La plupart des listes présentes aux élections européennes se sont lancées dans une opération de greenwashing de leur programme, annonçant faire de l’écologie une question centrale… Les problèmes écologiques sont bien réels et l'ampleur des mobilisations de la jeunesse pour le climat témoigne d’une large prise de conscience. Mais face à leurs enjeux, les petits calculs électoraux, les promesses à peu de frais des uns et des autres se ramènent à un cynique « bal des hypocrites », pour justifier les mêmes politiques.

Réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, produits de la folie du capitalisme

Le rapport sur la biodiversité de l’Ipbes, un réseau de scientifiques de l'ONU, rendu public lundi 6 mai est tout aussi inquiétant que les rapports du GIEC sur le climat. 1 million d’espèces vivantes menacées d’extinction, 75 % de la surface des terres, 66 % des milieux marins endommagés… Le constat est sans appel et, selon la formule très diplomatique du rapport, inverser le désastre n’est possible « qu’au prix de la transformation des facteurs économiques, sociaux, politiques et technologiques ». En clair, c’est bien le fonctionnement même de cette société capitaliste qu’il s’agit de remettre en cause !

En réponse, les ministres de l’environnement du G7, réunis à Metz, ont adopté… une charte sur la biodiversité, bel étalage de vœux pieux sans aucun objectif chiffré, appelant certes à « accélérer et intensifier nos efforts pour mettre fin à la perte de biodiversité », mais en soulignant la nécessité d’« encourager l’engagement d’autres acteurs », notamment du secteur privé, les multinationales, les banques, pourtant les principales responsables de la crise écologique !

Des discours écologiques de façade… pour justifier les mêmes politiques !

Le soir même, Macron intervenait pour présenter rien moins qu’un « plan pour sauver la biodiversité », ridicule effet d’annonce d’une série de mesurettes pour l’essentiel déjà connues… qui avait surtout pour fonction d’ancrer la terne campagne européenne de la liste LREM de Nathalie Loiseau sur le terrain de l’écologie.

Le programme de LREM prétend donner à l’écologie la priorité au nom de « l’urgence écologique ». C’est même le premier point, comme pour faire oublier les suivants et surtout le bilan désastreux de la politique du gouvernement Macron au service des plus riches. Principale mesure annoncée : mille milliards d'euros d’ici à 2024 pour développer les énergies et les transports propres. En fait d’investissement, il s’agirait surtout d’« orienter l’épargne des Européens vers la croissance verte », donc d’offrir le juteux marché de la transition énergétique aux multinationales, déjà sur les rangs… avec l’argent des épargnants.

Comble du cynisme, alors qu’en juillet dernier, les députés LREM refusaient d’inscrire dans la loi la promesse électorale du candidat Macron sur l’interdiction du glyphosate d’ici 3 ans, Nathalie Loiseau remet le couvert en repromettant une sortie du glyphosate d'ici à 2021. En réalité, comme l’expliquait un « stratège » de la campagne au journal Le Monde : « L’objectif, c’est d’aller chercher des voix chez des gens de gauche, qui peuvent être tentés de voter pour la liste d’Europe Ecologie-Les Verts [EELV] »

Ce soudain intérêt pour l’écologie voudrait faire oublier le discrédit du gouvernement après 7 mois de contestation des Gilets jaunes avec l’espoir vain de recommencer l’opération de Macron lors de la Présidentielle… profiter du discrédit des vieux partis de droite comme de gauche jusqu’aux écologistes pour récupérer des électeurs sur un terrain qui se veut rassembleur et consensuel tout en s’affirmant comme le seul rempart à Le Pen. La ficelle est un peu grosse pour convaincre de ce soudain tournant écologique et la présence sur la liste de Pascal Canfin, ancien directeur du WWF France comme le soutien de Daniel Cohn Bendit n’y changent rien.

La liste gouvernementale n’est pas la seule à verdir son discours pour essayer de grappiller des électeurs.

A droite, François Xavier Bellamy pour la liste LR appelle à « réconcilier écologie et économie ». Jean-Christophe Lagarde pour celle de l’UDI propose un livret E comme Environnement pour que l'épargne serve à « verdir notre continent », bref pour eux l’écologie se ramène… à défendre l’économie de marché.

Mais les partis se réclamant de l’écologie politique sont aussi perméables aux sirènes du marché.

