Après une campagne délétère dominée par la collusion de ladite majorité présidentielle et du RN avec la complicité d’une partie du NFP contre LFI, calomniée d’antisémitisme, au nom de la lutte contre les extrêmes orchestrée par Macron qui se prépare à gouverner avec le RN, la logique réactionnaire se renforce dans la foulée des Européennes.
A l’heure où paraît notre lettre hebdomadaire, nous ne possédons que des estimations dont les projections pour le deuxième tour laissent penser que le RN pourrait avoir une majorité relative voire absolue mais en fonction de la mobilisation électorale forte et du caractère incertain des reports de voix, le pire n’est pas sûr, rien n’est joué.
Après le ralliement de Ciotti, il améliore son score alors que Zemmour s’effondre et que la majorité présidentielle et LR surnagent difficilement. Il pourrait avoir une majorité absolue à l’issue du deuxième tour. Le Nouveau Front populaire, miné par ses propres rivalités, a permis aux vieux chevaux de retour de la gauche de faire un peu mieux que sauver la mise sans être capable de créer une dynamique en sa faveur.
Le jeu de faux semblants de Macron dramatisant la situation pour se poser en défenseur de la République, une « troisième voie », qui peut « à coup sûr faire barrage à l’extrême droite comme à l’extrême gauche au second tour », jouant la panique en brandissant la menace d’une « guerre civile » qui planerait sur la France en cas de victoire des « extrêmes » n’a guère réussi à des candidat·es qui n’osaient se revendiquer de lui ! Leur panique prenait la tournure du gag quand Bruno Le Maire déclarait sans rire que les programmes du NFP et du RN étaient tous les deux marxistes !
La décision de Bardella de repousser à « plus tard » ou « dans un second temps » les mesures jugées « sociales » du programme de 2022, comme l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, la baisse de la TVA pour les « produits de première nécessité » ou le « renforcement des services publics », son choix affirmé d’un « retour à la raison budgétaire » et de combattre les « mauvaises dépenses de l’État », n’ont pas entamé son électorat qui soit partage ses idées réactionnaires soit veut régler ses comptes avec la droite et la gauche et surtout avec Macron.
Le CAC 40 a fait son choix. Il préfère l’ordre avec Bardella, tourner la page de Macron, semeur de désordre. Entre « le cauchemar » de l’extrême droite et « le chaos » d’une chambre ingouvernable, il opte pour le premier, convaincu qu’il gardera la main pour imposer ses volontés comme dans l’Italie de Méloni. Il aura, d’une façon ou d’un autre, les deux. Une crise politique aux rebonds inconnus est ouverte en conséquence d’une crise sociale et économique qui s’approfondit.
Le Nouveau Front populaire ou les ambitions politiciennes autodestructrices
Si le NFP avait réussi au lendemain de sa constitution à faire naître un espoir et à enclencher un début de dynamique, la réalité politique de cet attelage de circonstances a rapidement éclaté au grand jour sous la pression du pouvoir. Non seulement son contenu politique est tout à fait respectueux des « équilibres », comme Bompard a cru bon de le rappeler, « ce n’est pas un programme d’extrême gauche », non seulement il s’inscrit dans la politique de l’Otan tant dans la guerre d’Ukraine que dans le soutien à Israël contre le terrorisme du Hamas mais il est un consortium d’ambitions politiciennes étrangères aux intérêts du monde du travail.
Jean Luc Mélenchon est devenu, de bon gré il faut dire, façon de se différencier des Hollande et Glucksman and co pour la suite, la cible de toutes les ambitions frustrées de ses rivaux, de leur ardeur à combattre, dans leur acharnement ridicule à devenir Premier ministre de Macron, la cible de la haine du bloc réactionnaire ! Ces luttes intestines autodestructrices sont l’expression de la pression du bloc réactionnaire, de la bourgeoisie accusant de façon calomnieuse d’antisémitisme Mélenchon, LFI et, dans la foulée, toutes celles et ceux qui sont solidaires et du côté du peuple palestinien.
