« Record de médailles », qualité de l’organisation globale de l’évènement et de ses cérémonies d’ouverture et de clôture, afflux de touristes, audiences télévisées, nombre de billets vendus…, rien ne manque dans l’inventaire cocardier d’une presse quasi unanime pour vanter le succès « made in France » des JO. Quant aux Jeux paralympiques qui prendront la relève le 28 août, ils devraient être, selon leur président, « les plus spectaculaires de l’histoire »…

Ces tartines de chauvinisme sont dans la logique même des jeux olympiques comme en général des grandes compétitions sportives où les performances individuelles et collectives des divers compétiteurs, leur talent, leur travail, sont instrumentalisés, mis au service d’un nationalisme d’autant plus délétère qu’il s’inscrit dans un contexte global d’exacerbation de la concurrence internationale et des conflits militaires comme des offensives de classe menées par les classes dominantes et leurs Etats contre les travailleur·es.

C’est la même logique d’embrigadement nationaliste que Macron mettait en scène ce jeudi 15 août avec la célébration des 80 ans du débarquement allié en Provence, en 1944. Pour tenter de sortir de sa déroute, il rêve d’union nationale, exhortant les « forces politiques » à « travailler ensemble » dans l’espoir de constituer au Parlement une coalition qui donnerait l’appui législatif nécessaire au travail d’un gouvernement… qui reste à construire ! A cette fin, il a convié les différents chefs de parti à « une série d’échanges » le 23 août à laquelle il a accepté la présence de Lucie Castets. « La nomination d’un premier ministre interviendra dans le prolongement de ces consultations »…

Cynique hypocrisie, Macron avait souhaité que les JO de Paris soient l’occasion d’une « trêve olympique », au Moyen-Orient comme en Ukraine. Une trêve qui ne s’applique pas en Kanaky où les gendarmes mobiles envoyés sur place par l’État français ont tué un kanak et blessé grièvement un autre jeudi 15, portant à onze le nombre officiel de morts depuis le début du soulèvement du peuple kanak il y a près de 6 mois contre le coup de force du gouvernement Macron pour le rendre minoritaire dans les élections. Ces JO n’ont pu masquer un monde de plus en plus chaotique et violent, l’horreur de la guerre, de la misère, de la crise climatique. « En marge des jeux olympiques de Paris, des incidents diplomatiques révélateurs de la fracturation du monde » titrait le Monde… Cette « fracturation » s’est aggravée avec un nouveau pas franchi dans les guerres au Moyen-Orient et en Ukraine, tandis qu’un krach touchait l’ensemble des bourses mondiales, ramenant sur le devant de la scène une des menaces latentes inhérentes à un système capitaliste devenu sénile, étouffant sous des masses de capital stérile, parasitaire.

Le krach boursier ou l’économie sabotée par les capitalistes

Jeudi 1er août, l’indice de la Bourse de Tokyo, le Nikkei 225, perdait 5,8 % de sa valeur en une seule séance. La chute se poursuivait le lendemain et lundi 5, où elle atteignait 12,4 %, sa plus forte baisse depuis 1987. L’indice a perdu 20 % par rapport à son sommet historique atteint début juillet avant qu’une petite reprise ne se manifeste mardi 6.

Le krach a touché, bien qu’à des degrés moindres, l’ensemble des places financières mondiales, conséquence logique de l’imbrication du système financier mondial. La cause de son déclenchement à la Bourse de Tokyo serait la brutale augmentation des taux directeurs par la banque centrale japonaise, répondant à la demande du gouvernement qui souhaitait enrayer la baisse du yen par rapport au dollar.  C’est la hausse du yen qui en a résulté qui a déclenché la panique. Un yen faible est en effet un facteur important de la compétitivité des exportateurs japonais qui craignent toute hausse comme la peste, et cela d’autant que tout fait craindre une récession aux Etats-Unis, un de leurs principaux clients. C’est pourquoi, malgré l’ampleur relativement plus faible du krach aux Etats-Unis - entre jeudi 1er et lundi 5, le Dow Jones a perdu 2,6 %, le Nasdaq 3,43 %, l’indice S&P500 3 % -, c’est pour une bonne part la dégradation de la situation économique et l’instabilité financière qui en résulte aux Etats-Unis qui est un des premiers facteurs du déclenchement du krach au Japon comme ailleurs.

