Ces jours derniers, les frappes russes ont repris sur plusieurs villes d’Ukraine, tuant chaque nuit des dizaines d’habitants et détruisant immeubles et infrastructures tandis que l’armée russe et les supplétifs du sinistre groupe Wagner sont sur le point de prendre la ville de Bakhmout, dans le Donbass. La guerre déclenchée il y a un an par Poutine continue à semer la mort et la désolation, un carnage et un chaos absurdes dont les peuples, ukrainien principalement mais aussi russe, sont les premières victimes. L’intensification de la guerre en Ukraine, les menaces des États-Unis promettant à la Chine « de graves conséquences » dans le cas où elle fournirait des armes à la Russie dans le même temps qu’ils apportent un soutien militaire croissant à Taïwan font planer la menace d’une extension voire d’une généralisation de la guerre.

L’anniversaire du début de l’offensive meurtrière de Poutine, le 24 février dernier, a été l’occasion d’un redoublement de la propagande officielle ayant cours dans les pays occidentaux qui, au nom d’une solidarité légitime avec la population ukrainienne victime de la violence guerrière exercée par l’armée russe, vise à justifier l’intervention accrue dans le conflit des Etats-Unis et de leurs alliés de l’Otan, dont la France, et à occulter leurs responsabilités dans les événements qui ont conduit à la guerre. Il s’agit de créer un consensus, une union nationale, en soutien à la politique passée et à venir de la première puissance mondiale, de la France dont les classes populaires doivent et devront payer le prix.

Toute la gauche s’aligne d’une façon ou d’une autre sur cette opinion officielle, le récit des Etats-Unis, de l’Otan, relayé ici par Macron et amplifié par les médias. Y compris une partie du mouvement révolutionnaire dont le NPA de Besancenot-Poutou, laisse la porte ouverte à bien des confusions. Tout en dénonçant la longue histoire des « turpitudes de l’impérialisme dominant et des puissances occidentales alliées » ainsi que « leur responsabilité historique dans la concurrence marchande généralisée qui pousse aux guerres », celui-ci, dans un communiqué du 22 février dernier, prend argument de la « défense du droit des peuples à résister à l’agression » pour rejoindre le camp de celles et ceux qui présentent la guerre comme « une lutte de libération nationale et démocratique » et ainsi, au nom du droit du peuple ukrainien à s’armer, légitime avec plus ou moins de confusion la politique de Zelensky et refuse de considérer les USA et leurs partenaires dans l’alliance militaire qu’est l’Otan, comme des puissances belligérantes.

« Et cela ne nous empêche pas de renforcer notre dénonciation du réarmement global dans le monde, ni des ventes d’armes de Macron faites aux dictatures », poursuit le communiqué.

Plutôt que de comprendre les rapports géostratégiques qui ont conduit à la guerre d’un point de vue de classe, de formuler une politique du point de vue des travailleurs, ces camarades jugent et dénoncent. Il y a le mal, l’agression odieuse de Poutine, le bien, la résistance des Ukrainien·e·s, et malheureusement, les vieilles grandes puissances impérialistes qui prétendent faire le bien alors qu’elles sont le mal.

Comprendre la nature de cette guerre, de ses origines et de ses évolutions possibles n’est en rien une question de morale ou de bonne conscience. C’est une question historique, sociale, une question de classe et c’est bien de ce point de vue qu’il nous faut analyser la situation pour formuler une politique. Cela implique de comprendre et de dénoncer le rôle des USA et de l’Otan dans les enchaînements qui ont conduit à la guerre, qui en déterminent la nature et en conditionnent les évolutions, prendre en compte le fait qu’ils mènent une guerre par procuration contre la Russie. Tout autre attitude laisse la place à la confusion et paralyse la critique sérieuse de notre propre bourgeoisie comme de la militarisation croissante à l’échelle internationale, conséquence du développement actuel du capitalisme mondialisé et pas seulement de la soif de profits des marchands de canon.

