Après le choc de la grande récession de 2007-2008, la guerre d’Ukraine en février 2022, puis la guerre israélienne, en octobre 23, l’offensive militariste des USA et de l’Otan ont frappé brutalement à notre porte pour rappeler les ravages occasionnés par la faillite du capitalisme, sa logique destructrice. Ce sont autant de signes d’alerte sur la rapidité de la dégradation en cours à l’échelle internationale et les menaces dont elle est porteuse pour la société, signes d’alerte qui interpellent le mouvement ouvrier, le mouvement révolutionnaire, sur nos capacités à faire échec à la fuite en avant réactionnaire et militariste des classes dominantes.

Il serait illusoire et aveugle de minimiser ou de relativiser le tournant que représentent les enchaînements dont la guerre d’Ukraine a été le point de départ. La guerre ne peut pas s’analyser comme une guerre locale, comme une question isolée, elle est une conséquence de l’économie mondialisée, du règne du capitalisme financiarisé mondialisé. Aucune ne peut s’analyser à partir de la question « qui est l’agresseur, qui est l’agressé ? » mais doit partir de l’analyse historique des rapports de classes et géopolitiques qui ont abouti à la conflagration. Et c’est à partir de cette analyse que pourra s’élaborer une stratégie répondant aux besoins de la période et permettant de réarmer le mouvement ouvrier et de surmonter les faiblesses du mouvement révolutionnaire.

L’ampleur de la tâche peut sembler insurmontable tellement des décennies de recul ont désarmé les consciences, laissant le champ libre aux forces réactionnaires et à l’intégration de la gauche politique ou syndicale aux institutions et à l’ordre établi. Le poids du passé domine les consciences alors que depuis le début du siècle le monde vit des bouleversements considérables lourds de dangers mais aussi qui redonnent aux idées du socialisme et du communisme toute leur jeunesse, leur vigueur révolutionnaire.

Au sein du mouvement révolutionnaire, si la nécessité de prendre en compte les données de la nouvelle période à laquelle le mouvement ouvrier est confronté s’impose, le plus souvent les cerveaux restent dominés par le passé et ces données sont intégrées dans les vieux raisonnements et concepts comme si l’histoire n’était qu’un éternel recommencement ou le capitalisme identique à lui-même, une société d’exploitation condamnée et le communisme une proclamation, un idéal et non « le mouvement réel d’abolition de l’ordre existant ».

La longue période de recul à laquelle le mouvement ouvrier a été confronté n’a épargné personne, y compris les directions autoproclamées, détentrices de la continuité historique du marxisme à travers un trotskysme mythifié, réduit à des formules qui ne pouvaient être des barrages contre l’opportunisme et son frère jumeau le sectarisme. Et à défaut, elles sont devenues l’enjeu d’une définition d’une orthodoxie, d’une légitimité politique que s’attribue chaque fraction et tendance du mouvement qui, à défaut d’avoir une réelle influence dans la lutte de classe, pense et agit, non en parti, mais en groupe sectaire dont la pensée et les actes sont conditionnés par les besoins de son autoreproduction, une logique quelque peu parano qui s’est nourrie régulièrement d’exclusions et de faux procès.

Les réponses à apporter à la faiblesse du mouvement révolutionnaire ne sont pas une question de simple volontarisme militant, de proclamations ou de professions de foi révolutionnaires et unitaires. Elles dépendent de la capacité collective du mouvement à s’emparer de la question pour, à travers sa propre activité, sa propre réflexion et pensée collectives en partant de sa réalité concrète et pratique, formuler une politique qui permette de développer et de rassembler les forces disponibles pour construire l’instrument de la transformation révolutionnaire de la société. La première étape consiste à la prise de conscience que l’état actuel des choses n’est pas acceptable.

Faire notre propre histoire….

« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l’histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté. », écrivait Marx dans Le 18 brumaire de L. Bonaparte.[1]

Cette description renvoie assez bien à l’état d’esprit qui règne au sein des différents courants où les références formelles à Lénine et Que faire ?, au centralisme démocratique et au militantisme professionnel, à l’impérialisme, aux droits des nations à disposer d’elles-mêmes, à Trotsky et la IVème Internationale, la révolution permanente, au front unique antifasciste, au Programme de Transition… tiennent lieu de viatique politique et sont autant de sujets… de divisions et de polémiques !

Chaque fraction trotskyste a les mêmes références mais sa propre orthodoxie !

Au point que la préoccupation d’engager un débat sur, pour reprendre la formule justement de Trotsky, « la compréhension de la période et des tâches » afin de définir une stratégie répondant aux besoins de la période, une orientation en vue de la construction d’un parti révolutionnaire, est rejetée puisque bien sûr elle serait nécessairement une contestation de ce qui fonde « l’autorité » de chaque direction autoproclamée et sélectionnée à travers autant de cursus internes où l’adaptation au dogme constitue un critère essentiel.

Cette logique est tellement intégrée dans les cerveaux que bien des militant·es hésitent simplement à exprimer critiques ou idées personnelles, points de vue, ou alors sont condamné·es à se constituer... en fraction, sous-groupe ou même, dominés par l’activisme militant, leur devoir vis-à-vis du prolétariat, ne voient pas le lien entre la compréhension de la période et les tâches... Avant sa scission, la direction du NPA avait reculé devant la mise en œuvre de cette discussion que nous avions proposée et qui aurait dû déboucher sur un document programmatique. Les différentes fractions ont reculé avant… de scissionner après un accord sans principe autour de la campagne de Poutou dont l’axe central était pour une gauche radicale !

Il est évident que ne serait-ce que l’embryon d’un parti révolutionnaire ne pourra se former dans le melting-pot de la lutte et des fusions qu’à partir d’une rupture consciente et volontaire avec les pratiques conservatrices façonnées par des décennies de recul. Depuis notre formation comme courant politique du mouvement révolutionnaire, formation contrainte et forcée par notre exclusion de Lutte Ouvrière en 1997, nous menons cette bataille. Elle est aujourd’hui incontournable au moment où se conjuguent offensive anti-ouvrière, inflation, militarisme et guerre, où la contradiction fondamentale du capitalisme entre socialisation de la production à l’échelle mondiale et l’appropriation privée, le pillage des richesses par la propriété privée capitaliste et l’État atteint un point de rupture et entraîne la société dans de terribles convulsions.

Trouver notre force dans les acquis du marxisme pour détruire les mythes

Il nous faut inscrire notre discussion dans la continuité de Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste, pour qui le capitalisme est, depuis son origine, un mode de production mondial. Trotsky le définissait dans La révolution permanente, comme une « réalité supérieure » dont chaque formation capitaliste nationale était une partie intégrante, étroitement liée à toutes les autres : « Le marxisme part du concept de l’économie mondiale, non comme un amalgame de particules nationales, mais comme une réalité puissante avec une vie propre, créée par la division internationale du travail et le marché mondial, qui prévaut à l’époque où nous courons, sur les marchés nationaux. »[2]

En l’abordant aussi d’un point de vue historique, la courbe du développement du capitalisme, de la libre concurrence au capitalisme financiarisé mondialisé en passant par l’impérialisme, c’est de cette évolution que dépendent nos tâches, c’est cette évolution et son aboutissement à notre époque qui permet de refonder la légitimité des idées du socialisme et du communisme mises en échec, discréditées par la social-démocratie et le stalinisme.

La réponse aux questions que nous pose l’histoire ne peut être qu’une réponse collective, l’élaboration d’une compréhension et d’une stratégie révolutionnaire, qui suppose de confronter les points de vue et de vérifier les raisonnements c’est à dire un mouvement révolutionnaire soucieux de se dégager des divisions et rivalités tant à l’échelle nationale, qu’européenne ou internationale.

