Mercredi 7 février, Macron présidait un hommage aux 42 Français morts le jour de l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, un hommage très politique marqué à la fois par l’étroitesse nationaliste, le mépris du peuple palestinien, l’alignement sur le sionisme au nom de l’imposture de la lutte contre l’antisémitisme et le soutien à la guerre génocidaire d’Israël. Tous les partis parlementaires étaient conviés à ce moment d’union nationale en soutien au sionisme, du PS à l’extrême-droite dorénavant intégrée et reconnue comme championne de la lutte contre l’antisémitisme. Seule la présence des représentants de LFI a été condamnée, insultée malgré leurs gestes d’allégeance, convaincus qu’eux aussi « ils incarnent la France » selon les mots de Mélenchon. Cette France est celle des colonies et de l’impérialisme, de l’exploitation à laquelle nous opposons la solidarité internationaliste des travailleurs et des peuples contre tous les nationalismes et les racismes pour en finir avec la guerre.
Pendant ce temps, les bombardements et les combats s’intensifient à Gaza, alors que dans le Sud les villes de Khan Younès et de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, où s’entassent dans des conditions désespérées plus de 1,3 million de personnes contraintes à se déplacer, sont pilonnées depuis des semaines. Le bilan des morts et des blessés ne cesse de s’alourdir, « ce carnage et cette boucherie », selon les mots de Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières. Quelque 29 000 bombes ont été larguées sur la bande de Gaza.
Et ce même 7 février, Netanyahou a ordonné à l’armée israélienne de « préparer » une offensive sur Rafah, rejetant toute idée de trêve ou les propositions de cessez-le feu formulées par le Hamas qui, selon lui, ne feraient que « mener à un autre massacre ». Une façon de signifier à quel point il n’est pas dupe de l’agitation diplomatique entretenue par le chef de la diplomatie américaine, Blinken, venu une nouvelle fois en Israël et dans les États de la région pour discuter d’un accord de trêve. Netanyahou, avant son arrivée, a salué l'appui de ses « amis américains » dans la guerre, leur « soutien en termes d'armements, soutien pour les institutions internationales, envoi de troupes dans la région... ». Cynique, il traite avec le plus grand mépris cette mascarade diplomatique, conscient et certain que Blinken n’est en réalité là que pour superviser la guerre, donner le change tout en préparant une possible voire probable guerre contre l’Iran.
Écraser le peuple palestinien par le feu, la faim, la maladie…
Israël méprise et ignore tout autant les résolutions de l’ONU ou les conclusions de la Cour internationale de justice qui, suite à la plainte déposée par l’Afrique du Sud, a exigé de lui qu’il fasse tout pour éviter les actes de génocide et qu’il permette l’entrée immédiate de l’aide humanitaire à Gaza. Israël s’en moque et non seulement il intensifie la guerre mais il cherche à aggraver la détresse humanitaire des Palestiniens. Prenant prétexte de l’accusation lancée par lui-même de l’implication dans l’attaque du Hamas du 7 octobre de 12 personnes travaillant pour L’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), Israël a engagé des poursuites et veut empêcher les USA et les autres pays principaux bailleurs de fonds de financer l’organisation des Nations Unies indispensable à la survie de centaines de milliers de Palestiniens.
Les USA se sont empressés d’annoncer qu’ils réduiraient leur financement, suivis par plus d’une douzaine d’autres pays occidentaux.
Rien qu’à Gaza, l’UNRWA emploie 13 000 personnes qui géraient écoles et hôpitaux, aujourd’hui ce qu’il en reste, tout en fournissant de l’eau potable et de la nourriture. Elle est indispensable à la survie des 2 millions de Palestiniens déplacés alors que l’armée israélienne a détruit 79 200 maisons et en a endommagé 207 000 autres, faisant de la grande majorité de la population des sans-abris. Le système de santé a été dévasté, avec 309 soignants tués, 380 blessés. Quelque 235 établissements de santé, dont 26 hôpitaux et 63 cliniques, ont été détruits ou endommagés, ainsi que 146 ambulances.