Pour éclairer la discussion, il est utile de revenir sur la méthode utilisée par les marxistes dans le passé pour se positionner face à la question de la guerre, de nous réapproprier le contenu politique de notre tradition révolutionnaire.

Lénine contre le social-chauvinisme et la théorie de l’instigateur

Aujourd’hui, pour les révolutionnaires, et au-delà, la Première guerre mondiale est comprise comme une guerre impérialiste pour le repartage du monde et la possession des colonies. On oublie souvent que ce n’était l’opinion que d’une infime minorité de révolutionnaires en août 1914, à partir du moment où la guerre a éclaté et que dans chaque pays, la mobilisation générale a été décrétée. L’écrasante majorité des dirigeants sociaux-démocrates et anarcho-syndicalistes, des chefs prestigieux du mouvement ouvrier, a alors basculé dans l’union sacrée avec sa propre bourgeoisie, reniant la position officielle de la IIème internationale, adoptée au congrès de Bâle en 1912, contre la guerre qui s’annonçait.

Les révolutionnaires restés fidèles à leur camp social, aux idées socialistes et internationalistes, prirent position immédiatement dès le déclenchement de la guerre, dès août 1914, contre l’union sacrée malgré la censure et la répression. En mai 1915, Lénine publia une brochure intitulée La faillite de la IIème Internationale, dans laquelle il passait au crible de sa critique les raisonnements par lesquels les chefs socialistes avaient justifié leur passage au chauvinisme, en particulier Plekhanov qui avait introduit le marxisme en Russie, et Kautsky, théoricien reconnu du parti social-démocrate allemand et analysait les phénomènes sociaux qui avaient conduit à l’intégration de ces partis à l’ordre bourgeois. Une démarche indispensable pour s’affranchir de l’opinion ultra-dominante et garder le cap du combat révolutionnaire.

« Essayons de caractériser les principales positions du social-chauvinisme », écrit Lénine, qui fustige ainsi celle de Plékhanov : « La plus primitive de toutes, peut-être, est la théorie de l'"instigateur".

Nous avons été attaqués, nous nous défendons : les intérêts du prolétariat exigent qu'une résistance soit opposée aux perturbateurs de la paix européenne. C'est répéter les déclarations de tous les gouvernements et les déclamations de toute la presse bourgeoise et vénale du monde. »

Et plus loin, où on voit que Plékhanov ne raisonne plus en marxiste, du point de vue des intérêts de la classe ouvrière : « On ne voit pas chez lui la moindre tentative d'aborder l'histoire économique et diplomatique ne serait-ce que des trente dernières années ; or, cette histoire montre de façon irréfutable que c'est précisément la mainmise sur les colonies, le pillage des terres d'autrui, l'évincement et la ruine d'un concurrent plus heureux qui ont été le pivot central de la politique des deux groupes de puissances actuellement en guerre. »

Ces deux groupes de puissances étaient d’une part celles regroupées derrière la Grande Bretagne, maîtresse du monde, à la tête de l’empire colonial le plus étendu, et la France qui maintenait dans l’esclavage colonial une grande partie de l’Afrique et la péninsule indochinoise et d’autre part l’Allemagne, arrivée plus tard dans la course pour accaparer des colonies et qui remettait en cause le partage déjà existant.

Le monde a considérablement changé depuis l’époque de Lénine, mais il est toujours aussi indispensable de le comprendre, en suivant la même méthode, qui suppose d’« aborder l’histoire économique et diplomatique ne serait-ce que des trente dernières années », pour saisir quels intérêts sont en jeu dans les guerres actuelles. Dans la guerre en Ukraine, l’agresseur est sans aucun doute possible la Russie de Poutine, mais les causes sérieuses et profondes de la guerre sont le résultat de l’évolution des rapports de force à l’œuvre depuis l’effondrement de l’URSS, d’une politique offensive de l’Otan, bras armé des USA, contre la Russie et d’une accentuation de la concurrence pour l’accaparement des richesses naturelles et du travail humain sous le règne du capitalisme financier mondialisé, en particulier depuis la crise de 2007-2008.

