« Un temps nouveau s’ouvre pour le pays. Je serai là pour vous aider à réussir », aurait déclaré Macron lors du premier conseil des ministres intérimaires les appelant à « faire preuve d’esprit de dialogue. » Les temps nouveaux que Macron appelle de ses vœux sont ceux d’un capitalisme offensif et encore plus arrogant, militariste, nationaliste dont les zélés serviteurs soient toutes et tous alignés sur le consensus national que le front de la réaction entend instaurer : la défense de l’occident, des privilèges de la grande bourgeoise, enrôlant la petite prise de peur devant les menaces que leur politique fait peser sur son avenir, pour mener sa guerre sociale, nationaliste et xénophobe, policière et militaire contre les travailleurs et les peuples.
La mauvaise farce que Macron met en scène depuis sa déroute électorale, c’est bien la réalisation de l’union des droites derrière les faux semblants du front républicain en jouant LFI contre le NFP tout en prétendant s’opposer au RN pour mieux reprendre à son compte sa politique et, au final, mettre le sort du gouvernement intérimaire entre ses mains.
Pour celles et eux qui n’auraient pas encore compris, le coup de fil empressé de Barnier à Le Pen pour s’excuser des écarts du nouveau ministre de l’Economie, Antoine Armand, qui avait déclaré qu’il ne travaillerait pas avec le RN qui « n’appartient pas à l’arc républicain » a clarifié les choses. Il a suffi que Le Pen lui fasse remarquer « que le budget arrive, et que le Premier ministre doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement car il semblerait que certains n’aient pas encore totalement compris » pour que Barnier déploie ses talents de négociateur-carpette… Et le nouveau ministre de manifester son aptitude à mieux jouer son rôle de larbin pour dire son entrain de collaborer avec « toutes les forces politiques représentées au Parlement ». La porte-parole des députés RN, Laure Lavalette, postait sur le même réseau social, « Il semblerait que certains n’aient pas encore totalement compris dans quel nouveau monde nous vivons. Nous allons vous l’enseigner. » avant de remercier Barnier pour ce « recadrage qui s’imposait »...
Cet épisode croquignolesque à l’image des prétendus conflits qui opposeraient certains ministres éclaire sur la fonction de ce gouvernement intérimaire, mettre en place un large front réactionnaire de droite extrême dont les limites parlementaires restent à définir.
Le sinistre Retailleau, ministre de l’intérieur LR, devient ainsi le personnage principal de ce gouvernement face au ministre de la Justice Migaud, ancien chef zélé de la Cour des comptes et ancien député socialiste, couple destiné, à travers les faux-semblants conflictuels, à illustrer le consensus parlementaire sur la politique sécuritaire...
Les vieux politiciens sortis de la naphtaline, Barnier et Retailleau, deviennent les acteurs principaux de la farce parlementaire qui voudrait construire, en profitant du climat économique et militaire international, un consensus réactionnaire contre LFI en tentant de marginaliser Le Pen pour mieux faire sa politique contre le monde du travail, l’acteur principal qui, pour le moment, n’a pas encore fait entendre sa voix...
« Trois priorités : la première, rétablir l’ordre, la deuxième, rétablir l’ordre, la troisième, rétablir l’ordre », l’ordre du capital….
Le front réactionnaire est bien le parti de l’ordre dont Retailleau se veut le meilleur représentant tout entier acquis à sa tâche de vider le RN de son influence en faisant sa politique espérant ainsi le marginaliser à son profit et celui de ses amis. Outre la politique sécuritaire et la lutte contre le prétendu laxisme de la justice, il fait beaucoup de bruit autour de la lutte contre l’immigration par « tous les moyens. […] J’ai un objectif, parce que comme des millions de Français, je pense que l’immigration massive ça n’est pas une chance pour la France et ça n’est même pas une chance pour ces migrants qu’on envoie parfois périr en pleine mer ». Il s’empare avec la complicité active des médias des drames que cette société engendre comme le viol et le meurtre d’une étudiante, au Bois de Boulogne, attribués à un étranger sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire), pour partir en guerre contre les « clandestins dangereux », déverser leur haine anti-immigrés, distiller leur venin raciste et faire leur propagande sécuritaire et policière. Il cible en particulier, obsession de l’extrême droite, l’Aide Médicale d’État (AME) qui permet à toute personne pouvant prouver qu’elle réside sur le territoire depuis au moins 3 mois de bénéficier d’une couverture médicale pour un an renouvelable et dont la suppression serait une catastrophe.
Ce zèle xénophobe accompagne la campagne sur le déficit budgétaire qui vise à justifier les nouvelles coupes dans les budgets des services publics, coupes sauvages dans les dépenses sociales contre la population pendant que le faux débat sur les hausses d’impôts voire même taxer les riches fait diversion.
