Macron, le gouvernement, tous nous vantent la « reprise » dans cette rentrée avec une prévision de croissance à 6,25 % sur l’ensemble de l’année 2021, après une chute de 8 % en 2020.

Mais c’est une croissance sur l’océan d’une dette qui devrait culminer à … 116 % du PIB. C’est la reprise des profits subventionnée par le gouvernement, une reprise qui annonce un retournement. L’heure est à la « consolidation budgétaire » et à son cortège de mesures antisociales, comme l’ont discuté les ministres des finances de la zone Euro vendredi, alors que la BCE cherche à réduire son programme de rachat de dettes publiques.

Dans la foulée de la loi d’extension du pass sanitaire Macron passe à l’offensive. L’horizon fixé sur l’élection présidentielle, il veut poser au chef qui veut « réformer », s’appuyant sur les déclarations d’autosatisfaction du gouvernement sur la reprise ou sur la situation sanitaire… Même si la mise en examen de Buzyn pour « mise en danger de la vie d’autrui » révèle toute la gabegie du pouvoir dans la gestion de la crise du Covid.

Alors que le Conseil d’État avait suspendu fin juin le nouveau calcul de l’indemnité chômage au vu de la situation sociale, Macron veut imposer l’ensemble de sa réforme de l’assurance-chômage dès le 1er octobre. D’après l’Unedic, elle conduira à une diminution d’indemnités pour près d’un million de salariés précaires qui ont déjà bien du mal à joindre les deux bouts. Mais pour Macron et le patronat, il faut contraindre les travailleurs à accepter n’importe quel boulot, au salaire le plus bas possible. Comme l’a résumé cyniquement Castex cette semaine : « Tout doit être mis en œuvre pour inciter au travail » !

Sur la réforme des retraites, Macron et Castex soufflent le chaud et le froid. Macron veut, avant la fin de son mandat, une partie de sa réforme, interrompue par la pandémie et par les mobilisations qui l’avaient précédée. Il veut en particulier imposer une défaite aux salariés bénéficiant des régimes spéciaux, en cherchant à dresser l’opinion contre leurs soi-disant « privilèges ».

Mais visiblement, LREM n’est pas décidée et surtout, le Medef veut attendre l’élection présidentielle, craignant la mobilisation des travailleurs sur ce sujet sensible. Mais au-delà du rythme de l’attaque, tous affirment leur volonté de s’en prendre durement au monde du travail, le plus tôt possible.

Reculer l’âge de départ, baisser les pensions, baisser les indemnités chômage… voilà leur politique de « reprise » contre les travailleurs. Pour le patronat par contre, la générosité reste de mise. Depuis mars 2020, les entreprises ont reçu 80 milliards d’aides publiques (hors prêts garantis par l’Etat) et Macron doit annoncer en octobre un nouveau plan d’investissement, « France 2030 », estimé à 30 milliards… subventionner encore et encore la machine à profits !

« Reprise » … des profits, envolée des prix et salaires au rabais

Drôle de reprise, où chaque multinationale ne voit que les intérêts de ses actionnaires, quitte à créer la pénurie, amplifier la flambée des prix et à replonger dans la crise.

Les constructeurs automobiles manquent de semi-conducteurs, au point que des usines Renault et Stellantis ont dû s’arrêter en septembre. La pénurie de polymères (servant à la fabrication de colles, peintures et résines) impacte lourdement le secteur du BTP. Les ruptures de stock provoquées par les manques de conteneurs au niveau mondial, commencent à toucher non seulement les usines mais aussi les magasins. Mais cette situation est une aubaine pour les sociétés de transport maritimes. Le prix des conteneurs a triplé, passant de 2000 à 3000 € jusqu’à… 17 000 € !

L’impact des mauvaises récoltes sur les prix est amplifié par la spéculation sur les matières premières agricoles, à commencer par le blé qui a augmenté de 15 % depuis le mois de juin. Même chose avec les matières premières industrielles : le coût des emballages s’envole avec + 50 % pour le PET (servant à la fabrication des bouteilles en plastique) et + 58 % pour le polystyrène. Les prix de production du PVC ont augmenté de 46,4 % entre décembre et juin et ceux des aciers de 45 %.

Les factures d’énergie flambent elles aussi, sous l’effet d’une demande internationale plus importante : + 8,7 % en moyenne pour le tarif réglementé du gaz à compter du 1er septembre et depuis le début de l’année +12 % pour le gazole et +16 % pour l’essence.

Sur le marché « libéré » de toute entrave de l’électricité et du gaz, les capitalistes libèrent surtout leurs appétits : en un an, le gaz est passé de 13 € à 57 € le MWh et l’électricité de 45 € à 80 € le MWh. Une telle frénésie pourrait conduire à des augmentations de 20 % en moyenne des factures de gaz et d’électricité en Europe d’ici l’hiver !

Cette flambée des prix n’a rien à voir avec la mauvaise météo, elle n’est pas un simple phénomène « passager ». C’est la logique même du système capitaliste, qui généralise la mise en concurrence et la loi de l’offre et de la demande, qui alimente la spéculation financière à grande échelle, quitte à plonger la société dans la récession.

C’est cette politique qui alimente les « marges » des entreprises qui se portent si bien. D’après Le Monde, « le taux de marge a atteint 35,9 % au premier trimestre 2021, un record depuis… 1951. Quant aux géants du CAC 40, ils ont réalisé plus de 60 milliards d’euros de profits au premier semestre, soit 41 % de plus que lors de la même période de 2019 ».