Encore Lénine contre « le prétexte de l’intérêt national »

Pour revenir à Lénine, il s’attaque dans la même brochure à l’avilissement du marxisme par Kautsky pour justifier son ralliement à la guerre. Après avoir écrit en octobre 1914 que « Tous [les socialistes de tous les pays] ont le droit et le devoir de défendre leur patrie ; l'internationalisme véritable consiste à reconnaître ce droit aux socialistes de toutes les nations, y compris les nations en guerre avec la mienne... », recommandant autrement dit aux travailleurs des deux camps de se tirer les uns sur les autres, Kautsky découvrit au cours de l’année 1915 que la guerre était « encore nationale », au sens d’une lutte de libération nationale. De fait, la guerre avait été déclenchée par l’attentat terroriste d’un jeune nationaliste serbe contre le prince héritier de l’Empire d’Autriche-Hongrie.

Ce à quoi Lénine répondait : « L'élément national dans la guerre actuelle est représenté seulement par la guerre de la Serbie contre l'Autriche [...]. C'est seulement en Serbie et parmi les serbes qu'il existe un mouvement de libération nationale datant de longues années, embrassant des millions d'individus parmi les "masses populaires", et dont le "prolongement" est la guerre de la Serbie contre l'Autriche. Si cette guerre était isolée, c'est-à-dire si elle n'était pas liée à la guerre européenne générale, aux visées égoïstes et spoliatrices de l'Angleterre, de la Russie, etc., tous les socialistes seraient tenus de souhaiter le succès de la bourgeoisie serbe […] Pour la Serbie, c'est-à-dire pour environ un centième des participants à la guerre actuelle, celle-ci est le "prolongement de la politique" du mouvement de libération bourgeois. Pour 99 pour cent, la guerre est le prolongement de la politique de la bourgeoisie impérialiste, c'est-à-dire caduque, capable de dépraver des nations, mais non de les affranchir. »

De nombreux peuples en Europe subissaient alors le joug des empires russe, austro-hongrois et turc ou des puissances impérialistes. La paix des vainqueurs de la guerre, le Traité de Versailles, outre qu’elle saigna l’Allemagne, entreprit de charcuter les anciennes possessions des vaincus, Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, sans jamais donner la parole aux peuples eux-mêmes.

Le traité de Versailles, créateur d’Hitler et cause de la deuxième guerre mondiale

Lénine présentait ainsi la situation du monde après la fin de la guerre en 1920, au 2ème congrès de l’Internationale communiste, dans son « Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales de l’IC ».

« On s'est battu pour un nouveau partage du monde, on s'est battu pour savoir lequel de ces groupes infimes de grands Etats, l'anglais ou l'allemand, aurait la possibilité et le droit de piller, d'opprimer, d'exploiter la terre entière. Vous savez que la guerre a tranché cette question au profit du groupe anglais. Mais elle n'a fait qu'exaspérer à l'extrême toutes les contradictions capitalistes. […] Le traité de Versailles a placé l'Allemagne et toute une série d'Etats vaincus dans des conditions qui rendent matériellement impossible leur existence économique, les privent de tous droits et les humilient. »

Hitler et le parti nazi purent exploiter les ressentiments et la haine nés de cette situation issue de l’échec de la révolution allemande trahie et désarmée par la social-démocratie, écrasée en 1919. Leur arrivée au pouvoir en 1933 avec le soutien et la bénédiction des groupes capitalistes allemands fut la conséquence directe du Traité de Versailles.

Trotsky, en octobre 1938, tirait dans sa brochure Après Munich, une leçon toute fraîche sur le caractère de la guerre prochaine, les leçons de la crise des Sudètes, prélude de la guerre à venir. Cette région peuplée d’Allemands qui avait été rattachée au jeune État tchécoslovaque créé en 1919 par les vainqueurs de la guerre venait d’être annexée par Hitler.

« Le résultat de cette victoire fut la Paix de Versailles qui avait bien sûr coûté des millions de vies, mais qui devait établir une fois pour toutes sur cette terre le règne de la démocratie, le libre développement des nations et la coopération pacifique des peuples sur la base du désarmement général. [...].

