Cinq jours après la riposte de l’Iran à l’attaque du 1er avril, Israël a, à nouveau, attaqué par des tirs de missiles Ispahan, attaque que Netanyahou a le cynisme de ne pas assumer malgré les déclarations publiques d’un de ses ministres. « Le Moyen-Orient est au bord du précipice » avait alerté, quelques jours avant, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, pour appeler à une « retenue générale », un euphémisme et un langage diplomatique qui minimisent l’ampleur de l’effondrement qui frappe la région, les conséquences comme la nature et les responsables de l’escalade militaire et guerrière dans laquelle les grandes puissances occidentales et leurs alliés, dont l’État sioniste, entraînent non seulement le Moyen-Orient mais le monde.

Les missiles d’Israël qui continuent de bombarder la bande de Gaza, affamée, en particulier Rafah en préparation de l’intervention au sol, détruisent brutalement les bonnes intentions de l’ONU.

Cette dernière est dans son rôle, couvrir du voile de discours et de résolutions humanitaires la brutale et cynique réalité de la politique d’Israël et de ses alliés, les grandes puissances occidentales, masquer la réalité sociale et politique, les mécanismes qui en sont à l’origine, les conséquences d’un processus de décomposition des relations internationales que les appels hypocrites à la retenue ou à la modération sont impuissants à enrayer. Le militarisme qui gagne la planète est en premier lieu la conséquence et la responsabilité des vieilles puissances impérialistes occidentales dont la France qui défendent leur hégémonie face au reste du monde. Les USA viennent de refuser la reconnaissance par l’ONU d’un Etat palestinien !

La propagande officielle, la propagande d’État, les médias aux ordres ne cessent de dénoncer les Palestiniens et le Hamas, aujourd’hui l’Iran, qui sont désignés comme des fauteurs de guerre qui menaceraient l’existence même de l’État d’Israël, financé, armé par la première puissance mondiale et ses alliés. Cette propagande mensongère réécrit l’histoire du point de vue des vainqueurs, des dominants, du point de vue de leur mépris des peuples, de leurs victimes, des opprimés comme ici ils méprisent et ignorent les invisibles qui produisent les richesses et font marcher la société.

La politique des USA, de l’Angleterre ou de la France s’inscrit dans une longue et sanglante continuité historique, celle du colonialisme, de l’impérialisme, des guerres coloniales, de la domination du monde par quelques grandes puissances par l’esclavage, la conquête et la domination militaire sur les peuples, leurs territoires pour piller leurs richesses, exploiter leur travail.

Les peuples du Moyen-Orient ont vécu durant des décennies sous cette dictature coloniale militaire xénophobe et raciste qui a étouffé tout développement économique et démocratique. La création de l’État sioniste après la deuxième guerre mondiale n’avait d’autre sens que de créer une base militaire de l’occident au sein du monde arabe pour perpétuer cette domination alors que s’annonçait la vague de luttes de libération nationale qui a contraint les puissances impérialistes à concéder leur indépendance aux peuples.

Alors que la barbarie impérialiste a dû céder la place, après deux guerres mondiales, les révolutions coloniales et l’effondrement de l’URSS, à celle du capitalisme financier mondialisé, Israël est devenu le bras armé des vieilles puissances impérialistes pour défendre leur domination et leurs privilèges face à la concurrence des pays capitalistes émergents. Cette bataille dirigée par les USA avec l’Otan a mis à feu et à sang le Moyen-Orient au nom de la lutte contre le terrorisme. L’Irak, la Libye, la Syrie, le Liban, le Yémen sont des pays détruits. Après leur déroute en Afghanistan, les USA et leurs alliés n’ont pas abdiqué ni contre la Russie, ni contre la Chine, ni au Moyen Orient.

Une des hypocrisies la plus largement partagée consiste à considérer la question de la guerre et de l’escalade militaire comme une question régionale, de la même façon pour la guerre d’Ukraine que pour la guerre d’Israël, et non comme un moment particulier d’un processus mondialisé, d’un affrontement entre puissances à l’échelle mondiale, plus globalement d’un moment de la lutte de classes même si les travailleurs n’en ont, le plus souvent, pas conscience. L’issue dépend plus des principaux fauteurs de guerres, les vieilles puissances impérialistes que des acteurs locaux prisonniers du jeu de ces dernières. Cela veut dire que l’issue démocratique, progressiste respectant le droit des peuples à l’autodétermination dépend pour beaucoup du prolétariat qui vit et combat au cœur des citadelles du capitalisme.

