Après l’investiture de Trump-Musk, le 20 janvier, l’accentuation de la guerre commerciale, l’annonce du projet des USA et d’Israël de déporter plus de deux millions de Palestiniens vers l’Égypte et la Jordanie avant de suspendre l’approvisionnement de Gaza, le tournant américain dans la guerre par procuration d’Ukraine suivi du réarmement à marche forcée de l’UE marquent un tournant dans la crise globale du capitalisme, un basculement du monde.  

La violence cynique des agressions politiques, sociales, diplomatiques et militaires de Trump déroute mais elle est dans la continuité, quant au fond, de la violence hypocrite de Biden et de l’Otan justifiant le génocide du peuple palestinien au nom du droit d’Israël de se défendre ou accusant d’antisémitisme celles et ceux qui le dénoncent ou justifiant leur guerre par procuration contre la Russie au nom du droit des nations à disposer d’elles-mêmes.

Aujourd’hui, la violence de Trump contre Zelensky ainsi que l’annonce du gel de l’aide américaine visent à faire plier ou mettre sur la touche celui qui s’était fait le champion militariste de l’Occident contre la Russie sacrifiant son peuple aux intérêts des vieilles puissances impérialistes, désormais obstacle sur le chemin des négociations avec le tyran Poutine qu’ont choisies les USA qui s’apprêtent à dépecer l’Ukraine. Zelensky n’a pas eu le choix que de céder à l’ultimatum pour « arranger les choses » et « travailler sous le leadership puissant du président Trump pour obtenir une paix durable ».

Quant à Macron, pour mieux justifier sa politique militariste de réarmement et les sacrifices qu’il veut imposer au monde du travail tout en cherchant à préserver son alliance avec Trump, il dénonce le fantasme de la menace que la Russie ferait peser sur l’Europe. Il s’affirme européen et patriote, chef de guerre et pacifiste !

Le brusque revirement de Trump met à nu la politique des classes capitalistes, la loi du plus fort qui régit les rapports entre les classes et les nations. Il ouvre les yeux de millions de travailleur·es sur la nature de la démocratie bourgeoise, simple paravent de la dictature du capital et de son Etat. Il les aide à déchiffrer la lutte de classe derrière les discours lénifiants et mensongers, les formules creuses vidées de tout contenu de classe et historique comme le droit des nations à disposer d’elles-mêmes dont la propagande impérialiste a usé et abusé et qui visent à soumettre ou endormir les consciences. Il crée ainsi le terrain aux prises de conscience qu’il n’y a pas d’autres voies pour empêcher la catastrophe où conduit le capitalisme que l’intervention directe des classes exploitées et opprimées, le socialisme.

Dans la période de grande confusion que nous connaissons où l’intégration de la gauche syndicale et politique à l’ordre capitaliste désarme le monde du travail, nous avons devant nous un indispensable travail d’explication pour aider les travailleur·es à trouver leur boussole de classe, à combattre toute union nationale, à prendre leurs affaires en main. Comprendre la politique des classes dominantes, le contenu du basculement que nous connaissons, l’impasse du capitalisme et les perspectives révolutionnaires qu’ils ouvrent est indispensable pour avoir une politique, une orientation pour les mobilisations et les luttes, une stratégie pour changer le monde.

L’offensive commerciale, financière, technologique et militaire des USA, facteur déterminant de la crise globale du capitalisme sénile

« Nous ne faisons que commencer », a asséné Trump dans son discours devant le congrès, les Etats-Unis sont « sur le point de connaître un retour en force comme le monde n’en a jamais connu et n’en connaîtra peut-être jamais plus ».

Au-delà de la forme, des rodomontades et des provocations, du mépris des travailleurs et des peuples, du racisme et de la xénophobie, du masculinisme, Trump est l’expression d’un phénomène profond qui menace l’avenir même de la société, la faillite du mode de production capitaliste confronté à ses propres limites économiques, sociales, humaines, écologiques.

Trump est le symbole de la fusion croissante du pouvoir politique et des milliardaires de la high tech, des fonds spéculatifs et des multinationales de l’énergie, il est le produit et l’acteur de l’offensive réactionnaire du capitalisme financiarisé et mondialisé qui s’est développée contre le monde du travail et les peuples, contre la nature pour maintenir la croissance des profits.