Le Paradis sur terre ne s'est cependant pas matérialisé mais à sa place quelque chose qui ressemblerait plus à l'Enfer. La Paix de Versailles étrangla l'Europe. Le protectionnisme étrangla l'économie. La guerre "pour la démocratie" ouvrit l'ère de la dégénérescence finale de la démocratie. Le monde s'appauvrit et se referma sur lui-même. L'un après l'autre, les États prirent le chemin du fascisme ou de la dictature militaire. Les relations internationales devinrent de plus en plus menaçantes. Le désarmement fut remplacé par des programmes militaristes qui eussent été des cauchemars à la veille de la guerre précédente. Les premières escarmouches des futurs conflits sanglants sont apparues en divers endroits du monde. »

Trotsky reprend la même méthode d’analyse marxiste après Munich

Après la victoire du fascisme alors que la marche à la guerre s’accélérait, les révolutionnaires internationalistes marxistes avaient été réduits à une minorité, pourchassée, par la contre-révolution bureaucratique dirigée par Staline pour protéger les intérêts de la nouvelle caste privilégiée apparue en URSS aux lendemains de la révolution russe et de l’échec de la révolution européenne. En 1924, Staline avait fait du « socialisme dans un seul pays » la doctrine officielle de l’URSS contre la perspective d’une révolution internationale. Le marxisme était rabaissé à une idéologie d’État utilisée pour justifier la politique répondant aux intérêts de la bureaucratie.

Trotsky écrivait au tout début de la brochure déjà citée (Après Munich, une leçon toute fraîche sur le caractère de la guerre prochaine) : « Vingt ans après la dernière guerre impérialiste mondiale qui a complètement détruit toutes les illusions "démocratiques", les dirigeants du Kominterm essayent de prouver que le monde capitaliste a radicalement changé de nature, que l'impérialisme n'est plus le facteur décisif de notre planète, que les antagonismes mondiaux ne sont pas déterminés par les intérêts prédateurs du capital monopoliste mais par des principes politiques abstraits et que le prochain massacre des peuples sera une guerre défensive de la part des démocraties innocentes et pacifiques contre les "agresseurs fascistes". »

Craignant plus que tout la révolution, Staline avait cherché dans l’alliance avec les régimes parlementaires bourgeois une protection contre l’Allemagne de Hitler. Quelques mois plus tard, il faisait volte-face et s’alliait avec… Hitler lui-même.

De quoi désorienter, jusqu’au désespoir, les nombreux militants ouvriers qui avaient suivi le dernier tournant de l’Internationale stalinienne du soutien aux démocraties contre le fascisme. D’où la nécessité, comme dans les guerres présentes, de ne pas se laisser prendre au piège des justifications idéologiques avancées par les deux camps en guerre, démocratie contre fascisme ou « dictature », mais de comprendre les intérêts réels en jeu.  

Le 5 septembre 1939, quelques jours après la signature de ce pacte germano-soviétique entre Staline et Hitler, Trotsky écrivait dans un article intitulé Guerre impérialiste, classe ouvrière et nations opprimées :

« Les tentatives pour présenter la prochaine guerre comme une guerre entre démocraties et fascisme ont été secouées par la marche réelle des événements. La guerre actuelle que ses participants ont commencé à préparer avant même la signature du traité de Versailles a surgi des contradictions inter-impérialistes. Elle était aussi inévitable que la collision de deux trains lancés à la rencontre l’un de l’autre sur les mêmes rails.

Les principaux antagonistes sur le continent européen sont France et Allemagne. Dans la lutte pour l’hégémonie en Europe et pour ses colonies, la France a essayé de maintenir l’Allemagne (pas l’Allemagne fasciste, l’Allemagne démocratique) dans la division et la faiblesse. En ce sens, l’impérialisme français a été l’accoucheur du national-socialisme allemand. L’Angleterre au contraire, qui avait intérêt à briser l’hégémonie française en Europe et ses prétentions internationales, a commencé, aussitôt après Versailles, à soutenir Berlin contre Paris : Le réarmement de l’Allemagne nazie eût été impossible sans l’aide directe de l’Angleterre. Ainsi les antagonismes, camouflés mais profonds, entre les démocraties ont-ils constitué un tremplin pour Hitler.