La faim, l’absence d’eau potable et d’aide médicale engendrent de terribles souffrances et deviennent de véritables armes de guerre dans la politique génocidaire d’Israël.
Les faux semblants des manœuvres diplomatiques pour aboutir à une trêve
Biden ne se prive pas de dénoncer la riposte d’Israël au lendemain du 7 octobre comme « excessive ». Ces déclarations répétitives sont à l’image des voyages de Blinken qui a fait de l’Arabie saoudite la première étape de sa cinquième tournée depuis le début de la guerre au Proche-Orient avant d’aller au Qatar, en Egypte, puis en Israël et en Cisjordanie occupée. Il prétend chaque fois venir pour développer l’aide humanitaire ou négocier une « pause humanitaire qui permettrait une livraison accrue de l’aide humanitaire aux civils de Gaza ». De faux-semblants diplomatiques destinés à dédouaner les USA et les puissances occidentales des pires crimes d’Israël.
Cette fois, il venait après qu’un projet de trêve temporaire a été mis au point fin janvier à Paris par des médiateurs qataris, américains et égyptiens. De son côté, le Hamas a fait une proposition qui prévoirait une trêve de six semaines avec la libération de 35 à 40 otages en échange de 200 à 300 détenus palestiniens. Proposition jugée inacceptable par Israël et que Netanyahou s’est empressé de qualifier d’absurde. Pour lui, seule compte « la victoire totale », c’est à dire l’anéantissement du peuple palestinien non seulement par la négation de ses droits élémentaires mais la destruction de ses possibilités matérielles même d’existence.
Certes, au lendemain de la visite de Blinken, le cabinet de Netanyahou a diffusé sur les réseaux sociaux un communiqué précisant : « Il est clair qu’une opération massive à Rafah nécessite l’évacuation de la population civile des zones de combat. C’est pourquoi le premier ministre a demandé à Tsahal […] de présenter au gouvernement un double plan, à la fois pour l’évacuation de la population et pour le démantèlement des bataillons (du Hamas) ». Une évacuation vers où ? Un cynisme sans borne alors que l’offensive contre Rafah bombardée est engagée sans attendre…
Blinken supervise l’extension du conflit dans l’hypothèse d’une possible guerre contre l’Iran
En réalité, le voyage de Blinken vise à renforcer le soutien à Israël tout en travaillant à ne pas rompre les liens diplomatiques avec les puissances arabes en vue d’une éventuelle guerre contre l’Iran qui inévitablement étendrait le conflit à l’ensemble de la région.
Biden, le 2 février, après avoir assisté au retour des corps de trois soldats, tués le 28 janvier sur une base militaire américaine en Jordanie par des drones lancés par des milices armées par l’Iran, a donné son feu vert à la première phase des représailles américaines.
Près de 125 missiles ont été employés contre 85 cibles différentes sur sept sites (quatre en Syrie, trois en Irak) appartenant au corps des gardiens de la révolution islamique (principale force armée iranienne) et à des milices pro-iraniennes. Des bombardiers B-1 ayant effectué un vol direct depuis les Etats-Unis ont participé à l’opération, en compagnie d’avions de chasse.
Dans le même temps qu’il déclenche le feu sur la Syrie et l’Irak, Biden continue le double jeu et les faux semblants : « Les Etats-Unis ne veulent de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde. Mais que ceux qui veulent nous faire du mal le sachent bien : si vous touchez à un Américain, nous répondrons ». Pour ajouter, les bombardements « se poursuivront au moment et à l’endroit de notre choix ».
Biden ne veut pas la guerre mais il la fait. Les USA exercent leur pression militaire contre les milices pro-iraniennes et contre les forces houthistes au Yémen, qui déstabilisent la circulation des navires commerciaux en mer Rouge, contre l’Iran aussi, cible des USA. Il s’agit d’affaiblir l’Iran et ses alliés sans, à ce stade, créer une situation qui provoquerait une extension incontrôlée du conflit.