Roussel, Glucksmann, Ruffin, Faure, Tondelier, Hollande et autres, y sont allés de leur couplet contre Mélenchon avant de se faire les champions de la lutte pour un accord de désistement pour le deuxième tour avant même le premier. Tous ont signé, sans oublier Strauss-Kahn de retour pour l’occasion, une tribune dans Le Monde pour un accord pour faire barrage au RN : « Cela implique d’éviter les triangulaires au second tour en retirant le candidat ou la candidate moins bien placés et de soutenir partout activement le candidat ou la candidate des forces démocratiques restant face au Rassemblement national. Pour accélérer la mobilisation citoyenne face au RN, ce choix devrait être affiché clairement dès maintenant, sans attendre le 30 juin, par les responsables de toutes les forces démocratiques, qu’elles appartiennent au Nouveau Front populaire, à la majorité sortante ou à la droite républicaine. » En clair, le PS, le PC et EELV proposent à Macron et à LR un accord pour le deuxième tour et plus si affinité, c’est-à-dire une majorité pour un gouvernement après le 7 juillet sous couvert de faire barrage au RN. Le consortium des partis qui ont porté le RN aux portes du pouvoir pour lui faire barrage !
La RN et la faillite de la gauche, sous-produits de la crise historique du capitalisme et de ses institutions
L’offensive anti-sociale, nationaliste, militariste des classes dominantes combinée à l’effondrement du mouvement ouvrier dont les organisations intégrées aux institutions, à l’État bourgeois, ne remettent pas en cause l’ordre social, a nourri les forces réactionnaires qui aujourd’hui progressent au niveau de toute l’Europe. Il ne s’agit pas de mouvements fascistes, contrairement à ce qu’affirme l’incantation gauchiste mais de forces de droite extrême ou d’extrême droite qui détournent le mécontentent populaire et d’une large fraction du monde du travail en flattant les craintes et les peurs livrées à elles-mêmes sans autre perspective qu’une gauche qui a aidé Macron à accéder au pouvoir.
Si ce NFP dont il est difficile de prévoir l’avenir n’a rien d’historique, par contre, les transformations qui s’opèrent au sein du capitalisme financiarisé mondialisé représentent bien, elles, un tournant historique en particulier au sein du bloc occidental, de l’Otan engagée dans les guerres pour défendre son hégémonie héritée de siècles de domination coloniale et impérialiste. Les évolutions politiques en cours sont le fruit pourri de ces transformations, de la guerre et du militarisme et, si le mouvement révolutionnaire s’avérait incapable de jouer un rôle, enfermé dans son passé et ses concurrences sectaires, laissant le mouvement ouvrier désarmé, la montée du militarisme et du nationalisme, les politiques de réarmement conduiraient à une militarisation de la société, un nouveau fascisme. Il ne s’agit pas de crier au loup mais de comprendre l’évolution du capitalisme et de la société pour agir.
Arracher les travailleurs à l’influence du RN n’est ni un simple combat électoral ou d’idées ni une question d’indignation et de morale ni d’incantation antifasciste ou l’appel aux luttes mais bien une politique de classe globale, sur tous les terrains, qui vise à construire un rapport de force du point de vue du camp des travailleurs, de son programme, un programme démocratique et révolutionnaire, à agir dans la perspective d’un gouvernement des travailleurs.
C’est défendre un programme répondant à la faillite du capitalisme associant dans une même démarche de classe la question sociale et économique, démocratique, écologique et internationale dans une commune perspective visant à la conquête du pouvoir par les travailleurs afin de liquider la propriété privée capitaliste, économie de marché, la concurrence et le profit pour réorganiser la production et les échanges en fonction des besoins collectifs en vue d’une planification démocratique tant au niveau européen qu’international.
Contre le racisme et « la préférence nationale », contre le mépris de classe, l’exploitation et la guerre, un front démocratique et révolutionnaire
Pour toutes celles et tous ceux qui ne sont pas dupes de la démagogie et du bluff du RN et sont révolté·es par la bassesse qui désigne des boucs-émissaires à la vindicte populaire, les plus faibles, les immigré·es et les migrant·es, les travailleur·es d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne en particulier pour mieux servir les intérêts des classes dominantes, les puissants contre les classes populaires, il n’y a à ce second tour, sur le terrain électoral, pas d’autre choix que de voter NFP contre Macron-Bardella et leurs alliés, mais cela ne nous protégera de rien.
Il serait illusoire de croire que le vote pour les candidat·es du Front populaires dont une partie des dirigeants est disponible à s’allier avec Macron sous couvert de faire barrage au RN, nous protégera de quoi que ce soit.
La seule chose qui peut nous protéger, c’est notre conscience politique, notre confiance en nous et notre propre organisation sur les lieux de travail, de vie, sur nos propres bases de classes en toute indépendance des partis parlementaires afin de décider de nos actions, de nos mobilisations, de nos luttes, en un mot de notre propre politique et faire face, au quotidien, aux effets délétères de la montée de l’extrême droite, de la violence raciste et anti-ouvrière, anti-féministe, homophobe.