A Munich, l’Angleterre a soutenu Hitler dans l’espoir qu’il se contenterait de l’Europe centrale. Mais, quelques semaines plus tard, l’Angleterre s’est aperçue que l’Allemagne luttait pour la domination mondiale. Dans son rôle de puissance colonisatrice mondiale, la Grande-Bretagne ne pouvait manquer de répondre par la guerre aux prétentions sans limites de l’Allemagne.

Des machinations diplomatiques jonglant avec la formule «démocratie contre fascisme» non plus que les sophismes sur la responsabilité ne peuvent nous faire oublier que la lutte oppose les esclavagistes impérialistes de différents camps pour un nouveau partage du monde.[..] En conséquence, je ne vois pas la moindre raison de changer les principes par rapport à la guerre tels qu’ils ont été élaborés entre 1914 et 1917 par les meilleurs représentants du mouvement ouvrier sous la direction de Lénine. La guerre actuelle est réactionnaire des deux côtés. Quel que soit le camp qui l’emporte, l’humanité sera rejetée loin en arrière. »

Les marxistes face à la guerre et la menace de sa mondialisation à l’époque du capitalisme financiarisé mondialisé

Ces exemples du passé nous fournissent une méthode de raisonnement pour aborder le monde d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de calquer la situation actuelle sur la situation de l’époque impérialiste, des deux premières guerres mondiales mais de comprendre l’évolution des rapports de force entre les Etats et entre les classes qui a conduit à la situation actuelle du point de vue de classe, du socialisme.

Le temps des colonies, de l’administration directe par quelques puissances européennes sur les autres continents est aujourd’hui révolu. La vague des révolutions anticoloniales qui ont suivi la deuxième guerre mondiale jusque dans les années 1980 y a mis fin. L’impérialisme américain est sorti grand vainqueur de la deuxième guerre mondiale, et le capitalisme a connu une nouvelle période de croissance grâce -si on peut dire- aux destructions énormes de la guerre en Europe et en Asie.

Face à la baisse des taux de profits, les trusts et leurs Etats ont lancé dès la fin des années 1970 l’offensive de la mondialisation capitaliste pour abattre toutes les barrières qui faisaient obstacle à la libre circulation des capitaux et à leur valorisation. Celle-ci a abouti au règne mondialisé du capital sous la domination incontestée des Etats-Unis, puis à l’émergence de nouvelles grandes puissances dont la Chine et l’Inde, en particulier. Au point que la domination incontestée des Etats-Unis, seule grande puissance mondiale au début des années 90, après l’effondrement de l’URSS, se trouve être concurrencée aujourd’hui et à terme menacée.

Dans le contexte de la crise d’accumulation que connaît le système capitaliste sénile, l’impossibilité d’assurer le flux de profits indispensable au système financier, à sa survie même, autrement que par une surexploitation des êtres humains et de la nature au prix d’une régression sociale sans précédent, toutes les sources de matières premières et toutes les activités sociales qui peuvent être rentabilisées sont l’objet d’une concurrence généralisée et exacerbée.

Le développement du capitalisme financiarisé mondialisé a exacerbé la concurrence, la guerre économique s’accentue sous la pression des USA face en premier lieu à la Chine. Cette exacerbation de la concurrence nourrit le militarisme et les guerres dont la guerre en Irak fut le premier jalon. Dans leur lutte acharnée pour défendre leur leadership mondial, les USA et l’Otan sont devenus le principal facteur d’instabilité et de guerre.

Leur politique vis à vis de la Russie devenue capitaliste en est une des manifestations. Leur déclaration prétendant intégrer la Russie dans les échanges avec le monde occidental s’est traduite par le pillage de son économie comme de celle des pays de l’Est ou de l’Ukraine par l’intermédiaire des oligarques dans le même temps que l’Otan se déployait à ses frontières.

