Le nouveau record de température de 38°C atteint dans une ville de Sibérie située au Nord du cercle polaire ne vient que prolonger la série de records qui ont fait de la décennie qui s’achève la plus chaude jamais enregistrée. Cette accélération du réchauffement climatique malgré toutes les conférences sur le climat, ne fait que révéler l’incurie des Etats et des classes dominantes qu’ils servent, face à une des conséquences alarmantes des bouleversements écologiques provoqués par la mondialisation financière. La même incurie que celle révélée par la pandémie du Covid-19, une autre manifestation des ravages environnementaux qu’entraîne la fuite en avant d’un système globalement en faillite.

C’est dans ce contexte d’urgence écologique que jeudi 18 juin, la Convention citoyenne pour le climat, mise en place par Macron en avril 2019 comme une réponse à la révolte des Gilets Jaunes a présenté ses 150 propositions, avant de remettre, le dimanche suivant, à Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, un volumineux rapport de 600 pages pour « changer en profondeur la société ».

Cette convention réunissant 150 personnes savamment tirées au sort, sensées constituer une « France en miniature » s’est donc réunie plusieurs fois depuis octobre dernier pour trouver des mesures concrètes dans l’objectif de « réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale ».

Une mascarade voulue par Macron pour contenir la colère sociale qui révèle son imposture

Présentée comme un exercice de « démocratie participative » innovant, c’est surtout une nouvelle opération de bluff de Macron dans la continuité du Grand Débat de 2019 dont les milliers de cahiers de doléances se sont perdus dans les archives sans qu’aucune suite ne leur soit donnée ! Macron espère améliorer son image « écologique » en prétendant apporter des réponses à la colère qui s’exprime depuis des mois, celle des gilets jaunes provoquée par une taxe sur les carburants mais aussi celle de la jeunesse qui a massivement manifesté pour dénoncer l’inaction des États face au réchauffement climatique. Mais pas sûr que la manœuvre réussisse car la colère n’a fait que se renforcer avec la pandémie comme avec la catastrophe sociale qui s’annonce avec la crise économique.

D’autant que Macron a clairement délimité l’objectif de la Convention : « contribuer au projet de reconstruction écologique qui réconcilie production et climat, avec un plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique des bâtiments, des transports moins polluants, du soutien aux industries vertes. » En clair, il entend trouver dans ses propositions des arguments pour une politique de relance économique qui ne vise qu’à rétablir la machine à profits, en offrant des milliards de cadeaux aux multinationales du bâtiment, de l’automobile ou du « capitalisme vert » tout en accentuant les attaques contre le monde du travail… et les deux au nom de la transition écologique.

Seulement Macron, l’imposteur, s’est peut-être tendu un piège à lui-même en s’engageant par avance à reprendre « sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe » les propositions qui sortiraient de cette Convention… Car, alors qu’il doit donner « sa réponse » lundi prochain, il lui sera difficile de reprendre à son compte plusieurs d’entre elles qui n’épargnent pas la logique du profit… « Et heureusement que les 150 ont renoncé d’eux-mêmes à la semaine des 28 heures » comme l’écrit un journaliste du Figaro !

Car quelles qu’aient pu être les arrières pensés de Macron, les 150 personnes tirées au sort ont travaillé sérieusement à résoudre le problème posé : comment réduire les émissions de GES sans que cela ne se retourne contre les plus pauvres…. Non seulement elles n’ont pas repris l’idée d’une taxe carbone sur les carburants, idée pourtant reprise par la plupart des partis institutionnels se réclamant de l’écologie, mais, sacrilège, certains des participants ont osé proposer une réduction du temps de travail de 35 à 28 heures, avec une augmentation du taux horaire du Smic de 20 % pour maintenir un salaire équivalent… « (…) avec la crise, il va falloir partager le temps de travail. On ne peut pas avoir des gens qui vont travailler plus et gagner plus, et avoir autant de chômeurs dans notre pays qui, eux, ne vont rien avoir » ont argumenté les défenseurs de cette mesure, en liant avec raison crise sociale et crise écologique…  « un suicide économique et social » s’est indigné un représentant du Medef pour qui, au contraire, l’heure est à l’intensification du travail !

Pendant 9 mois, les 150 membre de la convention ont pu entendre des experts, des scientifiques, ils ont pu prendre la mesure de l’ampleur du réchauffement climatique, comme de l’effondrement de la biodiversité, s’interroger sur les blocages qui font que les mesures les plus évidentes ne sont jamais appliquées… et comme le souligne une responsable du réseau Action Climat « C’est assez rassurant. Quand on fait travailler des citoyens, ils arrivent aux mêmes conclusions que les associations qui travaillent dessus. »… mais pas forcément à celles voulues par les classes dominantes pour justifier leur politique !