Les acquis du marxisme sont le fruit d’un combat politique, intellectuel constant, de chaque jour, contre l’idéologie dominante, la pression sociale, intellectuelle des classes dominantes ou des appareils syndicaux, leur conformisme, leur conservatisme adapté à l’ordre établi. Cette bataille politique prend appui sur la compréhension des rapports de classes pour mettre à nu les ressorts de la politique des classes dominantes. Elle rompt avec l’étroitesse nationale, les préjugés nationaux qui étouffent toute pensée révolutionnaire pour redévelopper un point de vue internationaliste, c’est-à-dire la conscience de participer à une lutte de classes qui ignore les frontières et se joue « dans le creuset de la révolution mondiale ». Une démarche qui ne peut rester prisonnière des mythes de la continuité ou de la refondation de la IVème Internationale auxquels se rattachent la plupart des fractions pour s’emparer pratiquement de la nécessité de jeter les bases d’une nouvelle internationale ainsi qu’a procédé, à chaque étape, le mouvement marxiste dans le passé. Ce que le NPA au moment de sa fondation, en collaboration en particulier avec la IV avait réussi à engager bien que les pressions opportunistes et sectaires n’aient cessé d’être dominantes.

Faire vivre le marxisme, notre première tâche collective

De toute évidence et quoi qu’en pensent les activistes invétérés, cette discussion est au cœur de nos tâches pratiques, militantes quotidiennes dont le contenu est la défense et l’illustration du marxisme aujourd’hui, d’abord et avant tout le faire vivre à travers les divers aspects et dimensions de l’activité militante.

La construction d’un parti révolutionnaire est indissociable de la capacité du mouvement ouvrier révolutionnaire à gagner de l’influence politique à travers la défense vivante du programme socialiste en y intégrant les progrès des connaissances dans tous les domaines de l’activité humaine. La classe ouvrière ne pourra pas postuler à changer le monde si elle n’apparaît pas, ne se pense pas comme la classe porteuse de l’avenir de toute la société.

Les forces qui postulent à intervenir dans ce processus de la constitution du prolétariat en classe selon les termes du Manifeste ont nécessairement besoin de mener cette bataille d’idées, la lutte pour « l’hégémonie », ne serait-ce que pour être en mesure de mener le combat contre l’idéologie dominante. Tout au long de l’histoire du marxisme, les réponses programmatiques ont pris des formes concrètes historiques depuis Le Manifeste jusqu’au Programme de transition en passant par le Programme socialiste

Faire vivre le marxisme, c’est intégrer les progrès réalisés grâce au travail humain pour penser l’avenir socialiste, communiste, le faire vivre non comme une proclamation mais comme une réalité et possibilité objective et subjective dont les bases, les prémices existent déjà dans le cadre même de la société bourgeoise au cœur de ses contradictions. C’est montrer, démontrer et écrire sa pertinence aujourd’hui par-delà les défaites et échecs du passé.

La difficulté ou les réticences à s’atteler collectivement à formuler une analyse globale du capitalisme financiarisé mondialisé en prolongeant et dépassant les analyses du début du siècle dernier, en particulier celles de Lénine, comme lui-même avait su analyser les développements nouveaux du capitalisme dépassant le stade de la libre concurrence, ne renvoient pas seulement au conservatisme de fraction mais aussi à une forme de conception qui place la lutte économique, l’intervention dans les syndicats au premier rang de notre intervention dans le monde du travail au détriment de l’intervention politique. Le recul du rapport de force s’inscrit dans les consciences et le Programme de transition est, par la force du temps, devenu un programme de revendications transitoires, un programme d’urgence où la transition vers le socialisme prend au mieux un contenu proclamatoire. Et souvent, l’activisme de fraction sous-estime la discussion d’idées ou ne la mène que pour cimenter ses rangs, « former ». Les deux logiques n’en sont qu’une seule que résume une formule qui était célèbre à LO, 1 % de cervelle, 99 % de semelle ! Et le 1 %, c’est la direction !