La chute des indices de Wall Street s’inscrit dans un mouvement de recul qui touchait déjà fortement depuis début juillet les valeurs dites de « haute technologie » qui faisaient depuis des mois l’objet de spéculations délirantes. Depuis le début de l’année et jusqu’en juillet, les « Sept magnifiques » – Apple, Amazon, Microsoft, Alphabet (Google), Tesla, Meta (Facebook) et Nvidia – ont représenté 52 % de la hausse de l’indice S&P 500. Cette flambée spéculative était pour une grande part poussée par les illusions sur la capacité de l’intelligence artificielle générative à relancer une économie en panne.

Mais le miracle d’une « révolution numérique », espérée depuis des années, ne s’est pas produit… La première victime en a été le producteur de cartes très utilisées par l’IA, Nvidia. Après avoir rejoint en quelques mois le niveau de capitalisation des Gafam, ses actions se sont effondrées de 30 % en juillet. Suite à des résultats jugés décevants, l’action de Microsoft a perdu 10,8 % depuis début juillet, celle d’Amazon 7,9 %. L’ensemble du secteur est en réalité sous pression comme en témoigne l’évolution du Nasdaq qui a chuté de 10 % entre le 10 juillet et le déclenchement du krach, jeudi 1er.

L’annonce vendredi 2 par Intel, producteur de microprocesseurs informatiques, de résultats qualifiés de « très mauvais » et des mesures prises pour y faire face - plus de 15 000 licenciements, une baisse des coûts de 10 milliards de dollars et des coupes de 20 % dans ses investissements pour l’année -, a généré un vent de panique sur les marchés. D’autant que la nouvelle est tombée en même temps que les statistiques sur l’emploi aux USA, montrant une baisse des créations (114 000 en juillet pour 206 000 en juin) tandis que le taux de chômage passait de 4,1 % à 4,3 %. Selon divers économistes, cela serait le signe que l’économie US est sur le point d’entrer en récession.

Cette récession est le résultat de la concurrence entre les capitaux à la recherche de profits nouveaux, d’une instabilité financière spéculative que la politique de la banque centrale est bien incapable de réguler. Pour éviter un effondrement au moment de la montée du pic inflationniste de 2021, la FED avait, comme la BCE, augmenté ses taux directeurs tout en sachant que ce serait un frein au développement économique. Elle avait fait le choix de la récession. La conséquence ne pouvait en être qu’une croissance en berne partout dans le monde, accentuée par l’exacerbation de la concurrence internationale, de la guerre aussi bien commerciale que militaire dont les Etats-Unis sont les premiers promoteurs pour tenter de maintenir leur hégémonie mondiale avec la complicité des autres puissances occidentales. Dans ce contexte, les « plans Biden » de financement et de protection des sociétés US ont constitué un frein supplémentaire au commerce international, aggravant la stagnation économique à laquelle ils prétendaient faire face.

Sur le plan intérieur des USA, ces centaines de milliards ont certes contribué à maintenir « artificiellement » un taux de croissance plus élevé qu’ailleurs et un taux de chômage bas, autant de facteurs d’optimisme pour les financiers et les spéculateurs qui en ont profité pour spéculer à tout va. Mais cette politique semble aujourd’hui avoir atteint ses limites même s’il est impossible de prévoir comment la situation va évoluer, ni à quelle vitesse.

Quoi qu’il en soit, le numéro de duettiste sur X de Trump et Elon Musk, dont la folie réactionnaire n’est autre que celle d’un capitalisme à bout de souffle, donne un avant-goût de ce que les classes dominantes sont prêtes à mettre en œuvre pour maintenir leurs profits dans une économie en panne, une guerre de classe sans limite contre les travailleur·es. Tout comme ils n’hésitent pas à mettre le monde à feu et à sang pour imposer leur contrôle sur les ressources, les marchés et les grandes voies logistiques, comme en Ukraine et au Moyen-Orient.