Même si la réduction du temps de travail n’a finalement pas été retenue, plusieurs des 149 mesures votées ont provoqué l’indignation du patronat, parmi lesquelles : taxer les entreprises distribuant plus de 10 millions d’euros de dividendes annuels à hauteur de 4 % du montant des dividendes distribués ; réduire l’impact de la publicité et notamment interdire la publicité des produits polluants comme les voitures SUV ; obliger les bailleurs publics comme privés à entreprendre la rénovation thermique des bâtiments ; obliger les fabricants à rendre réparable et recyclable leurs produits ; renégocier les accords de libre-échange comme le Ceta et les soumettre à des clauses environnementales alors qu’aujourd’hui ce sont toujours les lois du marché qui s’imposent face aux tentatives de réglementation environnementale…

Dans leur rapport final, les membres de la Convention ont proposé de soumettre à référendum l’introduction dans la Constitution de la préservation de l’environnement mais aussi la création d’une loi définissant un crime d’écocide, avec des sanctions allant jusqu’à 20 ans de prison, une amende en pourcentage du chiffre d’affaires et l’obligation de réparation… Il s’agit selon les termes de ses défenseurs de « pouvoir mettre au pas les multinationales les plus polluantes, les encadrer et montrer à quel point elles sont néfastes ».

Rien de révolutionnaire ni même de réellement nouveau, car ce sont des mesures mises en avant depuis des années par les associations environnementales. Mais malgré bien des illusions sur le pouvoir des institutions, les membres de la Convention parlent de contrainte, d’obligation, de sanctions et ces mesures sont autant de tentatives de s’opposer à la logique du « libre marché » pour faire passer l’intérêt général avant la course aux profits.

Derrière la peur hystérique de l’« écologie punitive » du Medef…

Si Élisabeth Borne, ministre de l’écologie, n’a pu que se contenter de dire : « Nos perspectives convergent mais, souvent, vous allez plus vite et plus loin »… Ces quelques propositions ont suffi à déclencher un tollé dans les rangs du patronat et de tous ses défenseurs, colère hystérique et disproportionnée qui en dit long sur leur égoïsme de classe, sur leur refus absolu de céder la moindre part de leur profit pour faire face aux enjeux de la crise climatique… « une approche maximaliste », « une écologie radicale, jusqu’au-boutiste » a dénoncé le Medef, « une vision de l’écologie plus punitive qu’incitative », une « marche forcée de la société des interdits » « qui ne correspond pas trop à une vision du monde de l’entreprise » et échoue « à concilier écologie et développement économique et de l’emploi ».

A droite, Christian Jacob a dénoncé « une logique de décroissance, de contraintes, de punitions », le sénateur Philippe Bas « la vulgate du lobby écologiste ». Quant à Marine Le Pen, elle a déclaré que la Convention avait « accouché de propositions toutes plus loufoques les unes que les autres, sans conscience des réalités économiques, et sans pertinence sociale et écologique ».

Dominique Reynié, directeur d’un thinktank libéral a résumé sans nuance cette hystérie des défenseurs d’une société capitaliste faillie en écrivant qu’inscrire dans la Constitution l’obligation de ne pas « compromettre la préservation de l’environnement » ouvrirait tout bonnement la voie à « la dictature » !

Si une partie de la presse se focalise sur la limitation de vitesse à 110 km/h sur les autoroutes, ce n’est pas cette mesure qui a déclenché cette hystérie patronale mais bien celles qui, avec leurs limites et leurs illusions dans les institutions, sont autant de tentatives pragmatiques de rationaliser l’économie, pour l’orienter vers l’idée de produire des biens réellement utiles avec le souci de préserver l’environnement. Une préoccupation largement partagée dans la population mais qui ne peut être perçue par les représentants des classes dominantes que comme une dictature contre leur droit à faire des profits comme ils veulent où ils veulent, quel qu’en soit le prix à payer par les salariés, les consommateurs et l’environnement.

… l’égoïsme et l’incurie des classes dominantes

A l’inverse de ces quelques mesures de « bon sens », les conférences internationales sur le climat qui se sont succédé depuis 25 ans se sont toujours situées dans le respect de la mondialisation financière à travers laquelle les multinationales s’approprient les richesses produites par le travail humain, tout en ravageant l’environnement. Et elles n’auront été qu’une succession d’échecs, car loin de diminuer, les rejets de gaz à effet de serre ont continué à augmenter et sont aujourd’hui supérieurs de 60 % à leur niveau de 1990, entraînant des valeurs records de concentrations atmosphériques et, une accélération du réchauffement climatique !

