Bardella, « Désormais, rien ne peut se faire sans nous » !
Les travailleur·es, la jeunesse, les femmes n’ont rien à attendre de ces manœuvres politiciennes que des mauvais coups. Gouvernement ou pas, la politique de ceux qui tiennent réellement les rênes du pouvoir, les capitalistes, engendre la dégradation des conditions de vie, la régression sociale généralisée, la guerre et poursuit son œuvre destructrice.
Barnier ou demain un autre pour poursuivre l’offensive contre le monde du travail
Le monde du travail et les classes populaires abordent la rentrée avec beaucoup d’inquiétude sur la vie chère, les salaires insuffisants, les difficultés à se loger, à se soigner, le chômage alors que se multiplient les faillites d’entreprises et les licenciements. 9 millions de familles vivent sous le seuil de pauvreté, plus de deux mille enfants dorment dans la rue selon les chiffres de l’UNICEF.
Dans l’Education, il manquait à la rentrée au moins 3 200 profs. Contrairement aux déclarations de la Ministre démissionnaire Belloubet, on était loin d’un prof devant chaque classe. Il n’est plus rare que des élèves n’aient pas cours dans certaines matières pendant des mois, faute de remplaçants. L’école manque de tout, d’AESH, pour l’accompagnement des enfants en situation de handicap, de personnels éducatifs, de médecins et d’infirmières, de moyens matériels, de locaux. Les groupes de niveaux au collège, qui ont révolté et mobilisé des milliers d’enseignant·es et de parents ces derniers mois, sont imposés, même si Belloubet a été contrainte de céder sur un assouplissement de leur mise en place. Ils sonnent la fin du collège unique, l’exclusion précoce hors du système scolaire d’une partie des jeunes des classes populaires.
Comme à l’école ou dans la santé, où les urgences ont encore été à saturation tout l’été et où les hôpitaux quasi tous en déficit croulent sous les dettes, dans les entreprises et le privé, la même logique de rentabilité financière pousse à bloquer les salaires, entretenir le chômage et la précarité, fermer les usines… La régression sociale qu’engendre la politique des classes dominantes, leur parasitisme, frappent l’ensemble du monde du travail.
Dette et déficit public ou la régression sans fin…
Le Maire restera sûrement ministre de l’économie et des finances tellement il déploie de zèle dans la fonction pour boucler le budget 2025 qui doit être débattu au parlement à partir du 1er octobre. Mais que ce soit lui ou un autre, ce sera du pareil au même, le budget étant soumis au diktat des marchés financiers, qui imposent les taux d’emprunt aux États en fonction de leur déficit, les intérêts de la dette leur assurant une rente permanente, équivalant chaque année au budget de l’Education nationale.
Alors que la commission européenne a engagé contre la France une procédure pour « déficit excessif », Le Maire fait campagne pour ramener le déficit public d’un probable 5,6 % cette année à 3 % du PIB en 2027 et prévoit d’ici là 110 milliards d’économies sur les dépenses publiques, en commençant par 20 milliards dès 2025. Un déficit public abyssal, un « pognon de dingue », creusé par les baisses d’impôts et de cotisations sociales, les aides et subventions versées aux grands groupes capitalistes, à hauteur chaque année de près de 200 milliards d’euros. Le budget 2024 a déjà été amputé de 10 milliards d’économies en avril et devrait l’être encore de 16 milliards supplémentaires d’ici la fin de l’année.
Le Maire préconise des économies sur France-Travail et l’aide à l’emploi, sur les fonctionnaires en augmentant les jours de carence ou en baissant le montant des jours d’arrêts-maladie, en bloquant les salaires, et sur les collectivités locales accusées d’augmenter inconsidérément leurs dépenses alors qu’elles doivent faire face à l’accroissement de la pauvreté, au recul des services publics, à la régression sociale. L’enveloppe pour la santé est diminuée de 0,8 %. L’Education nationale à qui Le Maire a demandé de « rendre » 700 millions d’euros cette année est incluse dans le plan d’austérité. Ne seront pas touchés par contre les 413 milliards de la loi de programmation militaire 2024-2030.