Netanyahou instrument de la politique américaine et de l’Otan dans la guerre au Moyen-Orient, comme Zelensky contre la Russie

Mercredi 31, une frappe israélienne tuait à Téhéran le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, réfugié en Iran. La veille, c’était le chef militaire du Hezbollah libanais qui était tué à Beyrouth par un raid israélien. Après le meurtre d’Haniyed, Biden se fendait d’un hypocrite « Etats-Unis pas impliqués » suivi d’un communiqué tout aussi hypocrite concocté avec ses comparses anglais, allemand, français et italien : « Nous avons appelé l’Iran à renoncer à ses menaces permanentes d’attaque militaire contre Israël et nous avons discuté des graves conséquences pour la sécurité régionale d’une telle attaque ». Bien plus concrètement, les USA réitéraient leur engagement « à prendre toutes les mesures possibles pour défendre Israël » et dépêchaient une nouvelle armada navale en Méditerranée orientale…

Cette provocation délibérée de l’armée israélienne vis-à-vis de l’Iran s’est produite quelques jours à peine après le déplacement de Netanyahou aux Etats-Unis où, invité par les élus républicains, il a pu tenir un discours devant le Congrès tandis que des milliers de manifestants dénonçaient le génocide en cours à Gaza. Campagne présidentielle oblige, soucieux de ne pas se couper de cette partie de leur électorat qui est révoltée par les massacres perpétrés en Palestine par l’armée israélienne, certains élus démocrates à commencer par la candidate Kamala Harris, ont boycotté sa prestation. Celle-ci n’en a pas moins reçu Netanyahou en huis-clos le lendemain, lui assurant : « je veillerai toujours à ce qu’Israël soit en mesure de se défendre, y compris contre l’Iran et les milices soutenues par l’Iran, telles que le Hamas et le Hezbollah ». Une promesse concrète, qui s’est traduite dès les menaces de riposte de l’Iran au meurtre d’Ismaïl Haniyeh, par le renforcement de la flotte en Méditerranée ainsi que par 20 milliards d’aide militaire.

Que l’assassinat des dirigeants du Hamas et du Hezbollah relève d’une initiative personnelle de Netanyahou ou d’une action concertée par ce dernier avec ses conseillers US, ce qui est le plus probable, la provocation sert la politique des USA et de l’Otan, pousser l’Iran dans ses retranchements au risque de déclencher l’embrasement de toute la région tout en justifiant le positionnement de forces militaires considérables en divers points stratégiques considérés comme importants pour l’économie US. Le scénario préparé par les USA est simple : ou l’Iran intervient contre Israël en réponse à l’assassinat sur son territoire du dirigeant du Hamas, et il en subira des « conséquences cataclysmiques » selon les termes d’un responsable US ; ou l’Iran et ses alliés, Hamas et Hezbollah, cèdent le terrain…

Pendant ce temps, un simulacre de négociation sur une hypothétique trêve à Gaza réunit à Doha, au Qatar, de prétendus médiateurs américains, égyptiens et qataris qui, disent-ils, « restent fermement engagés à poursuivre leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza qui faciliterait la libération des otages et permettrait l’entrée dans Gaza de la plus grande quantité possible d’aide humanitaire ». Écœurante hypocrisie alors que l’offensive génocidaire israélienne se poursuit dans toute son horreur avec, entre autres crimes, la frappe samedi 10 sur une école servant d’abri à des réfugiés qui a fait une centaine de victimes. C’était, selon l’ONU, le 21ème bombardement d’une école transformée en abri en moins de cinq semaines alors que depuis le début de l’offensive israélienne 477 des 564 écoles de Gaza ont été détruites… Et ce jeudi, en Cisjordanie, une bande de dizaines de colons armés a attaqué un village palestinien, incendiant voitures et bâtiments, tuant un jeune homme et en blessant un second, déclenchant le même déversement d’indignations hypocrites de la part de ceux qui, par leurs aides sans condition à l’entreprise génocidaire de Netanyahou, encouragent ces crimes barbares.