Ainsi Yannick Jadot qui dirige la liste « Europe Ecologie », tout en multipliant les formules catastrophistes sur le thème « l’écologie ou la barbarie », se dit «ni de gauche, ni de droite», posant en écologiste pragmatique, positif et surtout ouvert à l'économie de marché.

La deuxième liste écologiste « Urgence écologique » se revendique elle aussi d’une écologie peut-être indépendante « du socialisme et du libéralisme », mais pas d’une confusion frisant avec les idées réactionnaires. L’ex-ministre socialiste Delphine Batho présente sur la liste, se réclame de l’« écologie intégrale » un concept qui a été mis en avant… par le Pape, et est depuis repris par différents courants catholiques dont des théoriciens de l’extrême droite liée à la Manif pour tous.

D’ailleurs, pour ajouter à la confusion, même l’extrême droite n’est plus en reste. Jordan Bardella, tête de liste pour le Rassemblement National, a ainsi déclaré dans une interview début avril « Le meilleur allié de l'écologie, c'est la frontière », et son programme parle ainsi de : « favoriser le localisme en détaxant les circuits courts et en surtaxant les importations mondialisées anti-écologiques ».

Ainsi l’écologie sert à la fois à justifier l’Europe libérale du tout marché pour les uns, et le repli nationaliste et xénophobe pour les autres.

De leur côté, pour les partis de la gauche institutionnelle, les formules sur « l’urgence écologique » sont d’autant plus radicales dans la forme qu’elles permettent d’éviter toute critique radicale du capitalisme. Leur critique se réduit à la condamnation du lobbying des multinationales, à opposer au libre-échange un « juste échange » voire un protectionnisme vert avec comme seule perspective des plans d’investissement public restant dans le cadre des institutions et du système.

Ainsi la liste « Envie d'Europe écologique et sociale » de Glucksmann promet de « sauver la planète » grâce à son Pacte Finance-Climat-Biodiversité de 400 milliards par an qui doit mettre la finance « au service de l’intérêt général, de la transition écologique et de la justice sociale ». De son côté la liste menée par Hamon va plus loin en proposant un « Green New Deal » à 500 milliards par an. Celle du PCF défend une « approche sociale de la transition écologique » en mettant en avant une « stratégie industrielle et écologiquement soutenable ». De son côté Manon Aubry pour la France Insoumise compte mettre la finance et les multinationales au pas mais sous l’égide de l’ONU et espère financer son projet de planification écologique par la BCE.

Un même combat de classe, social écologique, pour une Europe des travailleurs

La crise climatique, l’effondrement de la biodiversité sont avant tout la conséquence de la folie du capitalisme qui en est à la fois la principale cause et le principal obstacle pour y faire face.

Il ne s’agit pas seulement du lobbying cynique de quelques multinationales comme Monsanto auquel pourrait être opposée une régulation par des institutions nationales, européennes ou même mondiales. C’est toute l’économie mondialisée qui est mise en coupe réglée par quelques multinationales qui soumettent toute la vie sociale et l’environnement à la course au profit le plus immédiat. C’est une guerre sociale, une guerre de classe pour maintenir la machine à profits au prix du pillage des populations et des ravages de l’environnement.

Loin d’être une question à part dont l’urgence mettrait au second plan les questions sociales, il est urgent de lier les questions écologiques au combat social dans une même lutte contre la domination des multinationales et contre les partis politiques qui en défendent les intérêts. C’est un même combat dont l’issue dépend du rapport de force entre les classes, entre la minorité qui aujourd’hui impose son parasitisme à toute la planète et le monde du travail et les peuples qui ne peuvent compter que sur leur organisation et leurs luttes pour ouvrir un autre avenir pour l’ensemble de la société, un avenir qui implique la remise en cause de la propriété capitaliste.

Notre programme, y compris pour faire face à la crise écologique, s’inscrit sur ce terrain de classe, dans la perspective d’une Europe des travailleurs, seul cadre pour pouvoir mettre en place une planification rationnelle, démocratique de l’économie, en collaboration avec tous les peuples à l’échelle de la planète.

C’est aussi pour cela que dans ces élections européennes, nous appelons à voter pour la liste présentée par Lutte Ouvrière qui ne cherche pas à faire de l’écologie un faire-valoir, une question à part, mais au contraire relie et articule, comme un même combat, la lutte contre les ravages environnementaux à celle du monde du travail pour en finir avec le capitalisme.

Bruno Bajou

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