Rompre avec cette logique passe par un premier questionnement incontournable, première étape de la discussion : définir et comprendre ce qui différencie notre époque de celle décrite par Lénine, l’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Notons d’ailleurs que pour lui, suprême ne signifiait pas ultime mais le dernier stade, actuel, contemporain. Et oui, le capitalisme est en perpétuelle transformation, « E pur si muove ! », « Et pourtant elle tourne ! » aurait dit Galilée...

Le développement de l’impérialisme, sa transformation à travers les guerres et les révolutions

« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux » écrivaient Marx et Engels dans Le Manifeste.[3] Le capitalisme arrivé à son stade de l’impérialisme n’a pas échappé à la règle, bien au contraire il a été bouleversé pas des événements gigantesques à la dimension de ses progrès : guerre de 14-18, révolution d’Octobre 17 en Russie, vague révolutionnaire en Europe, victoire de la contre-révolution stalinienne et du fascisme, deuxième guerre mondiale à travers laquelle les USA imposent leur leadership sur le monde suivie d’une vague de révolutions, de luttes de libération nationale qui liquide les vieux empires coloniaux, intégration des anciens pays coloniaux au marché mondial, puis, après l’effondrement de l’URSS, mondialisation et financiarisation capitalistes. Guerres et révolutions ont transformé la société, les luttes des classes ont débouché sur une nouvelle époque un siècle après les premiers bouleversements impérialistes, l’époque du capitalisme financiarisé mondialisé. Il n’y a pas de fin de l’histoire !

L’ouvrage de Lénine « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme »[4] est bien un ouvrage politique qui décrit les transformations du capitalisme de libre concurrence en impérialisme qui déterminent les bases objectives et subjectives, les fondements d’une stratégie révolutionnaire, en premier lieu l’attitude vis-à-vis de la guerre. L’ennemi est dans notre propre pays, transformer la guerre impérialiste en guerre civile sont les axes de cette stratégie définie par Lénine, démarche qui le mit en minorité, y compris parmi les internationalistes réunis à Kienthal et Zimmerwald, mais qui armeront et guideront la révolution ouvrière de 17.

Quelques années plus tard, Trotsky écrivait dans un ouvrage contre la politique de Staline, L’Internationale Communiste après Lénine (ou le grand organisateur des défaites) : « La puissance des Etats-Unis dans le monde et l’expansionnisme qui en découle les obligent à introduire dans les fondations de leur édifice les explosifs de l’univers entier : tous les antagonismes de l’Occident et de l’Orient, les luttes de classes de la vieille Europe, les insurrections des masses colonisées, toutes les guerres et toutes les révolutions. Aussi dans cette nouvelle époque, le capitalisme de l’Amérique du Nord constituera-t-il la force contre-révolutionnaire principale qui se montrera de plus en plus attachée au maintien de « l’ordre » dans chaque coin du globe terrestre. »[5]. A travers la guerre de 40 et les guerres coloniales, les USA s’imposeront comme première puissance mondiale et façonneront par la puissance de leur économie, du dollar et de leurs armées la nouvelle époque qu’anticipe Trotsky et qui, après l’effondrement de l’URSS, la mondialisation et la financiarisation de l’économie, donnera à la première puissance mondiale toute sa mesure de « force contre-révolutionnaire principale »…

Cette force contre-révolutionnaire manifeste aujourd’hui comme jamais sa volonté de maintenir son ordre réactionnaire dans chaque coin du globe alors qu’elle est contestée par le développement même du capitalisme dont elle a été la force motrice dans sa volonté acharnée de maintenir le taux de profit et d’affermir son hégémonie sur le monde.