Pour la paix, construire un ordre mondial fondé sur la solidarité et la coopération des peuples
Cette politique des USA et de leurs alliés dont la France n’est pas une nouveauté, elle s’inscrit dans leur rôle de gendarme du monde pour maintenir l’ordre nécessaire au bon déroulement des affaires commerciales et financières du capital. Avant même la guerre, environ 45 000 soldats américains étaient cantonnés dans cette région, au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et quelques centaines à Oman. En Turquie aussi, en Irak, en Syrie, en Jordanie sans oublier leur rôle en Israël, au sein même du commandement de Tsahal. Une présence qui n’a fait que se renforcer en particulier par le déploiement de deux flottes, avec ses porte-avions, ses frégates, ses sous-marins, ses marines. Il est évident que si les USA le voulaient, ils pourraient contraindre Israël au cessez-le feu tout simplement en arrêtant de lui fournir armes et munitions alors qu’à la demande d’Israël, ils ont organisé un véritable pont aérien et maritime pour fournir depuis le 7 octobre 25 000 tonnes d'armement transportées à bord de 280 avions et de 40 navires.
Seulement, même si les USA ne cherchent pas, pour le moment, à pousser l’Iran à une guerre ouverte que celui-ci veut encore moins et souhaitent garder le contrôle de l’évolution de la guerre, ils ont bien conscience que le développement même du conflit sans issue politique, de l’instabilité régionale et du monde, conduisent à de nouveaux affrontements. Ils les anticipent autant qu’ils le peuvent, et en tout cas se donnent les meilleurs atouts pour y faire face.
Il n’est pas besoin de leur expliquer que l’époque du stade suprême de l’impérialisme a laissé la place à un capitalisme mondialisé financiarisé dont ils ont été, au moment Thatcher-Reagan, la force motrice par la guerre et le dollar. Ils ont bien conscience des changements des rapports de force qui les obligent à une politique militariste offensive depuis la guerre d’Ukraine jusqu’à Taïwan et l’Asie en passant par le Moyen-Orient pour préserver leurs positions et celles de leurs alliés. Les dirigeants américains ont tous le même slogan America great again, ou America come back !
Ils savent très bien, Biden le premier, l’impopularité de cette politique aux USA-mêmes et dans le monde mais ils n’ont pas le choix du point de vue de la défense de leurs intérêts capitalistes. Le marché capitaliste, la concurrence, le prétendu libre-échange sont nécessairement combinés au militarisme et à la guerre. Le contenu de la mondialisation, c’est la mondialisation de la concurrence, du capital et du marché à un niveau jamais atteint qui a vu l’émergence de nouvelles puissances mondiales, régionales, locales. La mondialisation a entraîné tous les peuples dans cette folle sarabande mortelle sauf de rompre avec la logique du rapport de force qui régit les relations internationales, de lui déclarer la guerre de classe, sociale, politique, économique.
La tragédie sanglante du peuple palestinien donne à voir aux exploités et aux dominés du monde entier les atrocités auxquelles peuvent se livrer les classes dominantes quand elles considèrent que leurs intérêts sont menacés par la révolte ou l’existence même de celles et ceux auxquels elles imposent leur sinistre domination. Atrocités et aussi les mensonges, l’hypocrisie qui prétendent les justifier au nom d’une insupportable morale de classe qui nie jusqu’à l’humanité même de celles et ceux qu’elles oppriment dont le nazisme fut l’aboutissement le plus achevé.
La défense des droits des Palestiniens ne peut être la seule affaire des Palestiniens recevant la solidarité dite anti-impérialiste qui dénonce et alerte mais est bien impuissante à combattre l’ennemi là où nous le pouvons, ici. Notre propre bourgeoisie est un des facteurs déterminants au sein du camp dit occidental qui a fait d’Israël sa place forte militaire au Moyen Orient.
Le mot d’ordre l’ennemi principal est dans notre pays prend sa pleine dimension internationaliste au sens où la réponse à tous les drames auxquels l’humanité est confrontée passe par la contestation révolutionnaire de la domination capitaliste mondialisée. Pour le bien être, la paix, la démocratie, les droits de peuples, les prolétaires du monde entier n’ont pas d’autre choix que de mener en toute lucidité leur propre combat pour le socialisme.
Yvan Lemaitre