Les classes populaires paient le prix fort. L’Insee vient d’annoncer une inflation de 1,9 % sur un an, qui ne fait que refléter l’augmentation bien plus importante de toutes les dépenses de première nécessité, loyers, énergie, carburant, alimentation…

Si l’inflation atteint + 2 % sur un an, le gouvernement serait même contraint d’augmenter le SMIC de… 31 € brut mensuel. Bien loin du compte pour les classes populaires, mais Le Maire annonce la couleur en déclarant qu’il n’est pas question d’aller plus loin, ni sur le SMIC, ni sur la Fonction publique : « c’est donner un coup de canif au redressement de l’emploi » !

Quel cynisme ! Le SMIC n’a pas connu d’augmentation extra-légale depuis 2012 et les fonctionnaires subissent le gel du point d’indice depuis 2010. Sur 2021, une enquête sur 150 grandes entreprises révèle que le budget des augmentations n'évoluera que de 1,45 % : un des taux les plus bas depuis dix ans !

Dans les secteurs des « premier(e)s de corvée », les patrons se plaignent qu’ils ne trouvent pas de personnel tellement les salaires sont bas et les conditions de travail insupportables. La réponse de Borne est d’appeler au « dialogue social » dans les branches concernées, à l’image du nettoyage où un accord vient d’être signé par la CGT et FO pour 1,6 % d’augmentation… en-dessous de l’augmentation du coût de la vie !

Les discussions de salon ne régleront rien. La question des salaires est une question de rapport de force global, une question politique, assurer les dividendes des actionnaires ou la satisfaction des besoins de l’immense majorité.

La colère et l’envie de reprendre l’offensive sont bien là

La rentrée sociale est inédite. D’abord par la contestation qui s’est exprimée durant tout l’été contre le pass sanitaire et au-delà des confusions, contre cette politique d’offensive globale de Macron et des classes dominantes.

Sur le terrain des luttes sociales, la grève de Transdev dans la région parisienne témoigne de la révolte contre l’ouverture à la concurrence sur le dos des salariés dans le transport urbain. Sur les piquets de grève, la conscience de devoir lutter tous ensemble contre cette mise en concurrence généralisée se renforce, tant il est évident que Transdev, qui vient juste d’emporter le marché du TER de la ligne Marseille-Nice, compte faire la même chose contre les cheminots.

Le 14 septembre, la CGT santé appelle à manifester contre l’obligation vaccinale qui entrera en vigueur le 15 septembre, après d’autres initiatives appelées durant l’été par Sud santé sociaux notamment. Alors que l’ensemble du secteur est frappé par le sous-effectif et les conditions de travail insupportables, les suspensions qui viennent s’ajouter au mépris du gouvernement, vont aggraver la situation. D’après le dernier décompte du ministère de la Santé, 13 % des personnels hospitaliers n’avaient pas commencé leur parcours vaccinal. Mais qu’importe ! La FHF, qui regroupe les directions des hôpitaux, vient de déclarer : « le gouvernement a raison d’être très ferme sur le sujet. On approuve totalement cette fermeté (…) en réalité, nous pensons que le refus de la vaccination ne concernera qu'une centaine de personnes ».

Mais cette journée de manifestation se fait sans lien avec la journée interprofessionnelle du 5 octobre. L’appel à cette dernière ne cite même pas le pass sanitaire, tellement les directions syndicales intègrent leur rôle de « partenaires sociaux » ! C’est pourtant une seule et même offensive que Macron déploie avec sa politique de police sanitaire et ses attaques contre le monde du travail.

Même chose pour la journée du 23 septembre dans l’Éducation, où là encore, les directions syndicales n’affirment pas l’objectif de construire une mobilisation d’ensemble, de s’affronter à ce gouvernement, à ce mépris de classe de Blanquer accusant les parents d’acheter des écrans portables avec l’allocation de rentrée scolaire !

Oui, la colère est bien présente, mais elle a besoin d’une politique, d’une conscience claire de nos intérêts, d’un programme pour à la fois construire collectivement un plan de bataille et pour l’inscrire dans la perspective plus globale d’en finir avec ce système.

Un programme pour prendre en main la marche de la société

L’appel à la journée du 5 octobre ne chiffre rien sur les augmentations de salaire. Il s’insère dans la politique des plans de relance, en demandant « la conditionnalité des aides publiques selon des normes sociales et environnementales permettant de préserver et de créer des emplois » et se contente de formules pour le moins vagues comme « l’arrêt des licenciements » sans dire comment l’imposer… Comme si l’Etat pouvait imposer quoi que ce soit aux entreprises, alors que depuis des années, les gouvernements successifs n’ont cherché qu’à baisser le « coût du travail » pour satisfaire les intérêts des capitalistes.

Sur les salaires, la « reprise » des profits impose d’exiger des augmentations en fonction de nos besoins, pour l’ensemble des travailleurs à temps complet ou partiel. Il faut en finir avec le « mérite » et cette mise en concurrence permanente pour exiger des augmentations de 300 euros nets par mois et pas de revenu inférieur à 1800 euros net, SMIC, minima sociaux, pensions.

De même, la flambée actuelle des prix pose le problème de leur contrôle, en commençant par chiffrer nous-mêmes la réelle augmentation de ces dépenses de première nécessité, bien supérieures à l’inflation officielle fournie par l’Etat. Il faut rediscuter échelle mobile des salaires et exiger que les salaires suivent l’augmentation du coût de la vie. Sur « l’emploi », il faut en finir avec les subventions d’argent public à fonds perdus pour le patronat qui au final alimentent les records du CAC 40.

En finir avec cette politique, imposer nos droits, les droits de la collectivité, c’est postuler au contrôle des salariés sur la marche des entreprises, au contrôle de la population sur toute l’économie, pour décider ce que l’on produit ou non, pour partager le travail entre toutes et tous et réserver l’argent public aux embauches massives dans la santé, l’éducation, les services publics.

Laurent Delage

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