Poutine et sa folie grand russe sont nés de cette offensive du capitalisme occidental. Flattant le nationalisme face aux humiliations de l’occident, Poutine et sa dictature ont pu s’imposer contre les travailleurs et les peuples de Russie. L’escalade dans le jeu des rapports de force a débouché sur la guerre dès 2014 puis l’offensive réactionnaire du 24 février 2022.

Poutine est certes l’agresseur mais ses crimes ne sauraient masquer ceux des maîtres du monde qui sont prêts à tout pour sauver leur domination, pas plus que ceux de leurs vassaux, les Macron et autres.

Fermer les yeux sur le fait qu’ils mènent en Ukraine une guerre par procuration qui dévoie la révolte contre l’agression russe des Ukrainien·e·s en achetant ses dirigeants, en faisant de l’Ukraine leur position armée, c’est fermer les yeux sur l’impossibilité de trouver une issue à cette guerre réactionnaire étrangère à toute lutte de libération nationale sans l’intervention directe des travailleurs non seulement en Russie mais aussi en Ukraine et ici.

Quelle paix démocratique pour les peuples ?

Et c’est bien là le fond de la discussion. Ne pas comprendre les origines de la guerre empêche de voir quelle pourrait en être l’issue. Ne pas comprendre la responsabilité des vieilles puissances occidentales dans ce recul barbare que la guerre représente, c’est ne pas comprendre qu’elle n’a pas d’issue dans le cadre du capitalisme financiarisé mondialisé pas plus que la guerre d’Israël contre le peuple palestinien, que la guerre en Irak, celle de Syrie dont elle est d’une certaine façon la continuité.

Mais alors que faire concrètement ? Comme si les propagandistes qui masquent la réalité faisaient quoi que ce soit de concret si ce n’est justifier la politique des vieilles puissances impérialistes en la voilant de bons sentiments hypocrites, en masquant le fait que Biden and Co instrumentalisent les populations d’Ukraine à leur propre fin, la défense de leur domination. Qu’ils justifient la militarisation du monde avec comme cible Taïwan et la Chine. Qu’ils justifient la politique de notre bourgeoisie cherchant à sauver la place qu’il lui reste dans le monde.

Nous avons certes peu de moyens d’intervenir. Notre propos n’est pas de dire aux travailleurs russes ce qu’ils doivent faire ni à ceux d’Ukraine, si ce n’est que le nationalisme est un piège sanglant, d’apporter notre solidarité internationaliste.

Mais surtout nous devons nous définir sans la moindre ambiguïté vis à vis de notre propre bourgeoisie et de son État, eux-aussi engagés dans la guerre. L’ennemi est dans notre propre pays.

La victoire d’une Ukraine armée, financée, dirigée par les USA et l’Otan est bien incapable d’apporter une paix démocratique qui respecte les aspirations des peuples sans compter qu’elle pourrait signifier un engagement sur le terrain de l’Otan avec les terribles enchaînements que cela pourrait provoquer dont l’usage de l’arme nucléaire.

L’Ukraine, celle de Zelensky et des oligarques qui ont pillé à leur profit le pays après l’effondrement de l’URSS, c’est celle de l’Union européenne ou des multinationales américaines et européennes qui voudraient la piller, exploiter ses riches terres agricoles selon les lois du droit international, celles du capitalisme financier mondialisé, d’une exploitation sans frein mais aux apparences moins maffieuses.

Une libération nationale et démocratique ne peut venir que de la prise du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes en Ukraine, du renversement de Poutine en Russie par la population, de la fraternisation des peuples pour construire une fédération d’États socialistes.

Dans cette bataille, notre positon est de combattre la propagande de notre propre bourgeoisie, son implication dans la guerre dont elle veut faire payer les frais au monde du travail. Elle est de développer une solidarité internationaliste vis à vis de toutes celles et ceux qui en Russie mais aussi en Ukraine refusent le nationalisme et la guerre.

Galia Trépère

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