La nouvelle phase de développement du capitalisme, le capitalisme financier mondialisé

La nouvelle phase de développement du capitalisme, le capitalisme financiarisé mondialisé, peut se définir de façon résumée et pour paraphraser Lénine comme le capitalisme au stade des multinationales.

Il s’est formé à travers l’offensive libérale et impérialiste engagée au début des années 80 visant à lutter contre la baisse du taux de profit par les privatisations, la remise en cause des acquis sociaux, l’intégration au marché et à la production mondiaux des nouveaux États nés des luttes de libération nationale, principalement les pays émergents, et de l’effondrement de l’URSS.

La financiarisation de l’économie a été le moyen pour la classe capitaliste de se dégager des contraintes des États nationaux comme de la propriété privée capitaliste en transformant les moyens de production et d’échange en actifs financiers qui s’échangent en permanence sur les marchés financiers et les places boursières du monde.

Une oligarchie financière s’approprie et se partage la plus-value produite à l’échelle de la planète.

Cette financiarisation est aussi un moyen pour le capital de s’adapter et de tirer profit du développement des nouvelles technologies qui permettent une socialisation, une internationalisation croissante de la production en contradiction avec les États nationaux et la propriété privée.

Le développement de la production et des échanges à l’échelle planétaire généralise la mise en concurrence des travailleurs et travailleuses dans le même temps qu’il développe le rapport d’exploitation capitaliste à un niveau jamais atteint et qu’il tend à ruiner les acquis du prolétariat des vieilles puissances impérialistes. La concentration de richesses immenses entre quelques mains provoque une accentuation inédite des inégalités.

Il globalise aussi la concurrence entre les États, grandes puissances, puissances régionales ou locales sans que même les USA puissent prétendre à maintenir un équilibre un tant soit peu stable dans les relations internationales.

Le capitalisme financier mondialisé est incapable de se réguler.

Il connaît une crise permanente conséquence de l’épuisement des gains de productivité. Au développement des techniques ne répond pas un développement de la production permettant de satisfaire les exigences de rentabilité financière de la masse énorme de capitaux en mal de plus-value.

Du stade suprême au stade ultime ?

Le capitalisme est passé du stade des monopoles à celui des multi et transnationales, une concentration sans équivalent du capital entre les mains des géants des nouvelles technologies, exacerbation du parasitisme d’un capitalisme prédateur, l’accumulation par dépossession, la masse de capitaux à la recherche de plus-value se heurtent aux limites de la consommation et compense par une aggravation de l’exploitation du travail et de la nature, une concurrence exacerbée.

L’ensemble des nations sont intégrées au marché capitaliste, chacune participe, à son niveau, à la lutte pour l’appropriation et le partage des richesses à travers divers rapports de vassalisation dont il est nécessaire de comprendre la nature dans un monde qualifié de multipolaire à propos duquel l’abus du mot-valise impérialisme efface la place prépondérante des vieilles puissances coloniales et impérialistes tirant un trait d’égalité sans fondements historiques avec les anciens peuples coloniaux ayant conquis leur indépendance.

La crise d’accumulation du capital confronté à la baisse tendancielle du taux de profit et de la productivité exacerbe la guerre économique mondialisée et entraîne la fin des sur-profits impérialistes, bases matérielles du réformisme et de la survie du capitalisme à l’issue de l’époque de l’impérialisme.

Le mode de production capitaliste n’est pas confronté à une nouvelle crise, étape vers de nouvelles transformations, mais il est en faillite. L’aggravation de la contradiction fondamentale entre socialisation de la production et propriété privée et État national a atteint son ultime limite. Les capitalistes ne font face qu’au prix d’une guerre permanente contre les salariés et les peuples en accentuant les rapports d’exploitation.

Le capital épuise les ressources naturelles et engendre une crise climatique, écologique à laquelle le capital comme les États sont incapables de faire face.

Les politiques des capitalistes et de leurs États ont accentué tous les facteurs de crise, de parasitisme de la domination capitaliste. Elles ont généralisé l’économie de l’endettement pour alimenter les profits.

