Le lancement de la campagne de vaccination contre la Covid 19 a été l’occasion, pour le gouvernement, de donner une nouvelle démonstration de son incurie. Commencée le samedi 27 décembre, à peine 500 personnes avaient été vaccinées au cours du week-end qui a suivi, 7000 dans la semaine pour 216 000 en Allemagne… Macron, qu’aucune indignité n’arrête, a tenté de se défausser de ce fiasco en chargeant l’administration des services de santé, prétendant qu’il « ne laissera pas s’installer une lenteur injustifiée ». Véran, lui, y est allé d’un nouveau mot d’ordre : « Amplifier, simplifier, accélérer ». Jeudi 7, lors de la conférence de presse organisée par Castex, il annonçait que 45 000 vaccinations avaient été réalisées au cours des 5 derniers jours et promettait le million pour fin janvier. L’avenir dira ce que sera réellement cette « accélération »...

En attendant, la campagne contre les « antivax », supposés ou réels, bat son plein, une occasion pour le pouvoir et les médias complices de tenter de détourner l’attention du véritable problème : un système de santé qui montre une nouvelle fois, après les masques puis les tests, ses limites dramatiques. Les responsables en sont le pouvoir lui-même et la société qu’il sert. Une société où les intérêts privés et la recherche du profit foulent au pied les intérêts collectifs, même les plus vitaux. C’est d’autant plus choquant et inacceptable que les progrès immenses –la mise au point extrêmement rapide de vaccins en est une illustration- réalisés par l’intelligence et le travail humain sont ruinés, pervertis par la concurrence, la dictature des lois du marché.

Cette contradiction apparaît de plus en plus clairement, approfondit la méfiance vis-à-vis de l’exécutif. Et ce discrédit n’est certainement pas pour rien dans la méfiance de bien des personnes à l’égard du vaccin lui-même. Mais même si on peut comprendre les hésitations face à l’opacité des multinationales du médicament, à la concurrence qu’elles se livrent, la vaccination est bien la réponse à cette pandémie, comme elle l’a été vis-à-vis d’une multitude d’autres. Faire la grève du vaccin n’est pas la bonne façon d’exprimer notre méfiance, notre rejet d’un pouvoir au service des intérêts privés des riches, d’autant que ce refus est souvent alimenté par d’absurdes raisonnements complotistes que flatte l’extrême-droite.

Notre combat, c’est celui pour le contrôle de la marche de la société, pour la transparence, en tout premier lieu sur le plan sanitaire, pour une véritable campagne de vaccination, contre Big pharma qui spécule sur la pandémie, mais aussi sur le plan économique et social.

Les financiers exultent…

Dans un article de fin décembre, Le Monde, pointant le paradoxe entre une économie en plein marasme et l’euphorie des marchés financiers, titrait : « Bourse : les chiffres fous d’une année hors norme ». Mais ce ne sont pas les chiffres qui sont fous, c’est la logique du système lui-même, la politique des dirigeants politiques et financiers de la planète, la boulimie aveugle des spéculateurs.

Le coup d’arrêt imposé à la production, fin février, par les mesures sanitaires avait provoqué une violente chute des Bourses mondiales, rapidement stoppée par l’injection massive d’argent frais par les Etats et les Banques centrales. Ces derniers maintiennent l’économie mondiale sous perfusion depuis la crise de 2007-2009. Dans l’urgence, ils ont massivement augmenté les doses pour éviter que la panique ne fasse tache d’huile. Doses qu’ils continuent d’administrer à coup de « plans de relance » et autres « aides à l’économie » sans cesse renouvelés.

Mais dans une économie en récession chronique et dont des secteurs entiers sont fortement ralentis, ces injections d’argent ne peuvent que nourrir la spéculation. Les premiers bénéficiaires en sont les actionnaires des « géants de la tech », à commencer par les GAFAM dont la capitalisation boursière s’est envolée : Apple (+ 80 % depuis le début de l'année), Microsoft (+ 40 %), Amazon (+ 70 %), Google (+ 28 %). Le Big pharma n’est pas en reste. L’annonce le 7 novembre par Pfizer et BioNTech que leur vaccin était désormais au point s’est traduite par une ruée sur l’action de l’entreprise et s’est répercutée sur l’ensemble des valeurs du secteur, et même au-delà, le CAC 40 en aurait même bénéficié.

Les commandes directes des Etats aux entreprises ont elles aussi un effet euphorisant sur les spéculateurs. Tesla, devenu fournisseur privé de lanceurs et de capsules spatiales pour la NASA, a vu son indice au S&P 500 grimper de 700 % et son patron est désormais l’homme le plus riche du monde. Plus largement, c’est l’ensemble du secteur de l’armement qui bénéficie de ces commandes des Etats, comme en France Dassault, Thalès, Safran et quelques autres. La production d’armements accélère aux frais du contribuable et au grand bénéfice des actionnaires, la militarisation du monde se poursuit de plus belle.

Parallèlement, dans les secteurs les plus touchés par la crise, nombre d’entreprises se sont beaucoup endettées, ainsi que les Etats dont la dette atteint des records et ne cesse d’augmenter. Dans une économie en récession, sans réelle perspective de reprise, ce cercle vicieux de l’endettement conduit inéluctablement à une crise de solvabilité… sauf à penser que les Banques centrales puissent continuer sans limite leur production « d’argent magique ».