L’avenir dépend du rapport de force politique entre les classes, entre le monde du travail et la bourgeoisie, entre nos intérêts collectifs et ceux de la minorité qui détient les banques, les usines, le commerce, la presse et achète les politiciens parlementaires.
La gauche, ce qu’il en reste et se dit encore de gauche, voudrait laisser croire qu’il est possible d’améliorer un système qui ne lui laisse d’autre choix, au pouvoir, que de faire l’inverse de ce qu’elle prétend et de servir les intérêts des gros actionnaires, de la finance faisant le lit de la droite extrême qui, elle, veut protéger le système en détournant la colère contre des boucs émissaires, les plus exploité·es, les plus défavorisé·es, par le racisme, la xénophobie.
Toutes celles et ceux qui ont voulu combattre le RN, le bloc réactionnaire et veulent continuer le combat tireront les leçons de l’expérience que nous sommes en train de vivre : le capitalisme court à la faillite, il n’a d’autres ressources politiques que les forces réactionnaires, nationalistes, xénophobes et militaristes. La gauche libérale poursuit sa déroute, la tâche de l’heure est d’œuvrer à la construction d’un parti des travailleurs qui dépasse les divisions et le sectarisme du mouvement révolutionnaire.
L’avenir dépend de ceux qui font tourner cette société pas des bavards parlementaires et c’est à nous de prendre les choses en mains.
Cette séquence électorale est une nouvelle étape de la marche du RN vers le pouvoir parce qu’elle est aussi une nouvelle étape dans la faillite de la gauche parlementaire, libérale.
Elle est aussi une nouvelle étape dans l’émancipation d’une large fraction du monde du travail, de la jeunesse, des femmes du piège électoral et parlementaire, une prise de conscience du besoin de préparer l’affrontement avec le pouvoir et le capital.
« Quand, au sommet de l’État, on joue du violon, comment ne pas s’attendre que ceux qui sont en bas se mettent à danser ? » écrivait Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. La mobilisation provoquée par la menace du RN ne sera pas épuisée même si l’impuissance du NFP déçoit et démoralise. La crise politique ouverte signifie un débat politique national dont chacune et chacun s’emparent, débat qui fait de l’avenir même de la société la question politique centrale.
A travers ce débat combiné aux luttes sociales et à la volonté de mettre en échec la politique raciste et xénophobe du RN peut se former, va se former un nouveau parti loin des coalitions électorales et parlementaires et des partis de la gauche prêts à gouverner avec Macron.
La tâche de l’heure, que nous ayons voté révolutionnaire ou que nous ayons préféré voter, sans illusion, NFP, est de nous atteler à faire vivre au sein du monde du travail les idées du socialisme et du communisme abandonnées, caricaturées et trahies par la gauche depuis longtemps. Pour poursuivre la mobilisation, défendre pied à pied nos droits et liberté, nous avons besoin de nous rassembler, nous unir autour d’idées démocratiques, révolutionnaires, les idées de l’émancipation et de la liberté contre cette société d’asservissement du travail, de violence et d’obscurantisme dont le RN est le produit et l’instrument.
Indépendamment de la faiblesse de nos résultats électoraux, le mouvement révolutionnaire a un rôle déterminant à jouer s’il cesse de dire aux travailleurs ce qu’ils devraient faire, de les appeler à s’unir sans qu’il en soit lui-même capable ou de leur demander, hors de toute lucidité sur lui-même et le rapport de force, d’envoyer des travailleurs révolutionnaires au Parlement. Le besoin s’impose à nous maintenant d’ouvrir une discussion sur notre propre rôle et notre responsabilité collective, politique dans cette bataille réellement historique dont nous connaissons un premier épisode, un avertissement.
Il s’agit de construire un mouvement qui porte de façon vivante et démocratique la parole ouvrière et populaire et dans lequel puissent se reconnaître les prolétaires, de tous genres et de toutes origines.
L’énergie investie pour tenter de se faire entendre dans la cacophonie de ces élections piégées pourra porter ses fruits si les différentes fractions du mouvement révolutionnaire travaillent ensemble, sur notre terrain de classe se regroupent, se rassemblent pour construire et tracer le programme, les perspectives d’un cadre démocratique ouvert, susceptible d’accueillir, d’aider toutes celles et ceux qui veulent continuer le combat dans la perspective d’en finir avec les forces réactionnaires et le système corrompu, inégalitaire et injuste d’exploitation qui les produit, pour la transformation révolutionnaire de la société. Ce sera un grand pas.
Démocratie révolutionnaire