La guerre génocidaire d’Israël n’est pas la simple conséquence de l’attaque du Hamas le 7 octobre mais bien la continuité de la politique du sionisme contre le peuple palestinien accentuée aujourd’hui par les tensions internationales exacerbées, conséquences de la guerre économique que se livrent les grandes puissances. Après les accords d’Abraham en 2020 qui avaient vu Israël associer à sa politique de domination du Moyen-Orient les régimes réactionnaires arabes qui sacrifient les intérêts du peuple palestinien à leur propres intérêts qui passent par la collaboration avec les USA et donc Israël.

L’attaque du 7 octobre ne répond en rien aux intérêts du peuple palestinien mais elle est venue rompre le silence qui entourait son sacrifice sur l’autel des intérêts parasitaires des classes dominantes alliées contre lui. Loin d’enrayer la machine, le 7 octobre a accéléré sa course meurtrière pour cimenter l’alliance réactionnaire du sionisme avec les dictatures arabes avec le sang des Palestiniens.

Le déséquilibre de la concurrence et de la terreur ou le chaos capitaliste

Il y a en toile de fond l’état de guerre permanent que les USA et Israël entretiennent avec l’Iran. Il est évident que ce n’est pas la dictature des Mollahs qui dérange les USA qui se sont accommodés sans difficulté de la théocratie barbare de l’Arabie saoudite, leur fidèle alliée dans la région. La déclaration de la réunion du G7, la semaine dernière, ne laisse aucune ambiguïté : « Nous condamnons sans équivoque et dans les termes les plus forts l’attaque directe et sans précédent de l’Iran contre Israël. […] L’Iran a fait un pas de plus vers la déstabilisation de la région et risque de provoquer une escalade régionale incontrôlable. »

Biden, après s’être félicité -« Ensemble, avec nos partenaires, nous avons vaincu cette attaque »- a encore rappelé que son « engagement en faveur de la sécurité d’Israël face aux menaces de l’Iran et de ses relais est inébranlable » sans manquer bien sûr d’appeler Netanyahou à la « retenue ».

Depuis que l’Iran a échappé à leur domination après le soulèvement populaire, la révolution qui a renversé la dictature du Shah en 1979, l’impérialisme américain n’a cessé de vouloir mettre au pas le régime des mollahs qui avaient maté le soulèvement populaire pour imposer leur dictature. Encore une fois, ce n’est pas cette dictature religieuse féroce qu’ils combattent mais l’indépendance, le refus du régime de se plier à leur dictature. Leurs trusts pétroliers considéraient depuis longtemps les ressources du pays comme leur propriété.

L’Iran est ainsi devenu le centre de « de la résistance » à Israël devenu lui-même l’ennemi juré de l’Iran. Pour l’Iran, comme par le passé pour les régimes arabes, le peuple palestinien est une monnaie d’échange dans les rapports de force. Il ne défend en rien les intérêts des populations. Comme le Hamas ou le Hezbollah, les mollahs défendent leur pouvoir contre leur propre population et face à la domination des USA.

C’est bien pourquoi, la question de savoir si Israël, seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, répondrait ou pas à la riposte aérienne de l’Iran était vaine. Ce ne sont pas les déclarations officielles qui disent la politique d’Israël et de son commanditaire, les USA. Les états-majors discutent dans le secret en fonction de leurs intérêts politiques et militaires de la meilleure façon de poursuivre la prochaine étape de leur guerre, de ses rythmes.

Alors que l’Iran avait dit considérer « l’affaire close », qu’il ne souhaitait pas une guerre dont il n’a pas les moyens, le porte-parole de l’armée israélienne a tenu à lever le moindre doute : « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger l’État d’Israël, et nous le ferons à l’occasion et au moment que nous choisirons ». Benny Gantz, opposant de Netanyahou au sein du gouvernement, a précisé la politique d’Israël : « Le système de coopération régionale que nous avons construit doit être renforcé. Et nous ferons payer le prix à l’Iran de la façon et au moment qui nous conviennent. » Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, complète : « Nous avons l’opportunité d’établir une alliance stratégique contre l’Iran, qui menace de mettre des têtes nucléaires sur ces missiles. »

Dans la poursuite de la politique de l’accord d’Abraham par d’autres moyens, Israël voudrait transformer l’alliance avec les régimes arabes en alliance militaire contre l’Iran, tout en maintenant les tensions, une « retenue » pour le moins relative...