Folie spéculative, fuite en avant dans l’endettement… on ne sait lequel d’un krach boursier ou d’un effondrement de « l’industrie de la dette » se produira le premier, l’un entraînant inévitablement l’autre dans son sillage. Mais une chose est certaine, seule la prise de contrôle par le monde du travail de cette économie en faillite peut faire en sorte que cette purge, nécessaire et inévitable, se produise sans destruction massive des moyens de production dont une des conséquences serait une aggravation terrible de nos conditions de vie, qui se dégradent déjà tous les jours davantage.

Les travailleurs sacrifiés

Il y a quelques mois, Le Maire tentait de nous vendre sa politique de cadeaux au grand patronat pour de la « défense de l’emploi ». Les faits se sont chargés de détromper ceux qui auraient pu y croire. Le nombre de CDI touchés par des plans de licenciements, plus de 75 000, a triplé en 2020 par rapport à l’année précédente. Et ces chiffres ne donnent qu’une petite idée de l’étendue du désastre social en cours. Il faut y ajouter les centaines de milliers d’intérimaires, de travailleurs précaires renvoyés, de jeunes à la recherche d’un premier emploi ou d’un simple job pour payer leurs études, de travailleurs indépendants, petits commerçants, artisans, agriculteurs qui ont déjà mis la clé sous la porte ou devront le faire sous peu.

Cette situation ne peut que s’aggraver. Le « retour aux jours heureux » que nous vantait Macron ne se produira pas. Si reprise il y a, ce sera de toute façon à un niveau de production inférieur à celui d’avant le confinement. D’après certains organismes de prévision, comme l’OFCE (Office français de conjoncture économique), de nombreuses entreprises qui ont pu éviter la faillite en 2020 grâce aux aides de l’Etat ne pourront y échapper en 2021. 200 000 emplois seraient menacés.

D’autres, qui ne risquent pas la faillite, n’en lancent pas moins des plans de licenciements. Après Bridgestone, General electric et bien d’autres, Michelin vient d’annoncer un « plan de simplification et de compétitivité » visant à supprimer 2300 postes, plus de 10 % de ses effectifs en France. Total, lui, compte supprimer 700 emplois à la raffinerie de Grandpuits… Ces entreprises parfaitement rentables licencient, ferment leurs usines, les délocalisent à seule fin d’augmenter leurs profits. Dans l’aéronautique en France, qui a bénéficié d’un premier plan de 15 milliards, 30 000 emplois ont été supprimés… mais le PDG de Safran, que le cynisme n’étouffe pas, y voit au contraire le sauvetage de 30 000 emplois, puisque, dit-il, avant les aides du gouvernement, ce sont 60 000 emplois qui étaient menacés !

A cette aggravation de plus en plus pressante du chômage s’ajoutent celle de la baisse des salaires, l’offensive du gouvernement sur les retraites, du patronat sur les conditions de travail. Le capitalisme en faillite accentue d’autant plus l’exploitation que ses profits sont mis à mal par l’évolution de son propre système économique sous les coups de ses contradictions. Ce faisant, il arme les seules forces capables d’y mettre un terme.

Une colère sociale qui s’approfondit

Les inégalités sociales qui ne cessent de se creuser, l’insolence des fortunes accumulées par quelques-uns grâce aux milliards d’un gouvernement qui nous demande de nous serrer la ceinture au nom d’une « solidarité nationale » à sens unique, le cynisme et l’arrogance des patrons provoquent une profonde colère sociale. Une révolte contre les mensonges du gouvernement, son refus de s’opposer un tant soit peu à la casse sociale -quand il ne l’organise par lui-même-, son incapacité à faire face à l’urgence sanitaire autrement que par des mesures policières, etc.

C’est cette révolte sociale qu’expriment les salariés de la raffinerie de Grandpuits, en grève reconductible depuis le 4 janvier contre le plan de Total. Comme elle pourra s’exprimer à l’occasion des rendez-vous à venir, par-delà l’apathie des directions syndicales qui éparpillent les appels à mobilisation : le 21 janvier dans la Santé, le social et le médico-social ; le 23 à Paris contre les licenciements, à l’initiative de la CGT TUI et de nombreuses autres sections syndicales ; le 26, pour la journée de grève dans l’Education. Le 4 février, la CGT, le FSU et Solidaires ainsi que des organisations de jeunesse, appellent à une journée interprofessionnelle de grève et de manifestations, contre les licenciements, pour les salaires. Tandis que La coordination contre la loi Sécurité globale appelle à manifester le 16 et le 30 janvier…

Ce sont autant d’occasions pour dire les colères, le rejet de la politique des classes dominantes et pour œuvrer à l’indispensable regroupement des forces. C’est la condition nécessaire pour mettre un coup d’arrêt à la marche à la catastrophe sociale, économique, écologique et démocratique dans laquelle le capitalisme en faillite nous entraîne. Une étape importante dans la prise de conscience qu’une autre société est possible, débarrassée des parasites qui la conduisent à la ruine et placée sous le contrôle démocratique de celles et ceux qui produisent toutes les richesses.

Daniel Minvielle

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