Bridgestone a annoncé jeudi la fermeture définitive de l’usine de pneus de Béthune, dans le Pas-de-Calais, après 5 mois de pseudo « discussions » avec les pouvoirs publics et les syndicats dont le seul but était de détourner les travailleurs de la lutte. Les gesticulations du gouvernement et de la Région Haut-de-France (dont le président, Bertrand, s’est réjoui que les travailleurs aient « fait preuve d’un extraordinaire sang froid » !) n’y ont sans surprise rien fait. Ils n’en avaient pas moins promis de nouvelles « aides » pour moderniser le site, à hauteur de… 100 millions d’euros, en plus des autres financements publics (dont 1,8 million sur la seule année 2018 au titre du CICE, 170 000 euros versés par la Région au titre de la formation, entre autres). La multinationale japonaise avait décidé bien avant de « sauvegarder la compétitivité des opérations de Bridgestone en Europe » et, pour cela, de relocaliser en Estonie et en Pologne à l’image de la plupart des équipementiers, dont le français Michelin, qui ont déjà transféré l’essentiel de leur production dans les pays à « bas coût », en Europe de l’Est ou en Turquie, au Maghreb, en Espagne… A Béthune, 863 travailleurs perdent brutalement leur travail alors que de très nombreux emplois qui en dépendaient sont menacés de disparaître à leur tour dans une région ravagée par le chômage.

Le gouvernement n’en promet pas moins d’être « à leurs côtés pour travailler sur des scénarios de reprise et pour que le plan social proposé soit amélioré » ! Les oppositions dénoncent « l’impuissance » du gouvernement, Marine Le Pen (RN) « l’échec d’un État sans vision stratégique », Fabien Roussel (PCF) « l’impuissance honteuse d’un gouvernement incapable de se faire respecter », Adrien Quatennens (LFI) « les discours de Macron sur la souveraineté industrielle, c’est du flan ! ».

Comme si le drame des travailleurs de Béthune, comme celui des centaines de milliers de travailleurs en France dont l’emploi est rayé d’un trait de plume par les actionnaires dans les banques, les multinationales de l’aéronautique, de l’automobile, de la distribution, de la restauration collective, était une question de « souveraineté » nationale ! En France comme dans le monde entier, il ne peut y avoir de respect du droit des travailleurs, de la population, sans remise en cause du droit de propriété d’une poignée de multinationales de l’industrie et de la finance qui mettent en coupe réglée et aspirent toutes les richesses de la planète, plongeant la société dans une concurrence généralisée. Un système dont la pandémie est en train d’accélérer l’effondrement.

Nombreux sont ceux dont la vie est suspendue, en train de basculer alors qu’explosent le chômage, la précarité, la misère. Le secours catholique vient de publier un « état de la pauvreté en France en 2020 » dans lequel il dénonce que « fin 2020, 8 millions de personnes ont à subir l’humiliation [de l’aide alimentaire]. 12 % de la population. Huit fois plus que dans les années 1980 ». 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1063 euros par mois.

La pandémie révèle chaque jour un peu plus à quel point les classes dominantes, leurs serviteurs et ceux qui postulent à le devenir n’ont d’autre politique que la fuite en avant pour sauver les profits, leur système « quoi qu’il en coûte », aggravant sans fin la crise sanitaire, sociale, économique dont les conséquences sont dramatiques pour les classes populaires, les salariés, les petits artisans et commerçants, les « auto-entrepreneurs », la jeunesse qui subit de plein fouet la précarité…

Mais les ministres ne sont pas avares de morale, stigmatisant ceux qui ne respecteraient pas le « confinement » qui ne confine que les loisirs, les relations familiales et amicales mais expose des millions de personnes au travail, dans les transports, les écoles et lycées. Et Castex a eu le culot de déclarer, provoquant la colère des soignants et médecins : « Les soignants ne nous demandent pas d’augmenter le nombre de lits de réanimation, ne serait-ce que parce qu’ils savent bien que former un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée ne peut se faire en six mois, ils nous demandent surtout de tout mettre en œuvre pour éviter que les malades arrivent à l’hôpital » ! Leur mépris, leurs mensonges, leur indigence ne rendent que plus insupportables les gesticulations et les menaces, nourrissant le ras le bol et la révolte.

Grandes et petites manœuvres politiciennes en vue de la présidentielle

Macron croit avoir réussi au bout de six mois à s’imposer comme chef de la guerre. Guerre au virus, au terrorisme, à tous les ennemis intérieurs… Il ne rate aucune occasion, enfile les habits de De Gaulle à Colombey pour les 50 ans de sa mort, vantant son engagement « pour la France dans les moments de douleurs comme dans ceux de gloires », son esprit de « résilience et volonté ». Il fait l’apologie de l’union sacrée de 1914 à l’occasion des cérémonies du 11 novembre et multiplie la rhétorique guerrière et autoritaire.

Pendant ce temps, sa rivale Marine Le Pen intensifie l’offensive sécuritaire instrumentalisant peurs et préjugés, relaie et rejoint les complotistes, soutient Trump, répétant le 11 novembre qu’elle ne reconnaît « absolument pas » l’élection de Biden.

Face à cette offensive du camp réactionnaire qui veut étouffer, capter et dévoyer le mécontentement et les inquiétudes sur le terrain des élections, la gauche institutionnelle, qui n’a d’autres perspectives à proposer, a engagé les grandes manœuvres.