L’instabilité économique et financière, les tensions internationales, les rivalités et luttes d’influence, les multiples conflits militaires locaux entraînent une montée des militarismes et un état de guerre permanent, menace d’une généralisation de la guerre au risque d’une guerre nucléaire.

Une nouvelle phase de développement du mouvement ouvrier

L’élément essentiel de cette nouvelle époque est l’émergence d’un prolétariat moderne, cosmopolite, féminisé, international engendré par la mondialisation et l’immigration qu’elle a provoquée à travers la planète. Elle se combine avec la fin des partis issus de l’histoire de la longue période du mouvement ouvrier qui s’achève avec l’effondrement de l’URSS, fin peu glorieuse qui signe leur intégration à l’ordre bourgeois.

Avec ce prolétariat moderne est apparu un nouvel essor des luttes de classes, sociales et démocratiques, luttes de classes qui portent en elles la nécessité de réguler l’économie en fonction des besoins sociaux et du respect de l’environnement c’est-à-dire la lutte pour changer la façon dont l’humanité produit ce dont elle a besoin, seule issue pour l’humanité.

Quand Trotsky écrivait dans le Programme de transition, « La prémisse économique de la révolution prolétarienne est arrivée depuis longtemps au point le plus élevé qui puisse être atteint sous le capitalisme », son appréciation était dominée par son époque, l’épuisement de l’impérialisme et les perspectives qu’il ouvrait. L’histoire lui a malheureusement donné tort. Ces prémisses n’étaient, en réalité, pas à leur point le plus élevé ni, en fait, mûres. Le capitalisme avait devant lui un nouveau stade de développement. Ce n’était ni écrit ni prédictible et le marxisme n’a aucune vertu de prédiction, mais l’histoire, les luttes de classes ont continué de travailler au mûrissement des prémisses du socialisme. Le capitalisme financiarisé mondialisé en est la démonstration. Il participe à la formation des conditions objectives mais aussi subjectives de la transformation révolutionnaire du monde reproduisant à un niveau supérieur ce qu’avait produit le développement impérialiste du capitalisme.

Le développement du capitalisme est conditionné fondamentalement par le développement des moyens de productions, les progrès de la science et des techniques qu’il soumet à ses besoins propres. Il ne peut cependant les empêcher d’accomplir leurs tâches révolutionnaires en révolutionnant les conditions de production, d’existence, les conditions matérielles à partir desquelles se forme la culture humaine.

La formation de l’impérialisme répondait à des progrès, une révolution technologique dont la révolution dans la physique comme dans la culture ont été les conséquences révolutionnaires. L’année 1905 voyait se combiner la première étape de la révolution russe, « la répétition générale », la découverte de la théorie de la relativité par Einstein, révolution dans la physique, dans le même temps que naissaient le cubisme, la psychanalyse… Les progrès de la science et de la technique, la lutte de classe bouleversent ainsi la culture humaine pour saper les bases matérielles et culturelles de la domination de la bourgeoise.

Les mêmes processus sont en cours aujourd’hui à un niveau supérieur. Les nouveaux progrès des sciences, les progrès de la physique quantique, les nouvelles technologies ont unifié la planète, ouvert la voie à la formation d’une culture mondialisée, à une conscience collective que favorise la globalisation de la faillite du capitalisme dont la crise écologique, les effets du changement climatique auxquels l’ensemble de l’humanité est confronté.

Les convulsions qui secouent la société sont l’expression du conflit extrême entre ce développement des forces productives et l’arriération de la propriété capitaliste, des Etats nationaux et des frontières, l’exigence d’un « nouvel ordre économique », d’une organisation et d’une planification mondiales et démocratiques.

Yvan Lemaitre

[1] https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm

[2] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp.html

[3] https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm

[4] https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp.htm

[5] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical.html

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