Le capitalisme mondial est, en fait, entré dans une longue phase de stagnation du fait de sa maladie chronique, la crise d’accumulation, c’est à dire l’incapacité de tirer de l’exploitation suffisamment de plus-value, de profit, pour nourrir les appétits sans limite de la masse de capitaux sans cesse en expansion.

Les financiers et les États tentent de sauver le malade en le plaçant sous perfusion par la politique d’argent bon marché et de la dette qui subventionne les profits, par l’inflation, par une exploitation toujours plus féroce du travail et de la nature, en développant une économie de prédation, en accentuant la concurrence mondialisée dont la guerre et la militarisation sont des agents économiques indispensables.

Les inégalités se creusent alors que se concentrent de plus en plus de richesses entre quelques mains de rapaces parasites.

La crise écologique de plus en plus destructrice est l’expression de la faillite du capitalisme.

La guerre déclarée par les USA aux peuples et aux travailleurs ainsi qu’aux nations alliées ou rivales, le protectionnisme combiné au militarisme conduisent inévitablement à une exacerbation des contradictions qui minent le capitalisme. Elle entretient une instabilité économique et politique internationale qui prépare un krach voire une récession majeure, mondialisée, un effondrement politique des classes dirigeantes et la possibilité pour le prolétariat d’engager un processus révolutionnaire international.

Face à la guerre commerciale et militaire vers l’affrontement mondialisé entre le capital et le travail

Les vieilles puissances impérialistes occidentales se trouvent soumises à la concurrence des anciens pays coloniaux qui, après avoir conquis l’indépendance nationale, ont intégré le marché mondial. Elles ont perdu de façon irréversible leur hégémonie mondiale, ce à quoi, aveugles, elles se refusent en menaçant la planète d’une mondialisation de la guerre. La possibilité d’un cessez-le feu dans la guerre d’Ukraine ne représente en rien un coup d’arrêt à leur offensive militariste qui menace de s’étendre avec en toile de fond la guerre commerciale contre la Chine et les pays des BRICS.

Trump prétend vouloir négocier la fin de la guerre avec Poutine, il ne cherche qu’à établir un rapport de force de la même façon que le cessez le feu à Gaza n’est qu’une trêve dans une guerre sans fin.

Trump veut « la paix par la force », c’est à dire la paix par la guerre pour perpétuer la domination des USA sur le monde, la pax americana !

Derrière bien des indignations et protestations face au mépris ostensible de Trump pour Zelensky et l’Ukraine et malgré leur volonté affichée d’affirmer leur indépendance vis à vis des USA, la plupart des dirigeants de l’UE et de Grande Bretagne se sont, en fait, ralliés à sa politique « de paix » pour accélérer leur réarmement ainsi qu’il le leur demandait et prendre en charge « la sécurité » de l’Europe et de l’Ukraine contre la Russie.

Leur propagande pour la paix est une justification de la course aux armements pour préparer la guerre !

Les discours lors du débat à l’Assemblée nationale et les velléités de construire « l’Europe de la défense » restent, à ce stade, dans le cadre de l’Otan et de l’alliance avec les USA. Cette vassalisation souligne les difficultés des bourgeoisies européennes, celle de la bourgeoisie française, vieilles bourgeoisies colonialiste, à dépasser leur rivalités, incapables d’affronter les évolutions de leur propre système.

L’Europe ne pourra devenir un facteur de paix que si les travailleur.es s’allient par-delà les frontières pour construire les Etats-Unis socialistes d’Europe. La reconnaissance des droits du peuple palestinien ne pourra être réalisée que dans une fédération socialiste des peuples du Moyen-Orient. La fin de la guerre fratricide entre la Russie et l’Ukraine, une paix démocratique, ne peut résulter que de la fraternisation des travailleurs contre leurs dirigeants. Ici, la lutte pour la paix est une lutte contre notre propre bourgeoisie.

Pas un euro, pas une arme, pas un homme pour leurs guerres !

La marche à la faillite du capitalisme ou la possibilité et la nécessité de l’émergence d’un « ordre économique et social supérieur »

L’évolution du capitalisme mondialisé et financiarisé nous entraîne vers une catastrophe du fait que l’économie ne fonctionne que pour satisfaire la soif insatiable de profit de la masse de capitaux concentrés entre les mains d’une oligarchie de milliardaires parasites.