Il s’agit pour eux de construire les alliances ainsi que de mobiliser l’opinion pour faire face, selon les mots d’un éditorial du Wall Street Journal au « nouveau monde de menaces globales. La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord sont tous en marche et travaillent ensemble. »

Cela éclaire, au-delà du mirage des discours humanitaires ou retenus, la politique des USA qui ont réagi au 7 octobre en préparant un déploiement militaire dans tout le Moyen-Orient, avec l’Iran pour cible principale. En l’espace de quelques jours, ils ont envoyé deux porte-avions, une armada de navires de guerre et des centaines d’avions dans la région. Cette stratégie s’inscrit dans une négociation armée des rapports de force en complément de la guerre économique et des sanctions. Elle en accentue les effets destructeurs y compris sur le plan économique en renforçant les tendances nationalistes et protectionnistes. Loin d’apporter la moindre réponse au désordre capitaliste elle débouche sur le chaos, une menace d’effondrement économique et conduit, sauf intervention des travailleurs et des peuples, à une mondialisation de la guerre.

Contre l’union nationale derrière Israël et les USA, une politique de classe internationaliste

« Pour la première fois l’Iran a décidé d’envoyer des frappes depuis son sol : c’est un changement, une rupture profonde. Il faut à la fois être aux côtés d’Israël pour assurer sa protection au maximum, et éviter l’escalade », a déclaré Macron faisant écho aux déclarations de Biden and co après avoir accusé les Iraniens d’avoir riposté « de manière disproportionnée » à l’attaque israélienne et en demandant d’« accroître les sanctions » contre l’Iran.

Ciotti a répété la chanson officielle avec une note anti-arabe pour apporter son « soutien à Israël attaqué cette nuit par l’État islamiste d’Iran. […] La France doit être aux côtés d’Israël qui lutte pour sa survie et la survie de la seule démocratie du Proche-Orient ». Bardella a condamné une « attaque condamnable » ... La gauche, avec des nuances, s’est jointe au concert des condamnations. « La France insoumise a condamné le bombardement du consulat iranien et le meurtre des seize personnes qui s’y trouvaient », écrit LFI dans un communiqué. « Elle condamne tout aussi clairement et fermement la riposte iranienne. En effet, cette dernière accepte l’escalade militaire et fait seulement le jeu des partisans d’une généralisation de la guerre ».

Pour les travailleurs, la question n’est pas de prononcer des jugements et condamnations qui restent dans le cadre de la logique militariste pour la justifier ou la regretter ou les deux à la fois !

Il s’agit de comprendre en toute indépendance de la propagande des classes dominantes pour formuler une analyse et une politique de classe contre la guerre, pour en finir avec le militarisme.

L’état de la bourgeoisie ne prend pas, lui, de gants pour interdire toute expression de critique ou de condamnation de sa politique comme il vient de le faire à Lille contre Jean-Luc Mélenchon, en condamnant un camarade de la CGT du Nord à un an de prison avec sursis pour « apologie du terrorisme » ainsi que sont convoqués pour le même motif  des camarades de Révolution Permanente, des militants de Sud ou Rima Hassan, candidate sur la liste LFI, convoquée le jour même où  Macron faisait son coming out de défenseur de la liberté d’expression en faveur de… Mélenchon !

La lutte contre le militarisme, pour la paix, c’est la lutte avec nos armes de classe contre notre propre bourgeoisie. Le militarisme et la guerre sont des armes des classes dominantes dans la guerre économique qui oppose les nations et définit les rapports de force internationaux fondés sur la concurrence économique, monétaire et la terreur militaire. Les combattre, imposer une paix démocratique respectant le droit des peuples implique d’en finir avec cette politique de concurrence, de sanctions et de guerre.

Nous ne pouvons laisser le moindre doute sur notre opposition à la guerre, ni laisser Macron et les politiciens qui servent la bourgeoisie prétendre agir en notre nom, eux qui ne cachent pas leurs objectifs, nous préparer à la guerre à venir, faire de nous non seulement leurs soldats dans la concurrence économique mais de la chair à canon, comme le sont déjà les travailleurs d’Ukraine, de Russie, d’Israël, de Palestine et de bien d’autres pays. Cela veut dire nous donner les moyens de nous défendre dans un combat dans lequel il est clair qu’il ne peut y avoir de conciliation, de dialogue ou de « retenue ».

Si tu veux la paix, prépare la révolution !

Yvan Lemaitre

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn