Macron a été sifflé, même si la presse l’a peu relayé, en déclarant l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques après une cérémonie étalage extravagant de moyens dont il se voulait, avec Bernard Arnault, et les grands de ce monde, le centre. Salué complaisamment par tous les médias, le grand spectacle était, quel que fût le talent des artistes, un concentré de clichés aux prétentions populaires et progressistes, démagogiques, d’un nationalisme cocardier qui n’a pas empêché la délégation algérienne de rendre hommage aux centaines d’Algériens tués et jetés dans la Seine par la police française le 17 octobre 1961.

Discrédité, rêvant « d’une parenthèse enchantée » (Les Echos), Macron espère utiliser les JO pour retourner l’échec de sa tentative de coup d’État électoral en succès relatif. Il en prend prétexte pour repousser la nomination du gouvernement et en appelle à une union nationale avec la Droite républicaine qui va « dans la bonne direction ». Son gouvernement démissionnaire passe les décrets de la loi immigration. Une commission de Matignon prépare un nouveau plan d’économie de 112 milliards sur sept ans. Il engage un véritable plan social au sein de l’Inspection du travail… L’offensive antisociale va bon train. Le RN est en embuscade et le NFP piaffe d’impatience  pour foncer tête baissée dans le piège de la cohabitation. Pendant la prétendue « trêve politique » de Macron, les luttes et manœuvres de pouvoir continuent...

« C’est les Jeux qui seront au cœur de la vie du pays et le monde sera en France grâce à eux » dit Macron, oui, avec ses guerres et ses convulsions. Les mots du président du CIO soulignait il y a peu l’hypocrisie du message, comme des prétentions de la cérémonie d’ouverture  : « Les Jeux olympiques sont les seuls qui unissent toute l’humanité dans toute sa diversité… C’est la guerre, la crise économique, des sociétés divisées les gens veulent avoir quelque chose qui donne de l’espoir ». En effet, la mise en scène des jeux ne fera que mettre en lumière le règne du fric, des flics, de la concurrence chauvine, et de l’élitisme sur le dos des athlètes menés en bateau à l’image de la cérémonie affichant pompeusement le cosmopolitisme, l’inclusion, la parité et la paix, un masque mensonger du chaos et de la violence du capitalisme sénile.

La beauté des exploits des athlètes est corrompue par le grand cirque de la compétition des nations, de la victoire des forts sur les faibles,  négation du monde de solidarité auquel aspirent les peuples, que devrait être le sport à l’image d’une société fondée sur la solidarité et la coopération des peuples libérées de la compétition destructrice et sélective du capitalisme.

Un grand hold up tiré d’une exploitation scandaleuse

Selon Wladimir Andreff, économiste membre de l’Observatoire national du sport, le CIO gagne avec les JO un « objet à la valeur de 10 milliards » pour lequel il a dépensé un milliard et qui lui rapporte entre 2 et 4 milliards de droits de retransmissions. Une rentabilité unique à faire rêver tous les capitalistes… qui vient de la guerre sociale menée aux travailleurs.

Dans tous les secteurs concernés, l’intensification du travail et les pressions pour repousser les congés sont la règle. Des atteintes à la sécurité des usagers avec le report de la maintenance ont été dénoncées à la SNCF et la RATP.

Ces derniers jours, environ 150 danseurs ont tenu des assemblées générales et déposé un préavis de grève pour la cérémonie d’ouverture. Ils dénonçaient la faiblesse de leurs rémunérations et les inégalités de traitement entre des intermittents percevant 60 € de « droits voisins » en plus de la rémunération, alors que les danseurs salariés des ballets, en percevaient 1610 €. « Paname 24 », leur employeur, a fini par accorder la veille de la cérémonie les mêmes droits voisins à tous, une victoire qu’ils ne doivent qu’à leur mobilisation.

Des centaines de travailleurs sans-papiers ont été exploités et le seront pendant tous les jeux, sur les chantiers, dans la restauration, plus de deux cents sur le seul chantier Bouygues de l’Arena de la Porte de la Chapelle.

Des inspecteurs du travail dénoncent « une campagne de travail dissimulé » ou de « travail gratuit » pour 45 000 bénévoles, des sessions de 10 jours de travail, 48 h par semaine, sans hébergement, ni places ou réductions pour les épreuves. Nombre d’entre eux sont mis à disposition du chronométrage d’Omega, de la vente des produits Coca-Cola…

Des jeux dans la continuité des attaques contre les droits des travailleurs

Bernard Thibault, ex-dirigeant CGT, chargé « de la charte sociale des JO » avec Roux de Bézieux (ex-dirigeant du Medef) prétend que « ces jeux n’ont pas été un prétexte pour déroger au droit du travailmalgré quelques dérogations décidées par le gouvernement sur le droit au repos hebdomadaire » reconnait-il.

En réalité, les dérogations sous prétexte d’événements inédits préparent la généralisation permanente des atteintes au droit du travail, comme le décret autorisant la suppression du repos hebdomadaire pendant les vendanges, alors que l’an dernier, six ouvriers agricoles sont morts dans les vignes en une semaine, à cause de la chaleur.

Pour les profits, une guerre sociale brutale est engagée contre les travailleurs dont le corollaire est la guerre menée à tous les pauvres qui payent cash par exemple l’augmentation massive des prix des transports à Paris et du logement en Seine-Saint-Denis.

Le collectif Le Revers de la médaille dénonçait en juin l’expulsion de plus de 12500 sans-logements vers différentes régions. Il y a deux semaines, il accusait les autorités d’une « phase finale du nettoyage social » : 500 expulsions de plus le long du canal Saint-Denis. Le médecin chef du pôle psychiatrie de l’hôpital de Gonesse accuse lui l’ARS d’avoir ordonné l’enfermement de 80 sans-abris, sous couvert de santé psychiatrique, la même brutalité bourgeoise qu’au XIX° siècle.

Un terrain pour tester à grande échelle et perfectionner les moyens sécuritaires

35 000 flics sont mobilisés en moyenne chaque jour, auxquels s’ajoutent plus de 20 000 agents de sécurité et 10 000 militaires de l’opération « Sentinelle ».

Darmanin se félicite de « 960 000 enquêtes administratives » et de la limitation de circulation pour 155 personnes, dont un grand nombre n’ont subi ni condamnations, ni poursuites. Sans surprise, leurs noms témoignent du racisme antiarabe et antimusulman qui se répand dans l’Etat… ce même racisme qui impose une casquette à une athlète qui souhaitait porter un voile.

Les JO sont l’occasion d’expérimenter à grande échelle et généraliser des zones d’exclusions, le contrôle de la circulation, de nouvelles technologies de surveillance, autant de moyens sécuritaires prêts à servir dans une situation de plus en plus explosive, pour réprimer la contestation.

Le grand cirque des jeux est incomparable pour concentrer des milliards au profit des capitalistes, dans un entrelacement indémêlable d’intérêts privés et d’argent public, la Cour des comptes se disant incapable d’en connaître le coût réel.

Les défenseurs des JO mettent en avant un apport de 0,3 points de croissance, dont l’essentiel revient au CIO, et à peine 0,05 points au surplus d’activité touristique, tandis que 8,2 milliards auront été dépensés par l’Etat qui prétend les récupérer par le surplus de TVA générée.

Le budget initial de « Paris 2024 » de 6,7 de milliards n’aurait été dépassé « que » de 15 %. Nombre d’économistes penchent plutôt pour 35 à 50 % de dépassement, vers les 10 milliards au final. Sur le podium des bénéficiaires, il y a les entreprises qui ont décroché des marchés, avec de nombreux soupçons de passe-droit et corruption, et le « TOP », The Olympic Partners qui imposent des contrats d’exclusivité, comme Visa, seul moyen de paiement autorisé, ou Coca-Cola, qui bénéficie d’une pub incomparable contre 100 millions annuels… sur un chiffre d’affaire de 45 milliards !

Le CIO récolte ainsi plus de 1,2 milliards de sponsoring, auxquels s’ajoutent les millions de billets hors de prix, et le racket des « droits de passage de la flamme » : 180 000 euros pour chaque département et entre 25 000 et 80 000 pour les communes.

Derrière le mensonge des valeurs « universelles », les tensions internationales, la guerre, le sang des peuples

Les guerres et tensions se sont imposées dans les discours des présidents du CIO et du COJO, souhaitant que les jeux incarnent un moment où toute l’humanité se réunit. Duplicité de vœux pieux.

La présence de la délégation israélienne provoque des indignations hypocrites. Un député LFI demande que ces athlètes soient traités comme ceux de Russie et de Bélarus, sans délégation et sous « bannière neutre »… alors que son parti revendique de gouverner l’Etat français, complice des crimes d’Israël. Et de la macronie jusqu’au RN, on accuse LFI de « mettre une cible dans le dos » de ces athlètes, en rappelant le drame des Jeux de Munich en 1972, pour criminaliser la solidarité avec le peuple palestinien. Les athlètes israéliens sont bien moins responsables de la guerre génocidaire d’Israël ou les athlètes russes de la guerre d’Ukraine que les maîtres d’œuvres et la cohorte de dirigeants de ce monde présents à Paris vendredi soir.

Le CIO se félicite d’avoir « depuis trente ans… une solution à deux États… un Comité national olympique d’Israël et un … de Palestine [qui] coexistent pacifiquement ». Une hypocrisie sans nom quand les sportifs de Gaza meurent sous les bombes et que seulement 8 athlètes palestiniens, dont 6 exilés, peuvent participer. Le chef de l’Etat israélien a été reçu en privé par Macron avant la cérémonie d’ouverture, deux jours après que son premier ministre génocidaire Netanyahou se faisait acclamer au Congrès états-unien, au nom du « choc entre la barbarie et la civilisation », réclamant cyniquement : « donnez-nous les outils plus rapidement, et nous finirons le travail plus vite ». Des spectateurs ont déjà commencé à leur répondre en brandissant des drapeaux palestiniens dans les stades. Et de nombreux pays ont dénoncé le deux poids deux mesures du traitement de la Russie et d’Israël par le CIO qui reproduit les lignes de démarcation fixées par l’OTAN.

Les JO promeuvent à coup d’hymnes et de drapeaux, auxquels les athlètes doivent se soumettre, l’exaltation du chauvinisme, carburant du nationalisme et des guerres. L’historien Patrick Boucheron le souligne : « Pendant tous les Jeux olympiques, on parle de fraternité entre les peuples, mais à la fin on compte les médailles… une comptabilité cocardière extrêmement nationaliste ». Rares sont ceux qui l’ont défié, comme Tommie Smith et John Carlos à Mexico en 1968, poings levés gantés de noir sur le podium, portés par la force du soulèvement des noirs américains défiant le nationalisme US… et exclus à vie de l’olympisme pour ce geste de révolte.

De Coubertin, colonialiste raciste et misogyne, à aujourd’hui, des jeux pour célébrer la domination des grandes puissances au nom de la religion du capital

Célébrant toujours le réactionnaire Coubertin, les JO promeuvent aujourd’hui l’inclusion, la parité, le paralympisme, timidement, mais cet affichage entre en contradiction avec le fondement de la compétition, le culte de la performance et de l’élitisme. Des milliers d’athlètes sont promus pour leurs exploits… quand des centaines de milliers tout aussi déterminés et engagés sont écartés pour quelques secondes ou centimètres. « Plus vite, plus haut, plus fort », la devise exalte le dépassement de soi, certes, mais produit avant tout de l’exclusion.

La pratique sportive pour tous, priorité nationale, voit ses budgets massivement amputés : de 300 millions d’euros prévus sur 3 ans à seulement 25 millions pour cette année pour le plan « 5000 terrains de sport Génération 2024 », et une coupe de 50 % des crédits pour 1 000 emplois socio-sportifs promis après les révoltes de l’été 2023.

L’admiration pour les champion·nes, la beauté de l’effort, le plaisir du spectacle sportif sont mis en scène comme jadis les jeux du cirque comme opium pour les classes populaires dans la continuité des conceptions réactionnaires de Coubertin. En réponse à la prise de pouvoir des travailleurs de la Commune de Paris écrasée dans le sang par la République de la bourgeoisie, il écrivait : « une orientation pédagogique redevenue nécessaire, je devais chercher à restituer les puissants contreforts qui l’avaient naguère épaulée : le contrefort intellectuel, le contrefort moral, et, dans une certaine mesure, le contrefort religieux » (cité par Antoine Perraud, Médiapart)

Un président du CIO, celui qui avait exclu Smith et Carlos, confirma plus tard : « C’est une religion du XXe siècle que Coubertin a fondée avec le mouvement olympique… qui contient toutes les valeurs de base des autres religions »… religion pour le peuple et pour les acteurs du show, mis entre les pattes de 120 curés de toutes obédiences présents au village olympique.

Juvénal, moraliste de l’Antiquité romaine inventeur de l’expression « du pain et des jeux », voyait dans ces spectacles la décadence d’une société corrompue, devenue incapable de conquête et de progrès… et un danger car elle offrait la gloire à des gladiateurs et des esclaves, un siècle après le soulèvement de milliers d’entre eux avec Spartacus.

Le capitalisme est devenu à son tour tout aussi sénile, et ni l’exaltation de la réussite individuelle ni le chauvinisme ne le sauveront de son chaos. Ils participent de son aggravation.

Pour le libre exercice du sport et l’épanouissement du corps, une société émancipée de la loi du fric, du nationalisme, et des rivalités nationales, le socialisme

Coubertin combattait : « le parti de la révolution sociale [qui] a cherché à s’emparer du gouvernement ». Pour les intérêts de sa classe, il défendait la propriété privée : « il faut que le prolétariat en accepte le maintien, et les privilégiés, la limitation. Hors de là, point de salut. ». Il comptait pour cela sur « l’olympisme [qui] est une grande machinerie silencieuse dont les rouages ne grincent pas et dont le mouvement ne s’arrête point malgré les poignées de sable que certains jettent sur elle. »

A sa suite, le CIO et les classes dominantes considèrent les athlètes, travailleur·se·s du sport, comme un de ces rouages, prêts à payer très chers une minorité, pour que l’ensemble ne grince pas et accepte de se soumettre au règne du fric et de la mise en concurrence.

Mais les aspirations de millions de sportifs ne sont pas là, qui pratiquent « non pour gagner de l'argent, pour recevoir un salaire, pour mériter des applaudissements, pour conquérir des couronnes de laurier, comme les vainqueurs des Jeux Olympiques, mais pour satisfaire leur passion » comme l’écrivait le marxiste Paul Lafargue. Pour le partage de moments collectifs, du plaisir, la beauté des gestes, une pratique qui fait d’autant plus de bien qu’elle est libérée de la concurrence.

Les convulsions du monde envoient déjà des poignées de sable dans les rouages. Le cirque des jeux contredit toute leur morale et leur idéologie, tant l’étalage de fric, de flicage et de nationalisme écœurent malgré le spectacle. Le grand cirque peut aider le prolétariat à prendre conscience qu’un autre monde est possible, à l’opposé des lois du marché et de la propriété privée capitaliste.

Le contraste entre l’idéologie et la réalité est d’autant plus insupportable que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, « l’unité des cinq anneaux » symbolisant « la diversité du monde » est arrivée à un tel stade de coopération collective internationale que devient possible la construction d’un monde de la solidarité, qui en finisse avec la compétition des nations, pour la fraternisation des exploités et opprimés, un monde débarrassé des guerres, de la concurrence, de la violence sociale et du pillage de la nature, le socialisme.

François Minvielle

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