Le pouvoir de cette oligarchie montre sans fard son visage là où elle concentre le plus de richesses, aux USA, le visage du capitalisme sénile avec son cortège de violence anti-ouvrière, anti-migrants, raciste, masculiniste, nationaliste, impérialiste et climatosceptique.

Il révèle l’absurdité et la folie de ce système fondé sur la propriété privée financière et la concurrence, sa faillite. Miné par ses contradictions, le capital est nu. La propriété privée capitaliste ruine les possibilités de développement humain que permettraient les progrès scientifiques et techniques, les retourne contre l’homme et la nature qu’elle menace d’une catastrophe économique, sociale, écologique voire nucléaire.

La crise sociale et politique à laquelle nous sommes confrontés ici obéit aux mêmes causes, l’offensive de la classe capitaliste et des politiciens qui la servent contre le monde du travail pour faire face à la concurrence et sauver leurs profits, leur domination, repousser le krach.

Lénine voyait dans le capitalisme à son stade impérialiste « la transition du régime capitaliste à un ordre économique et social supérieur ». Les rapports de force entre les classes, le développement insuffisant du prolétariat en particulier dans l’URSS arriérée mais aussi dans le monde laissèrent l’initiative à la réaction fasciste et à la contre-révolution stalinienne. Aujourd’hui, la révolution permanente a accompli son travail pour créer les conditions de l’avènement de ce nouvel ordre social et économique, le socialisme et le communisme.

Contre la montée de l’extrême droite et la menace de dictatures populistes un programme de de classe internationaliste

Ici et dans toute l’Europe, l’accentuation de l’exploitation et des inégalités, de l’injustice, la régression sociale au profit de la finance sont les moteurs de la crise des institutions de la démocratie bourgeoise qui nourrit la montée de l’extrême droite et, sous la pression du militarisme, la menace de dictatures populistes.

La gauche gouvernementale, prisonnière des jeux parlementaires et minée par les ambitions rivales, ne représente, pas plus que dans son passé de reniements, de perspective.

Les directions syndicales sont, elles, plus que jamais prisonnières du dialogue social et s’intègrent à la politique de la bourgeoisie.

L’Allemagne est confrontée à la même logique destructrice dans la tourmente de la crise capitaliste. La rupture au sein de la coalition au pouvoir autour du SPD a profité, lors des élections fédérales du 23 février, à la droite de la CDU-CSU et permis à l’extrême-droite, l’AfD, de doubler ses voix pour réaliser 20,8 % des voix. Le sursaut de Die Linke avec 8,8 % des voix, s’il exprime une mobilisation de la jeunesse, ne représente aucune perspective. De la même manière qu’en France, l’improbable coalition qui se constituera autour de Merz ouvrira, sous la pression de la concurrence économique et de la guerre, la route à l’AfD.

Nous ne connaissons pas les rythmes de l’histoire mais nous savons que la marche à la faillite du capitalisme ne peut trouver d’issue que dans l’affrontement entre le travail et le capital, socialisme ou barbarie.

La question des salaires et des retraites, du chômage et de la précarité, du droit de toutes et tous à la libre circulation et la libre installation, la question des services publics, de la santé et de l’éducation, de la démocratie, du droit des femmes et de l’égalité entre les sexes, des droits des LGBTQI, la crise écologique ainsi que la menace de mondialisation de la guerre ne peuvent trouver de réponse dans le cadre de ce système fondé sur les rapports d’exploitation et de domination, la course à la rentabilité financière.

La question du pouvoir, qui dirige la société en fonction de quels intérêt sociaux, de classe est posée, soit la dictature fascisante du capital soit un pouvoir démocratique et révolutionnaire des travailleur.es.

Pour nous préparer aux affrontements annoncés, au processus révolutionnaire qui s’ouvre, le mouvement révolutionnaire a besoin de formuler une stratégie, un programme qui permette de dépasser ses divisions et faiblesses, de rassembler ses forces et de s’ouvrir largement sur le mouvement ouvrier et social, le mouvement des femmes, la jeunesse.

Il s’agit d’inscrire dans la vie du monde du travail, dans ses mobilisations et ses luttes, ses expériences une compréhension de l’évolution de la société et du mode de production dominant, le capitalisme, sur laquelle se fonde la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société, pourquoi elle est nécessaire et surtout possible.

