L’acte XIV des gilets jaunes a été une nouvelle démonstration de la vitalité du mouvement. Nous ne savons pas ce qu’il deviendra dans les semaines à venir, obligé de se définir politiquement, s’il réussira à se dégager de ses confusions populistes, ni si le monde du travail saura s’engouffrer dans la brèche qu’il a ouverte. Mais une chose est sûre, le mouvement engagé le 17 novembre dernier peut d’ores et déjà se revendiquer d’un succès : non seulement il a contraint le gouvernement à reculer et à faire des concessions mais surtout il a révélé le mensonge du discours officiel du pouvoir, sa servilité à l’égard du patronat et des riches comme sa violence verbale et physique à l’égard des classes populaires et de celles et ceux qui redressent la tête.
Plus Macron s’agite en faisant le show de son grand débat, plus il s’isole, plus le malaise qui gagne toutes les couches sociales s’exprime. Il ne peut espérer tenir que du fait que l’oligarchie financière, les gros actionnaires n’ont pas de plan B autre que Le Pen dont, pour le moment, ils ne veulent pas. Mais si la situation la leur impose, ils sauront s’y adapter comme Le Pen saura leur donner toutes les garanties. Elle le fait déjà en se déclarant favorable à la loi contre les manifestants, même si au final les députés RN ont voté contre, en refusant d’augmenter le Smic, en adaptant sa politique européenne à leurs besoins… Et Macron lui prépare le terrain.

Le pouvoir est nu, il n’en sera que plus dur. La hargne des ministres, des experts commentateurs, des médias aux ordres pour justifier la répression, les violences policières comme celles des juges en témoignent, comme les calomnies contre les gilets jaunes accusés maintenant -par les mêmes qui rendent hommage à Pétain- d’être antisémites. Et, au passage, ils calomnient l’extrême gauche. Non seulement le pouvoir veut faire taire la révolte, mais il prépare la suite du point de vue des classes dominantes et privilégiées. Il veut étouffer les évolutions des consciences qui s’émancipent de l’idéologie et de la morale dominantes, empêcher les travailleurs d’entrer dans la danse pour que le CAC40 continue d’exulter.
Les gilets jaunes comme l’ensemble des travailleurs, des exploités sont face à une situation totalement nouvelle qu’ils ont largement contribué à créer sans réellement en avoir pleinement conscience. Les travailleurs d’abord, par les luttes qu’ils ont engagées depuis 2016 et celles du printemps dernier, la grève des cheminots, les gilets jaunes ensuite, en tirant les leçons des échecs pour oser se soulever, rompre avec le jeu institutionnel, la routine du dialogue social pour lancer à la figure de tous les politiciens la question sociale, les drames et les difficultés qui font le quotidien de la grande majorité de la population.
C’est un bras de fer qui s’est engagé, dont l’enjeu est de mettre un coup d’arrêt aux attaques du pouvoir et du grand patronat que le gouvernement s’emploie à poursuivre dans la santé, contre les chômeurs ou les fonctionnaires. Avec en ligne de mire le prochain rendez-vous, la fin du prétendu grand débat quand Macron va se retrouver pris à son propre piège, l’imposteur mis à nu tentant une nouvelle fois de jouer les illusionnistes, en vain.
Pour un mouvement d’ensemble, il faut une politique d’ensemble
La crise politique et sociale en cours exige une réponse globale, politique, non au sens institutionnel du terme, mais une politique de classe portant les intérêts de l’ensemble de la population contre la minorité capitaliste et l’État qui la sert. Les gilets jaunes à eux seuls ne pouvaient et ne peuvent ni la représenter ni la porter. Elle peut encore moins venir de la gauche syndicale et politique. Elle ne peut venir que des initiatives des travailleurs et militants, avec ou sans gilets, qui prennent conscience que les mobilisations ont besoin de franchir une étape pour avancer vers un mouvement d’ensemble capable d’imposer les revendications mises en avant par la majorité des gilets jaunes, les salaires, les pensions, l’augmentation du SMIC, l’indexation des salaires, pensions et allocations sur le coût de la vie ; pour poser avec eux aussi la question de l’injustice fiscale et exiger la fin des impôts indirects.
Les travailleurs belges indiquent la voie. Le 13 février, leur grève générale, aussi bien dans le public que dans le privé, à l’appel des trois principaux syndicats, a bloqué le pays. Eux aussi se battent pour les salaires, une hausse des allocations et des pensions. Eux aussi aspirent au respect, à vivre dignement et pas simplement à survivre. Le combat des jeunes qui font la grève du lycée et manifestent pour le climat participe de cette révolte collective. Comme ici, la révolte des gilets jaunes, la lutte des postiers du 92, des ouvriers de Ford, des lycéens contre Parcoursup ou la réforme du bac ou celle des agriculteurs pour pouvoir vivre de leur travail participent d’un même combat contre le pillage du travail humain et des richesses qu’il produit par une minorité de financiers parasites.
Pour unifier les mobilisations, leurs acteurs ont besoin de se coordonner autour d’objectifs politiques communs, de s’organiser, de se constituer en parti des travailleurs, parti de la convergence des luttes autour de nos intérêts de classe communs. C’est la seule façon de pouvoir imposer les mesures d’urgence sociale, démocratique, écologique qu’exige la situation créée par les capitalistes et leurs États ici, en Europe comme dans le monde.
Ce combat politique est indépendant des institutions mais il ne craint pas de les utiliser pour faire valoir ses droits et se faire entendre.
C’est pourquoi, toutes celles et ceux qui souhaitent et peuvent utiliser la tribune des prochaines élections ont raison de le faire. Ce qui importe, ce sont les idées qu’ils et elles portent et porteront. Ce qui compte c’est de porter la perspective du rassemblement du monde du travail, d’un mouvement d’ensemble, de faire entendre la voix des travailleurs, une voix internationaliste, par-delà les frontières.

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