« Nous sommes en guerre » a martelé Macron lundi 16 mars, annonçant le confinement de la population sans même en prononcer le mot mais multipliant, de même que son gouvernement, la rhétorique guerrière et autoritaire, annonçant le déploiement de 100 000 gendarmes et militaires dans les rues pour faire respecter l’isolement.

Dans la foulée, les appels à l’union nationale se multipliaient. « Le temps n’est plus celui de la polémique » expliquait Mélenchon. Jeudi, l’ensemble des députés, LFI et PCF compris, adoptaient à l’unanimité une loi des finances rectificative incluant un plan d’aide au patronat de 45 milliards d’euros (les sénateurs PCF se sont abstenus le lendemain). Le Maire et Darmanin n’ont pas manqué de saluer un tel « esprit de concorde » ! Vendredi, ce sont les 5 confédérations syndicales qui signaient avec les représentants patronaux une déclaration assurant de leur attachement au « dialogue social », immédiatement contestée par nombre de structures au sein de la CGT. Pendant ce temps, le gouvernement annonçait des mesures d’exception contre les travailleurs, « dérogations au droit du travail » remettant en cause les amplitudes horaires et les 35h, le droit à repos et à congé… Des mesures regroupées dans la loi d’ « état d’urgence sanitaire » adoptée par le Parlement dans la nuit de samedi à dimanche. Les députés LFI et PCF se sont sentis obligés, heureusement, de voter contre. Le PS lui s'est abstenu, à l'exception de trois députés qui ont aussi voté contre.

Depuis une semaine, gouvernement et patrons se partagent les rôles, jusqu’à l’écœurement. Sibeth Ndiaye, assurant avec le même aplomb l’inverse de la veille, Castaner faisant claquer ses talonnettes de premier flic de France, Philippe accusant la population de ne pas respecter les « règles »… tandis que Pénicaud, Le Maire, Darmanin… ou Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, exhortent les prétendus « héros quotidiens de l’entreprise » à « impérativement continuer à produire » pour « la continuité de la Nation » et… des profits ! Des discours insupportables de cynisme alors que Buzyn, révélait en début de semaine qu’elle-même et le gouvernement étaient parfaitement au courant depuis janvier du « tsunami » à venir.

Tous ont commencé par nier la gravité de la pandémie et continuent à naviguer à vue, les yeux rivés sur les profits et les intérêts de la finance, retardant et relativisant les mesures radicales nécessaires pour ralentir sa progression, dont le confinement d’autant plus nécessaire vu le manque de moyens, en particulier de tests, alors que les porteurs sains peuvent transmettre le virus….

L’incurie criminelle des classes dominantes et de leur personnel politique éclate à une échelle jamais atteinte. Mais au-delà de la réalité des « connards qui nous gouvernent », selon le titre d’un pamphlet de Lordon, ce qui éclate au grand jour, c’est la décomposition et la faillite de leur société, la catastrophe dans laquelle la dictature de la finance plonge le monde. Une faillite qui met à l’ordre du jour de façon aiguë, au-delà de la critique du capitalisme et du « néo-libéralisme », l’impérieuse nécessité de mesures d’urgence pour faire face au krach boursier et à la récession en cours, s’attaquant au pouvoir de la finance. Pour des centaines de millions de femmes et d’hommes, confinés ou non, est posée la nécessité de la réponse à l’impasse du capitalisme, d’une société débarrassée de l’exploitation et de la course au profit, basée sur la coopération des travailleurs et des intelligences du monde entier. Les mesures d’urgence sanitaire sont indissociables de mesures protégeant les travailleurs et remettant en cause l’économie capitaliste. Une question vitale non seulement pour trouver les moyens de juguler l’épidémie mais la crise globale dont elle est le révélateur, crise sociale, financière, économique, écologique et sanitaire.

Des ruptures irréversibles

La conscience n’a probablement jamais été aussi grande de la contradiction entre les moyens techniques, humains, les savoirs, l’engagement total de millions de travailleuses et travailleurs, de scientifiques, de techniciens… et l’appropriation des richesses par une poignée de financiers, de multinationales qui soumettent l’ensemble du monde à leur soif insatiable de plus-value, à une concurrence généralisée. La pandémie a d’ores et déjà des conséquences dramatiques parmi les populations les plus pauvres et précaires, dépourvues d’accès au minimum de soins et de moyens, comme en Afrique ou en Asie du Sud, mais aussi en Italie.

En France, 7ème puissance et 3ème pays exportateur d’armes au monde, le scandale de la pénurie de masques, de gel hydro alcoolique, de protections minimales dont le coût est pourtant dérisoire, fait naître une profonde colère, accélère les évolutions.