Dépasser les divisions et le sectarisme du mouvement révolutionnaire en élaborant collectivement une orientation, une stratégie pour répondre aux besoins du monde du travail

Les trois congrès des principales organisations révolutionnaires qui se sont tenus en décembre et fin janvier, les congrès de Lutte ouvrière, de Révolution permanente et du NPA-Révolutionnaires sont indicatifs de nos difficultés. Les questions politiques essentielles, la compréhension que nous avons du nouveau stade de développement du capitalisme sénile, le capitalisme financiarisé mondialisé, du point de vue des perspectives révolutionnaires, c’est à dire la question de la renaissance du mouvement ouvrier révolutionnaire restent sans réponse.

Aucun des trois courants n’a même posé ces questions restant prisonnier du passé, d’une analyse caricaturée et mythifiée de l’impérialisme de Lénine ainsi que du programme de transition de Trotsky ou du mirage de la reconstruction de la IV, ni ne s’est soucié de le faire du point de vue d’une démarche s’adressant à l’ensemble du mouvement.

Le capital politique de Marx, Lénine Trotsky, Luxembourg dont tous se revendiquent n’a de sens que s’il est investi dans l’avenir, instrument et aide d’une élaboration nouvelle répondant aux besoins d’une époque nouvelle au lieu de le momifier dans des références dogmatiques qui servent à chaque fraction à justifier son existence séparée.

Un tel conservatisme sectaire devient au moment du basculement du monde que nous connaissons un obstacle sur le chemin de la construction d’un parti qui soit l’instrument des luttes et de l’émancipation, un parti démocratique, internationaliste, révolutionnaire qui redonne vie aux idées, reniées, trahies et caricaturées du socialisme et du communisme.

Sa construction ne peut être que l’œuvre collective des travailleuses et des travailleurs, des militant·es des différentes tendances ou fractions ou courants du mouvement ouvrier décidé·es à agir pour que le monde du travail se donne les moyens, l’instrument de son émancipation.

De ce point de vue, l’initiative des camarades de Révolution permanente à l’issue de leur congrès proposant à Lutte ouvrière et au NPA-R « l’ouverture d’un débat public », « d’explorer la possibilité de campagnes politiques communes » et « d’entamer une discussion sur la possibilité de fronts électoraux pour les prochains scrutins » est positive.

Nous sommes favorables et ouverts à ces discussions et devons nous y engager tout en précisant notre façon de voir, tant vis à vis des camarades de Lutte ouvrière que de RP, pour les inscrire dans la perspective de constituer un pôle des révolutionnaires.

Les discussions entre révolutionnaires ne sont pas des discussions entre petits appareils où chacun défend ses intérêts, cherche à mettre l’autre en difficulté mais bien des discussions sur ce qui devrait être notre priorité, rassembler nos forces pour contribuer à ce que les travailleur·es se donnent leur propre parti.  Elles supposent une volonté clairement énoncée de rompre avec les mises en demeure et autres accusations au profit de relations fondées sur le respect tant des idées que de la solidarité militante.

Nous nous considérons comme un courant du mouvement révolutionnaire, actrices et acteurs de toutes les luttes et révoltes qui n’ont pas d’intérêts différents de ceux de l’ensemble du mouvement ainsi que des différents mouvements de contestation du système capitaliste, de l’exploitation, des oppressions et des discriminations et veulent œuvrer à créer les conditions politiques de leur convergence.

Cette discussion ne doit pas se limiter à des rencontres entre directions mais implique l’ensemble des camarades. Elle ne saurait aussi se limiter au seul cadre de nos trois organisations. Elle concerne toutes celles et ceux qui se sentent partie prenante du combat contre le capitalisme et les forces réactionnaires pour changer le monde. Il s’agit de développer notre démarche au sein du mouvement social, de ses organisations, des luttes et des mobilisations, de créer là où ce serait possible des cadres ouverts de discussion sur les voies et moyens de se rassembler pour travailler ensemble à jeter les bases d’un parti des travailleurs, parti de l’émancipation qui ne pourra être l’œuvre que des travailleur.es eux-mêmes.

06-03-2025

Texte collectif de discussion au sein du NPA-R

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