L’offensive déclenchée le 6 août par les troupes ukrainiennes sur le territoire russe dans la région de Koursk relève de la même stratégie provocatrice. Le franchissement de la frontière russe par des troupes armées par l’Otan pourrait être considéré comme une violation des « règles » posées par Poutine et pouvant « justifier » le recours à l’arsenal nucléaire. Cela d’autant plus que Biden, suivi par Macron, ne s’est pas privé de se féliciter de cette opération militaire, qui pose, selon lui, « un vrai dilemme à Poutine », ajoutant par ailleurs que les Etats-Unis, « premier soutien militaire à Kiev », sont « en communication constante avec les Ukrainiens ». On ne peut pas mieux dire à quel point Zelensky joue en Ukraine vis-à-vis des USA et de l’Otan le même rôle que Netanyahou au Moyen-Orient, les exécutants chargés, avec la peau de leur propre population, des basses œuvres des grandes puissances occidentales, USA en tête. Et ce ne sont pas les résultats de l’enquête sur le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, en novembre 2022, qui a conclu qu’il avait été réalisé à l’initiative du pouvoir ukrainien malgré le veto de la CIA, qui changent quoi que ce soit à cette réalité. Les initiatives de Zelensky se déroulent dans un cadre général décidé et contrôlé par les USA et l’Otan et les servent. Comme l’écrit un responsable allemand « une attaque de cette importance [était] suffisante pour déclencher la clause de défense de l’Otan … » ou tout au moins contribuer à la justifier auprès de l’opinion publique des pays de l’Otan.

L’hypocrisie de « l’idéal olympique » au service de la barbarie capitaliste ne peut répondre à la nécessité de la coopération entre les peuples

Le Mouvement olympique prétend avoir pour but de « contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d’aucune sorte et dans l’esprit olympique qui exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, la solidarité et le fair-play. » Comme si, tout au contraire, les JO n’avaient pas montré à quel point ils étaient, indépendamment des athlètes enrôlés dans le grand spectacle, un outil d’embrigadement chauvin, aux antipodes de « l’esprit » dont ils se revendiquent !

Cette propagande relève du même mensonge que celle qui justifie la guerre au nom de la défense des droits des peuples, droit du peuple Ukrainien face à Poutine, droit du peuple israélien contre les Palestiniens, l’Iran et ses alliés… 

Les deux se revendiquent de la satisfaction du besoin de solidarité entre nations, entre êtres humains. Ce besoin est inscrit dans le développement de l’humanité, mais sa réalisation est antinomique avec le mode de production capitaliste qui repose, tout au contraire, sur la concurrence et ses conséquences, la guerre économique et militaire, l’exploitation sans limite des hommes et des femmes comme de la nature. La menace de plus en plus pressante d’une catastrophe financière majeure et le développement des conflits militaires sont les symptômes de la sénilité du système capitaliste. Comme le sont aussi l’explosion des inégalités, qui plonge des milliards d’êtres humains dans la misère, voire la famine ou encore la fuite en avant incontrôlable dans la catastrophe climatique dont les méga-incendies qui ravagent en ce moment même des territoires entiers sont une des illustrations.

La solidarité entre les travailleurs et les peuples afin de coopérer à leur bien-être commun ne peut s’épanouir qu’en s’émancipant de la tutelle du mode de production capitaliste. Elle ne peut naître que des révoltes sociales qui en sont elles-mêmes le produit. Comme au Bangladesh où, lundi 5 août, après un mois de révolte étudiante dont la répression a fait plus de 400 morts, des centaines de milliers de manifestants ont envahi le palais de la première ministre, la contraignant à la fuite et mettant fin à 15 ans de pouvoir dictatorial. Ou au Royaume Uni où, samedi 10, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans plusieurs villes contre les émeutiers racistes de l’extrême droite et le pouvoir qui les encourage par sa politique contre les migrants.

La marche à la faillite du capitalisme ne peut qu’accélérer l’émergence des révoltes sociales, accumulant les forces politiques grâce auxquelles le prolétariat mondial prendra le contrôle de l’économie mondiale, mettant les immenses ressources technologiques fruits de leur travail collectif au service de la satisfaction des besoins de chacun·e, débarrassant le monde de la folie réactionnaire des Trump et autres Musk.

Daniel Minvielle

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