Scientifiques, virologues, médecins et personnels soignants, chercheurs dénoncent « cette pénurie inouïe », accusent les politiques qui ont les uns après les autres fermé 100 000 lits d’hospitalisation en 20 ans, démantelé le système de santé et l’ensemble des services publics dont celui de la recherche soumise aux intérêts des multinationales, multipliant les coupes budgétaires, arrêtant des programmes fondamentaux jugés non rentables dont ceux liés aux menaces d’épidémies, ignorant les multiples alertes de chercheurs.

« Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture » avait déclaré Macron… Oui, il y a rupture, de plus en plus profonde.

Open bar pour la finance et les patrons, suspension du droit du travail pour les « héros »

Macron et Le Maire ne cessent d’ouvrir des lignes de compte pour les banques et les patrons : garantie par l’État des prêts bancaires accordés aux entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros (+ 1000 milliards de garanties par l’Europe) ; aide aux entreprises de 45 milliards, report du paiement des cotisations sociales, prise en charge intégrale du chômage partiel… L’État fait marcher la planche à billets, trouve des centaines de milliards pour alimenter la chaudière de la finance, la rendant toujours plus folle, accélérant la crise… mais il n’a annoncé que 2 milliards pour l’Assurance maladie pour l’achat de masques et le paiement des arrêts maladie !

Hier, il réservait les gaz lacrymogènes et les violences policières aux personnels hospitaliers et médecins qui revendiquaient d’urgence 4 milliards pour l’hôpital et dénonçaient l’imminence d’une crise majeure. Aujourd’hui, malgré la situation dramatique, rien n’est prévu pour les hôpitaux. Et mesquinerie assumée, le gouvernement a maintenu toute la semaine le jour de carence pour les agents du public, dont les hospitaliers, avant d’enfin reculer samedi face au scandale… et il refuse aux soignants qui contractent le Covid 19 la reconnaissance en maladie professionnelle ! Mais « chaque heure supplémentaire sera payée » a promis Darmanin… Le prince est trop bon.

Incompétence diront certains ? Non, pleine conscience d’être au service d’un camp social, de la finance mondialisée qui exige d’alimenter la machine, quels qu’en soient le prix et les conséquences pour l’immense majorité de la population mondiale ! Une fuite en avant inéluctable, une crise globale dont personne ne peut dire quels seront les développements à court ou moyen terme et qui ne peut prendre fin qu’avec l’intervention collective et consciente des exploités, les 99 % qui font tourner la société sur l’ensemble de la planète, les « non-héros » du quotidien contestant la domination de la finance, postulant à la gestion de l’économie et de l’ensemble de la société, disputant le pouvoir aux multinationales et aux banques.

Le gouvernement, qui crise financière oblige, a reporté la privatisation d’ADP, envisage d’avoir recours à des nationalisations pour « sauver les fleurons » de l’économie française. Peu importe les odes d’hier à la libre entreprise et au goût du risque des premiers de cordée… Pas plus Macron que les autres personnels politiques de la bourgeoisie n’agissent par « idéologie ». Ils mettent l’État, son appareil et son budget au service des entreprises, des banques. Leur « nationalisation », c’est irriguer d’argent frais les actionnaires et les créanciers et mettre à la charge des budgets publics les risques, les pertes et les restructurations à venir que paieront travailleurs et contribuables… Ce qu’avait fait Mitterrand en 1981 avant que les gouvernements de cohabitation reprivatisent, à partir de 1986, des entreprises redevenues rentables après restructurations et plans de licenciements, le gouvernement Jospin de 1997 à 2002 battant tous les records…

L’état d’urgence sanitaire autorise le Premier ministre à prendre par décret des mesures « limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire »… Mais les seules contraintes mises en place sont celles vis-à-vis des travailleurs. Au Portugal, même le droit de grève a été suspendu !

Les entreprises multiplient les pressions sur les salariés, quels que soient les risques encourus. Il a fallu des menaces de grève, des débrayages, des droits de retraits massifs pour contraindre des entreprises à fermer leurs portes, comme dans l’automobile ou à Michelin... Mais CDiscount, La Redoute et bien d’autres tentent coûte que coûte de maintenir leur activité maximale. Pendant la pandémie, les affaires et la concurrence continuent, et Amazon prévoit 100 000 embauches pour profiter de « l’aubaine » !

Pour un état d’urgence sanitaire, social, démocratique, économique

L’urgence sanitaire passe par l’urgence de la lutte contre la rapacité des grands actionnaires et de leurs larbins.

Le gouvernement est obligé aujourd’hui de rouvrir en catastrophe des lits par milliers, des services précédemment fermés, de monter des hôpitaux de campagne, de faire appel aux étudiants, aux retraités, dans la plus grande improvisation. En Espagne, des hôtels sont réquisitionnés pour servir d’hôpitaux. Chaque État bricole tandis que les soignants doivent déployer une énergie infinie pour ne serait-ce que trouver des masques !

