La COP 29, conférence sur le climat sous l’égide de l’ONU, qui s’est réunie à Bakou, en Azerbaïdjan, ces deux dernières semaines, a affiché au grand jour son impuissance à faire quoi que ce soit pour ne serait-ce que ralentir le réchauffement climatique ou en prévenir les conséquences dramatiques.
Cette année a été la plus chaude jamais enregistrée, avec des catastrophes sans précédent : vagues de chaleur intense en Inde et au Moyen-Orient, crues dévastatrices en Chine, au Vietnam, en Afrique et en Europe ; incendies en Grèce, au Portugal, au Brésil.
Cela fait des années que les scientifiques alertent l’opinion, les gouvernements, les institutions internationales et recommandent de sortir des énergies fossiles dont l’exploitation et l’utilisation sont les principales responsables de l’émission des gaz à effet de serre.
D’ici à la fin du siècle, les températures risquent d’augmenter de 2,5°C par rapport à l’ère préindustrielle quand les accords de Paris en 2015, lors de la COP 21, se fixaient comme objectif une hausse de 1,5°C.
Mais de COP en COP, on est passé des vœux pieux aux faux semblants du capitalisme vert, un moyen de subventionner les multinationales et, aujourd’hui, à l’abandon assumé des préoccupations écologistes dans le chaos mondialisé créé par l’exacerbation de la concurrence capitaliste, le militarisme et la guerre.
La COP 29 siffle la fin des prétendues préoccupations écologistes
La COP 28 qui s’était réunie l’année précédente en Egypte avait accouché difficilement et comme par miracle d’une résolution sur la nécessité d’une « sortie progressive des énergies fossiles ». Ces déclarations communes qui n’engagent aucun Etat, chacun restant maître de sa « souveraineté », sont restées lettre morte, comme attendu. Le fait que la COP 29 se déroule en Azerbaïdjan, à Bakou, est en soi tout un programme. Le secteur du pétrole et du gaz constitue 64 % du PIB du pays et 90 % de ses recettes d’exportation (chiffres de 2021). Le président de la COP, ministre de l’écologie est un ancien cadre de la compagnie pétrolière azerbaïdjanaise SOCAR, qui est entre les mains, comme toutes les entreprises du pays, du dictateur Aliyev et de sa famille.
De nombreux chefs d’État et de gouvernement ont déserté la COP29, dont Macron d’abord puis sa ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier Runacher annulant sa visite au dernier moment parce qu’Aliyev, au début de la COP, avait critiqué à bon escient, démagogie de dictateur, la France et sa politique coloniale. Les tensions diplomatiques entre les deux pays se sont accentuées depuis que Macron et son gouvernement avaient apporté leur soutien à l’Arménie lors de l’intervention guerrière de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh en 2020 puis en 2023 au cours de laquelle 100 000 Arméniens avaient été chassés de chez eux.
Mais cela n’a pas empêché le PDG de Total-Energies, Patrick Pouyanné, de signer en 2023 un accord avec Aliyev pour l’exploitation d’un gisement de gaz en Azerbaïdjan. Une des suites de la visite officielle de Hollande, alors président, en Azerbaïdjan en 2014. De nombreux contrats avaient été signés avec des groupes capitalistes français, dont en premier lieu Total-Energies, Technip, Suez et des banques françaises. Et si de nombreux chefs d’État et de gouvernement ont déserté la COP, les lobbyistes des compagnies pétrolières étaient une fois de plus en nombre, au moins 1700.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui avait lancé en 2019 un appel pour arrêter tout nouveau projet d’exploitation, prédit que le pic de la demande en énergies fossiles aura lieu avant 2030. Mais dans son rapport annuel publié à la mi-octobre, elle reconnaît que la consommation de pétrole continue toujours d’augmenter. De 2 millions de barils par jour en 2023 pour atteindre un total de 99 millions de barils sur l’année. Cette augmentation est le double de la hausse moyenne entre 2010 et 2019.
« Le monde affronte des temps périlleux »
Cette phrase de Fatih Birol, le directeur général de l’AIE, en introduction de son rapport annuel, résume une perception de la situation mondiale largement partagée, instable, imprévisible, chaotique. Pour les multinationales, il s’agit de profiter de toutes les opportunités quasiment au jour le jour pour augmenter leurs profits et faire face à leurs concurrents. A la suite de la guerre d’Ukraine et des sanctions contre la Russie, puis de la guerre d’Israël au Moyen-Orient, la hausse des prix du pétrole et du gaz a poussé les compagnies pétrolières à multiplier les nouveaux projets d’exploration et d’exploitation de pétrole au Brésil, au Guyana, au Canada et jusque dans l’Arctique. Même chose pour le gaz naturel dont les prix élevés ont fait les affaires du Qatar et des USA et ont poussé à l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements.
Les compagnies pétrolières arguent aujourd’hui de la diminution de leurs bénéfices -toute relative d’ailleurs puisque, entre autres, Total a annoncé 9,8 milliards de dollars rien qu’au premier semestre 2024 et Shell 10,9 milliards- pour abaisser leurs objectifs de réduction de leur empreinte carbone.
L’heure n’est plus aux faux semblants écologistes. La COP 29 n’a même pas repris explicitement dans ses textes finaux l’appel à une « sortie progressive des énergies fossiles » de la COP 28.