Tout dans ce gouvernement en sursis est jeux de rôle et imposture sauf la ferme volonté de mener les attaques contre le monde du travail alors qu’une vague de licenciements est en route. Et la question essentielle des salaires n’existe pas !
C’est ce que Retailleau appelle le « pacte législatif d’urgence nationale » qui sera, mardi, la trame du discours de politique générale de Barnier destiné à lui gagner la neutralité bienveillante du RN, un sursis… Un discours qui reprendra la rengaine sur la défense des « valeurs occidentales », celles de l’exploitation des travailleur·es et des peuples qui s’est construite à travers l’esclavage, le colonialisme qui se perpétue tant en Nouvelle Calédonie qu’aux Antilles et met les travailleur·es en concurrence pour faire baisser les salaires tout en attisant le racisme, la xénophobie pour mieux les jouer les uns contre les autres tant sur le plan économique et social que sur le plan politique.
Et c’est la même politique des vieilles puissances coloniales et impérialistes qui se poursuit à travers les guerres tant d’Ukraine que d’Israël, la guerre comme arme économique dans la concurrence capitaliste.
Cette logique de la politique des classes dominantes anime et dirige les marionnettes qui font le piteux et dérisoire spectacle parlementaire, la machine à duper la population pour la soumettre aux intérêts capitalistes.
Le monde du travail a besoin de s’en dégager, de rompre avec cette logique du patron pour affirmer sa propre personnalité de classe, formuler ses propres exigences, souder sa solidarité par-delà les frontières.
Notre discours de politique générale, sur nos lieux de travail, dans la rue affirmer notre indépendance de classe internationaliste
Le 1er octobre, mardi, la CGT, Solidaires et la FSU appellent l’ensemble du monde du travail à manifester et à faire grève. Nous avons toutes les raisons de descendre dans la rue contre les attaques du patronat et du gouvernement, pour faire valoir nos droits en toute indépendance des luttes institutionnelles.
Ceci dit, la lutte qui est devant nous contre le bloc réactionnaire et l’extrême droite n’est pas une simple lutte syndicale mais bien une lutte politique avec nos armes de classe, l’organisation, la grève, la manifestation, l’action politique pour défendre l’idée que nous n’avons rien à attendre des jeux politiciens ou du dialogue social et que notre avenir est entre nos mains.
Nous avons besoin de tirer entre nous les leçons des politiques qui ont remis Macron en selle après sa déroute électorale, la duperie du soi-disant « Front républicain contre l’extrême droite », au moyen duquel les dirigeants du NFP ont sauvé les macronistes d’un naufrage complet pour les laisser installer au gouvernement leur alliance avec les Républicains avec la bénédiction du RN.
Les directions syndicales, après avoir désarmé le puissant mouvement contre la réforme des retraites, ont apporté leur soutien au NFP dans ces manœuvres parlementaires, ce jeu de dupes au même titre que le dialogue social, qui se retournent contre nous.
Ils nous ont fait prendre des vessies pour des lanternes ! Mais ils nous ont aussi ouvert les yeux !
Nous avons besoin de nous réunir pour en discuter, nous mettre d’accord, nous organiser pour décider de nos revendications, de nos mobilisations, de nos intérêts communs. Ils ne sont pas compatibles avec ceux du grand patronat parce que leur satisfaction exige de rompre avec la logique du profit qui aggrave sans cesse les inégalités, tire la société en arrière. L’abolition de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires, pas de salaires inférieurs à 2000 euros, le partage du travail entre toutes et tous pour mettre fin au chômage et à la précarité, la défense des services publics remettent en cause la politique de rentabilité financière de la bourgeoise, la politique de l’État qui la subventionne. Contre le déficit, il faut abolir la dette, cette rente pour les financiers, nationaliser les banques pour construire un monopôle public bancaire sous le contrôle des travailleur.es.
C’est cela le discours de politique générale des travailleur·es.
Et aussi la défense des droits démocratiques contre la politique du tout sécuritaire, contre la guerre que ce soit la guerre par procuration des USA et de l’Otan contre la Russie ou la guerre d’Israël contre le peuple palestinien et le Liban.
La solidarité internationale avec nos sœurs et nos frères de Kanaky et des Antilles, avec leurs revendications, pour le retrait total du couvre-feu à la Martinique et en Guadeloupe, en Kanaky, le départ des forces de répression (GIGN, police, gendarmerie et armée) et l’arrêt des poursuites judiciaires et de la persécution des militants politiques, le soutien aux luttes pour l’indépendance.
La défense de nos droits sociaux et démocratiques, la solidarité internationaliste constituent un même combat contre l’ordre établi de Barnier-Retailleau-Le Pen, l’ordre capitaliste, un combat qu’il nous faut préparer, anticiper, qui passe par notre organisation indépendante sur nos lieux de travail, dans nos quartiers, notre rassemblement dans notre propre parti politique.
Yvan Lemaitre