Tous les moyens financiers, techniques, humains disponibles doivent être tournés vers la prise en charge des malades, la recherche de traitements, de vaccins, la production à grande échelle de matériels, de réactifs pour des tests de dépistage systématiques. Les besoins sont connus ! Les médecins, les chercheurs, les épidémiologistes du monde entier les répètent depuis des semaines et alertent depuis des années. Y répondre impose des mesures contraignantes. Il faut imposer les réquisitions des moyens et entreprises nécessaires, coordonner les équipes de chercheurs dans le monde entier en dehors de toute logique de profit, de concurrence, exproprier les multinationales de l’industrie pharmaceutique, et du matériel médical, les cliniques privées.

L’urgence est à l’organisation démocratique de la société, y compris pour son « confinement ». Seule la population et les travailleurs sont à même de dire quels secteurs de la production, de la distribution, quels services peuvent et doivent être maintenus et de quelle manière pour répondre aux besoins prioritaires. Cela permettra de partager le travail strictement utile entre tous les bras disponibles, en diminuant l’exposition de tous. Les quelques mesures qui ont été prises dans ce sens aujourd’hui l’ont toutes été sous la pression des travailleurs, la menace des luttes. De la même manière devrait être organisée immédiatement la réquisition des logements disponibles, hôtels, bâtiments, afin que personne ne soit à la rue ou dans des logements précaires, que tous aient accès à une alimentation correcte. Dans le monde entier, des initiatives solidaires, d’entraide, se multiplient pour pallier l’incurie des pouvoirs publics.

Il faut mettre l’ensemble des richesses au service de la collectivité, sous son contrôle. Cela exige de mettre fin au scandale des spéculations financières, de fermer les bourses où des masses gigantesques d’argent continuent de se déplacer de manière fébrile, cherchant à capter toute goutte de plus-value malgré la récession. Les milliards d’argent public que les gouvernements injectent dans la machine alimentent la crise financière.

Les banques doivent être mises sous le contrôle des travailleurs et de la population dans la perspective de créer un monopole public bancaire. C’est aux travailleurs, aux classes populaires de décider à quoi doivent servir les richesses créées, les mettre au service exclusif de la satisfaction des besoins collectifs, des productions utiles. Plus que jamais, la question de la socialisation de l’économie et de la planification de la production est posée.

Une situation inédite, des possibilités et des responsabilités nouvelles

Incapables de mener la lutte contre l’épidémie de façon démocratique et efficace, du fait des conséquences dramatiques de leur politique passée et de leur volonté de préserver les intérêts des classes dominantes, les gouvernants la mènent contre les populations.

« Il y a aussi une guerre économique et financière. Elle sera durable, elle sera violente » a averti Le Maire le 17 mars. La finance mondialisée et son personnel politique se préparent à faire payer leur crise à la classe ouvrière et à la jeunesse mondiales.

Les mesures que prennent les Etats au nom de la lutte contre le coronavirus sont lourdes de menaces pour le monde du travail et la population. « Dérogations » au code du travail, réorganisations dans la production, la distribution, les services publics, propagande quotidienne qui mêle consignes sanitaires et injonctions liberticides... les gouvernants préparent la suite, au-delà du coronavirus.

Par-delà les frontières et ceux qui les ferment, la conscience grandit que travailleurs manuels, intellectuels de tous pays, notre sort et nos intérêts sont liés. La rapidité de l’évolution de la situation, de la globalisation de la crise provoque une accélération des évolutions des consciences, des ruptures avec les illusions nationalistes, réformistes et institutionnelles portées par les appareils syndicaux et parlementaires.

Cette rupture s’est exprimée dans les élections municipales, parodie de démocratie largement boycottée par les électeurs, en particulier dans les quartiers populaires, bien au-delà de la crainte de l’épidémie. Dans ce contexte, les quelques listes portées par des révolutionnaires, pour l’essentiel par Lutte Ouvrière et à la marge par le NPA, ont permis de rassembler localement un nombre certes modeste mais non négligeable d’électeurs. Des candidatures et une campagne politique qui ont participé et participent de fait, malgré un éparpillement et une ignorance mutuelle qu’on ne peut que regretter, à la construction de l’outil politique nécessaire au monde du travail, à ses luttes, à son organisation indépendante pour poser la question du pouvoir et de la révolution.

La situation est inédite, elle transforme les consciences à grande échelle et donne des possibilités et des responsabilités nouvelles aux militant.e.s du monde du travail, à tous les militant.e.s lutte de classe et particulièrement aux révolutionnaires. Elle exige des réponses inédites que nous ne pourrons élaborer qu’ensemble, au cœur du combat social, révolutionnaire, pour aider à l’organisation des travailleurs par eux-mêmes, en toute indépendance de l’union nationale des politiciens drapés de bleu-blanc-rouge, pour construire un monde débarrassé de l’exploitation et de la course au profit !

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