Les postulants à la Présidentielle y sont légion, d’Eric Piolle et Yannick Jadot concurrents au sein d’EELV à Fabien Roussel (PCF), en passant par Anne Hidalgo (PS), Arnaud Montebourg et bien d’autres. De quoi décider Jean-Luc Mélenchon à officialiser sa candidature et siffler la fin de la partie au sein de LFI. Il a obtenu les quelque 150 000 signatures citoyennes qu’il avait décrétées nécessaires pour se « sentir investi par le peuple » (!). Une candidature annoncée avec la mine grave au journal de 20h de TF1 : « quand tout va mal et que c’est nuit noire […] il faut allumer une lumière pour qu’on se dise ‘il y a un bout au tunnel’ […] alors je propose ma candidature ». Il a « une équipe prête à gouverner et un programme, L’avenir en commun ».

Face aux autres postulants à gauche, Mélenchon se veut serein… et rassembleur : « je suis un pôle de stabilité ». Dès le lendemain sur France Info, Adrien Quatennens invitait Montebourg, ancien ministre du Redressement productif de Hollande, à « faire équipe » : « les idées de la démondialisation, du produire en France sont des idées qui s’étendent, que nous portons à la FI depuis longtemps ». Montebourg, qui use de plus en plus d’un discours anti « élites » dénonçant les « énarques, hauts fonctionnaires tout puissants » déclarait dans une récente interview « Les idées que j'ai portées depuis longtemps sont devenues centrales et majoritaires dans notre pays. Il va bien falloir les mettre au pouvoir »…

Quant au PS, si certains n’ont pu s’empêcher de tacler Mélenchon, d’autres sont restés discrets tel ce député confiant au Monde « il ne faut pas insulter l’avenir ». Pendant ce temps, Hollande a annoncé « travailler à la construction d'une nouvelle force politique capable de gagner la Présidentielle ».

Tout ce petit monde cherche à survivre aux désaveux, à la faillite des vieux partis, et tente de capter le mécontentement des classes populaires. Rivaux, négociant les rapports de force réels ou supposés, ils sont liés par une longue pratique du pouvoir, de l’échelon le plus local à l’exécutif des régions jusqu’au gouvernement dans les différentes moutures d’union de la Gauche. La « révolution citoyenne », bien sûr « française », le « changement par les urnes » qu’ils  nous promettent sont un mirage, une impasse.

Prenons nos affaires en main, faisons de la politique pour nous représenter nous-mêmes

Face à l’offensive des classes dominantes pour sauver leurs profits, face aux surenchères réactionnaires, nationalistes ou populistes, le monde du travail, la jeunesse, les classes populaires ne pouvons compter que sur nos propres initiatives, sur notre solidarité de classe, l’entraide des « premiers de corvée » sur qui repose tout ce qui fonctionne dans la société par-delà l’incurie, le parasitisme, l’égoïsme des classes dominantes, les ravages de leur système.

Nous ne pourrons penser et construire un autre avenir qu’en prolongeant cette solidarité, cet engagement quotidien du plus grand nombre sur un terrain politique, en prenant conscience de notre rôle dans la société et en nous émancipant du mépris social et des préjugés qui visent à écraser, diviser, nier l’évidence pour faire taire. C’est le monde du travail, les exploités, les 99 % que nous sommes qui produisent toutes les richesses.

« Producteurs sauvons-nous nous-mêmes ! » affirme l’Internationale, le chant des travailleurs. Il nous faut nous emparer de la chose politique, nous organiser pour porter nous-mêmes les intérêts et exigences collectifs, contester la domination de la minorité de possédants.

L’effondrement dans lequel le capitalisme entraîne la société pose chaque jour de façon plus aiguë la question de son fonctionnement et de son contrôle. Quelles priorités économiques, sociales, quelle planification de la production, pour satisfaire quels intérêts, et qui en exerce le contrôle, une minorité parasite qui accapare aujourd’hui l’ensemble des richesses produites ou ceux qui assument au quotidien le fonctionnement de toute la société, les premiers de corvée et héros du quotidien du monde entier ?

Il ne peut y avoir d’alternative sans contester la logique capitaliste mais aussi les institutions que les classes dominantes ont taillées sur mesure pour assurer leur domination par-delà les changements de majorités. Cela ne peut se faire qu’en toute indépendance des appareils et bouts d’appareils de la gauche institutionnelle.

Le 5 décembre, ensemble contre le chômage, pour l’interdiction des licenciements

La fermeture de Bridgestone, la succession de plans de suppressions d’emplois, de faillites de petites et grandes entreprises, donnent à la journée nationale de lutte pour l’emploi et les droits des chômeurs du 5 décembre une tonalité et une actualité particulière dans un contexte de montée des mécontentements.

Le 10 novembre, après les manifestations pour la santé à Toulouse et Besançon le 7, la grève dans l’éducation a été un succès. Même si la participation aux manifestations était relativement modeste du fait du confinement, la colère des enseignants s’est fait entendre par la grève et dans la rue, dénonçant une école qui craque de toutes parts, le manque de personnels, de locaux, l’impossibilité d’appliquer les consignes sanitaires. Les précédents débrayages le 2 novembre, les droits de retrait, le blocage de certains lycées, avaient déjà obligé Blanquer à annuler pour cette année en première les épreuves E3C contestées du nouveau Bac et à autoriser la division des classes en demi-groupes dans les lycées. Des reculs partiels gagnés par la mobilisation, le gouvernement craignant que la colère soit contagieuse tant les logiques auxquelles sont confrontés les travailleurs sont identiques par-delà les secteurs.

Pour le 21 novembre, les organisations toulousaines à l’initiative de la manifestation du 7 qui a rassemblé 5000 personnes, viennent de lancer un appel à « reprendre la rue » et à « construire la riposte face au gouvernement à l'échelle nationale ».

Faire face à l’urgence sanitaire, sociale, économique, démocratique, c’est contester la propriété privée capitaliste, la logique du profit et porter la perspective de la nécessaire réorganisation de l’ensemble de la société et de l’économie par et pour la collectivité, le monde du travail.

Isabelle Ufferte

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