La seule réponse démocratique et progressiste à leur faillite viendra des travailleur·es et de la jeunesse
« L'élection est volée », s’est insurgé Mélenchon. « Macron continue de se vivre comme un autocrate. En nommant Michel Barnier, le président refuse de respecter la souveraineté populaire et le choix issu des urnes », a déclaré Mathilde Panot. Les leaders de LFI ont voulu mobiliser dans la rue le 7 septembre « contre ce coup de force inacceptable dans une démocratie ». Les directions syndicales CGT, Solidaires et la FSU n’y appelaient pas formellement, bien que soutenant et « souhaitant sa réussite ». « Chacun son rôle » expliquait Sophie Binet après avoir appelé à voter NFP dès le premier tour des législatives. Après s’être piégée elle-même dans le jeu de dupes parlementaire pour… cohabiter avec Macron, LFI, une fois la candidate du NFP rejetée par Macron, n’a plus que l’impuissance de l’indignation. Les manifs du 7 n’offraient aucune autre perspective aux travailleur·es et à la jeunesse que la seule dénonciation du déni démocratique, bien réel mais comment pourrait-il en être autrement dans cette République capitaliste.
Nous comprenons celles et ceux qui ont voulu descendre dans la rue, manifester leur colère face au mépris de Macron et de l’Assemblée, nous sommes solidaires, mais la gauche institutionnelle et les syndicats eux-mêmes participent à la mascarade en dénonçant une tromperie à laquelle ils se sont eux-mêmes prêtés.
Les syndicats CGT, Solidaires et FSU appellent de leur côté à une journée interprofessionnelle de grève le 1er octobre. Plusieurs syndicats de l’Education appellent les écoles à la grève le 10 septembre. Autant d’occasions d’exprimer sa colère contre Macron-Barnier et leurs commanditaires du CAC 40 et surtout de se réunir, discuter de la façon dont nous pouvons répondre au coup de force permanent des classes dominantes et de l’État qui les sert quel que soit le gouvernement en place. En effet, les appareils syndicaux renvoient chacun à son entreprise, son patron, refusant de faire de la lutte des travailleurs pour leurs revendications une lutte politique de l’ensemble du monde du travail pour les salaires, les droits, la démocratie.
La question sociale, la lutte contre l’extrême-droite, contre la guerre, pour la démocratie relèvent de la lutte bien plus globale que nous avons à mener contre le pouvoir des classes dominantes qui confrontées à leur propre faillite, à leur incapacité à répondre aux besoins collectifs entraînent la société dans une profonde régression sociale, dans le militarisme et la guerre, dans la militarisation de toute la vie sociale.
Si nous n’intervenons pas directement sur le terrain de la lutte des classes pour inverser le cours des choses, c’est là le sinistre avenir qu’elles nous préparent pour perpétuer leurs privilèges et leur domination, quoi qu’il en coûte, sur toute la société. L’extrême-droite aujourd’hui, demain un nouveau fascisme postulent à mener cette politique criminelle en nous dressant les uns contre les autres en instrumentalisant la paupérisation, la peur de l’avenir, l’impuissance par leur démagogie xénophobe, de haine, de division contre les travailleur·ses migrant·es...
La politique de la gauche et des directions syndicales est incapable de répondre à cette menace qui les vise elles-mêmes tellement elles sont dominées, intégrées au jeu politicien du Parlement et du dialogue social. Elle paralyse le monde du travail comme lors du mouvement contre la réforme des retraites l’an dernier. La colère et le mécontentement sont sans perspective, les travailleurs sont le plus souvent désabusés devant des politiques qui leur échappent et sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Or pour combattre l’extrême droite, il faut prendre le problème à la racine, éclairer les raisons de la régression sociale, remettre en cause l’exploitation sur laquelle est fondée toute l’économie, contester le pouvoir des groupes capitalistes et de l’État qui sert leurs intérêts
Pour retrouver confiance en eux, les travailleurs ont besoin d’une politique indépendante de ces mascarades, jeux de dupes dont le patronat a le contrôle.
C’est hors du Parlement que la vraie vie peut imposer sa volonté, celle de la majorité de la population laborieuse contre la minorité parasite que sert le théâtre parlementaire. Tout se décide dans les banques, les conseils d’administration, ou l’état-major militaire.
C’est bien à ce pouvoir qu’il faudra nous en prendre, c’est lui qu’il faut nous préparer à affronter pour changer notre sort.
C’est nous qui produisons, c’est nous qui décidons ! Nous avons besoin de nous en donner les moyens, de nous organiser pour faire notre politique, d’intervenir sur notre propre terrain, de contester le pouvoir des classes dominantes et de l’Etat, des politiciens corrompus pour transformer le monde.
Christine Héraud