Depuis l’accord de Kyoto de 1995, de COP en COP, les classes dominantes et leurs représentants ont toujours refusé de prendre des décisions politiques à la hauteur des recommandations des scientifiques qui auraient impliqué de faire passer l’intérêt du plus grand nombre avant les intérêts de quelques multinationales. Tout au contraire, ils n’ont fait que soumettre les conférences pour le climat à la logique du marché, transformant ces grandes messes sur la planète en foire commerciale du capitalisme vert. Au nom de la « transition écologique » ils ont multiplié les attaques contre les populations en leur imposant des taxes comme celle sur les carburants tout en finançant et créant de nouvelles opportunités d’investissements pour les multinationales et de nouvelles sphères de spéculations financières autour des « crédits carbone » et autres mécanismes de compensation.

En étant soumise à la dictature des marchés financiers imposée par les classes dominantes, l’ensemble de la société reste entravé, rendu incapable de mobiliser toutes ses ressources, son intelligence collective pour faire face à une pandémie comme celle du Covid-19 ainsi qu’au réchauffement climatique.

C’est la soumission à cette logique de classe qui explique l’incapacité totale des gouvernements comme de leurs parlements, des États à prendre des mesures à la hauteur des enjeux.

En ce qui concerne les mesures proposées par la Convention pour le climat, plus de 55 députés de divers bords, puisque, aujourd’hui, tous les partis institutionnels rivalisent de zèle « écologiste », ont proposé leur service pour les présenter au Parlement : « Nous nous tenons prêts à prendre la suite de vos travaux pour concrétiser par la voie législative les mesures qui le nécessitent ». Mais que ce soit par référendum ou par voie parlementaire, il est bien illusoire d’espérer qu’un quelconque cadre institutionnel permettra d’infléchir la politique des États sans avoir à remettre en cause la domination de ces quelques multinationales qui ont façonné le monde selon le seul impératif de la rentabilité, de la compétitivité, du profit. C’est une logique de classe que tous les gouvernements justifient, malgré leurs beaux discours sur la planète… et c’est cette même logique qui déclenche cette haine du patronat contre la moindre tentative de lui opposer la défense des intérêts du plus grand nombre.

L’urgence écologique, la nécessaire réorganisation de l’économie sous le contrôle du monde du travail

La crise climatique ne fait qu’accentuer les contradictions d’un capitalisme en faillite, en rendant plus insupportable l’aberration de son organisation comme les inégalités sociales qu’il engendre tout en révélant le cynisme et l’incurie des classes dominantes. Le capitalisme semble avoir atteint ses limites et ne se survivre qu’en étant de plus en plus parasitaire, qu’au prix d’une accentuation de l’exploitation du travail humain comme du pillage des richesses naturelles et des ravages sociaux et environnementaux que cela entraîne.

Pourtant jamais la société humaine n’a été aussi riche de possibilités du fait des progrès des sciences et des techniques comme du fait du développement à l’échelle du monde d’une classe de salariés, plus jeunes, plus instruits, plus interconnectés que jamais et dont la conscience évolue en profondeur face à l’accentuation des conséquences sociales, écologiques, économiques de la crise globale du capitalisme.

Faire face aux enjeux de cette crise globale implique de mobiliser toutes ces possibilités, toutes ces ressources en les libérant de leur dévoiement par la logique de profit, des entraves de la propriété privée capitaliste.

Une telle perspective ne dépend pas du choix d’un bon gouvernement même armé d’un bon programme, d’une liste de bonnes mesures écologistes ni d’ailleurs de leur vote au Parlement mais de la capacité des salariés et de la jeunesse à s’emparer directement du problème, en tout indépendance des institutions, pour intervenir directement sur le devant de la scène politique et imposer par la voie démocratique et révolutionnaire les mesures d’urgences indispensables.

Parce qu’il s’agit d’imposer une autre logique sociale que celle du profit, il faudra pour la mettre en œuvre que le monde du travail exerce directement son contrôle en empiétant sur la propriété capitaliste jusqu’à l’expropriation des principales multinationales pour les prendre en main et s’en servir de levier pour réorganiser l’ensemble de la production et des échanges, dans le cadre d’une

planification démocratique de l’économie.

Ce n’est que dans ce cadre, en rupture complète avec le productivisme mortifère et l’absurdité d’une société de consommation produits de la folie capitaliste, que l’ensemble de la population pourra discuter et décider démocratiquement de comment réorganiser l’appareil productif, de quelle production développer ou au contraire réduire en tenant compte des contraintes écologiques, et de comment aussi réduire le temps de travail.

Seule une telle planification mondiale de la production et des échanges permettra de penser l’activité économique, sans critères de rentabilité financière, de concurrence, de profit mais avec l’objectif d’organiser la production des biens utiles aux populations de la façon la plus rationnelle et respectueuse possible de l’environnement, dans le cadre d’une société démocratique, en harmonie avec la nature.

Bruno Bajou

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