Quant à la revalorisation de l’aide financière des « pays avancés » aux « pays du sud » pour leur transition énergétique qui était à son ordre du jour, elle est dérisoire au regard des besoins qui sont estimés à 1300 milliards. En 2009, les pays riches s’étaient engagés à fournir 100 milliards d’aide par an à partir de 2020, un objectif qui n’a été atteint qu’en 2022. A Bakou, ce sont 300 milliards par an qui sont promis d’ici à 2035, dont une partie à travers des financements privés, ce qui veut dire des prêts et de l’endettement. Et cela alors que ce sont les populations les plus pauvres du monde, plus de 3 milliards d’êtres humains, qui souffrent le plus des conséquences du réchauffement climatique, de la désertification des sols, de la montée du niveau des océans alors qu’elles ne sont que très peu responsables des émissions de gaz à effet de serre, 4 % seulement pour l’Afrique par exemple.
Comble du cynisme, ont été adoptées des règles sur les transactions de carbone qui permettront aux pays les plus riches d’acheter des crédits-carbone dans les pays plus pauvres, en y plantant des arbres par exemple, au lieu de réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre.
Le G20, Trump, concurrence capitaliste et guerre, mise en scène et impuissance
En parallèle de la COP 29 avait lieu en début de cette semaine, sous haute surveillance militaire, à Rio au Brésil, le sommet du G20 dont une partie de la presse laissait entendre qu’il pourrait débloquer les négociations qui étaient alors au point mort de la COP29. Mais sans le dire encore comme Trump, pour qui le réchauffement climatique est un « canular », les dirigeants capitalistes du monde occidental en font fi, tout à leurs préoccupations de serviteurs des multinationales et de leurs intérêts. C’est ainsi que Macron s’est rendu en Argentine pour rencontrer officiellement le président argentin fascisant Milei, lequel venait de se rendre la veille en Floride, pour féliciter Trump et Musk de leur victoire à la présidentielle. Et si Macron a pris verbalement quelques distances avec le climatoscepticisme et le racisme de Milei, il n’a pas manqué d’explorer les investissements lucratifs que pourraient y faire les groupes capitalistes français présents dans le pays -au nombre de 160- en particulier dans l’exploration de gisements de lithium, indispensable à la fabrication de batteries, et dont le groupe Eramet qui était du voyage a déjà commencé l’exploitation.
La veille du G20, Biden avait autorisé l’utilisation de missiles américains et de données du Pentagone par l’armée ukrainienne pour frapper des cibles dans le territoire russe et au sommet lui-même, il a engagé tous les participants à soutenir l’Ukraine contre la Russie et à défendre comme lui, au nom de son « droit à se défendre », la guerre menée par Israël contre les peuples du Moyen-Orient. Les dirigeants européens se sont exécutés avec zèle, Macron comme Scholz, accusé peu de temps auparavant de tiédeur contre la Russie parce qu’il avait téléphoné à Poutine.
Les dirigeants occidentaux n’ont pas réussi pour autant à obtenir une condamnation de « l’agression russe » au grand dam de Macron et le président brésilien Lula, hôte du sommet, a obtenu que soit mentionnée dans la déclaration finale sa proposition de taxer de 2 % les 3000 milliardaires de la planète qui, refusée par les Etats-Unis et les Européens, est confiée à une mission d’étude pour être réexaminée… dans un an.
Pour la planète, pour l’humanité, en finir avec les frontières et le capitalisme, changer de mode de production
S’il y a des enseignements à tirer de ces événements, c’est d’abord que la crise écologique ne peut pas être isolée de son contexte économique et social, la domination sur le monde des multinationales et leur logique du profit maximum à court terme dans le contexte de la concurrence capitaliste exacerbée.
De moins en moins nombreux sont ceux qui croient aux vertus du marché et de la propriété privée capitaliste pour réguler la marche de l’économie mondiale ou résoudre les problèmes de l’humanité. Il n’y a pas de solution à la catastrophe écologique qui serait spécifique, séparée des autres problèmes que connaissent les populations du monde entier, la misère et la baisse du niveau de vie, les tensions guerrières, la guerre parce qu’il est vain de compter sur un quelconque esprit de raison ou philanthropique de la part des classes possédantes. La solution ne peut venir que des travailleur·es, des exploité.es, de leur prise en main de l’économie, du pouvoir.
Les frontières, le maintien des Etats nationaux constituent un obstacle majeur non seulement bien sûr à la paix, à la libre circulation et installation des êtres humains mais également à la préservation et restauration de la nature. A l’heure où les terres arables, les forêts, sont l’objet des prédations capitalistes, où les ressources en eau se raréfient, où la désertification progresse, c’est bien d’un gouvernement mondial dont l’humanité a besoin pour organiser démocratiquement et de manière rationnelle la préservation et l’exploitation des ressources naturelles. La COP 29 et le G20 ne savent pas trouver les milliards nécessaires à la transition énergétique, à la disparition des famines, mais les budgets militaires explosent, plus de 900 milliards de dollars aux USA, 327 milliards dans l’Union européenne. La difficulté n’est pas de trouver où prendre l’argent mais de comment et à quoi on l’utilise.
Le seul avenir possible de bien-être pour l’humanité est un changement radical dans la façon de produire et de distribuer les biens indispensables à la vie, la fin de la domination capitaliste, une fédération socialiste du monde, une libre coopération internationale des peuples et des travailleurs.
Galia Trépère