Ce 28 juin était une nouvelle journée de grève à la SNCF, la 36ème et dernière du calendrier perlé de l’intersyndicale. L’UNSA a sans surprise annoncé qu’elle arrêtait la grève, la CFDT l’a suspendue. SUD Rail et la CGT appellent à faire grève les 6 et 7 juillet et prévoient des dates pendant l’été. Les cheminots « débattront en assemblées générales de la suite à donner au mouvement pour gagner » a expliqué Fabien Dumas, secrétaire fédéral de SUD Rail. La fin d’une étape du mouvement, le début d’une autre alors que se partagent sentiment de fierté, détermination et interrogations sur la suite à construire.

La détermination des grévistes, des militants du mouvement, syndiqués ou non syndiqués, fait que même l’UNSA a cru bon de préciser qu’elle restait « combattive » au moment d’arrêter la grève et que la CFDT a expliqué que si elle la « suspendait » pendant l’été, « l’idée est de pouvoir garder des ressources de mobilisation à la rentrée […] les négociations sociales à venir seront longues et complexes ».

Il est clair que peu de cheminots pensent pouvoir « gagner » cet été, mais les grévistes ont conscience de mener un combat politique qui a transformé la situation et concerne l’ensemble du monde du travail. Un combat loin d’être terminé alors que le gouvernement peaufine la loi Pacte qui prévoit de nouvelles vagues de privatisations (Engie, Aéroport de Paris, Française des jeux…) et que sont en ligne de mire les aides sociales, la retraite, le statut des fonctionnaires.

La détermination des militants de la grève s’est nourrie du ras le bol de l’ensemble des travailleurs, du mécontentement généralisé, des liens qui se sont tissés et renforcés ces derniers mois dans les assemblées générales, rencontres d’intersyndicales de lutte, comités de mobilisation, autant de moments de convergence et de démocratie ouvrière.

Ce jeudi 28 juin, la CGT, FO, la FSU ainsi que Solidaires appelaient aussi à une nouvelle journée interprofessionnelle. Les rassemblements et manifestations ont été sans surprise modestes, illustrant les contradictions de la situation et le décalage entre la colère du monde du travail et la politique des directions syndicales, leur incapacité à y répondre, offrir des perspectives. Pour nombre de militants et d’équipes combattives qui se préoccupent de construire, d’unir les résistances, cette « journée de plus » avait peu d’utilité. Personne n’est dupe des directions des confédérations surtout soucieuses de donner le change et qui n’ont au final d’autre objectif, face au plan de bataille du gouvernement, que de mener des « négociations longues et complexes ». Elles n’ont d’autre perspective que des rapports institutionnels avec les patrons et les pouvoirs publics.

C’est cette politique qui démobilise, désarme une partie des travailleurs et des militants pris à contre-pied.

Le mécontentement, la révolte, le discrédit des appareils institutionnels sont bien réels, profonds, mais y apporter des réponses, formuler des perspectives, n’a rien de spontané. Cela demande l’organisation consciente de la fraction la plus lucide, convaincue que le rapport de force ne peut se construire que sur le terrain de la lutte de classe. C’est le rôle des révolutionnaires d’y aider. Et la période nous donne des responsabilités particulières : la convergence des luttes nécessite celle des militants politiques de la lutte de classe, une convergence démocratique et révolutionnaire.

Faire vivre les acquis

De nombreuses luttes locales se sont déclarées ces dernières semaines dans des entreprises de toutes tailles, pour les salaires, les conditions de travail, des embauches, contre les licenciements et les restructurations, encouragées par le climat de contestation, le sentiment de légitimité qu’ont contribué à créer les cheminots et tous ceux qui se sont faits les militants du mouvement, de sa convergence.

Des milliers de travailleurs, de jeunes, ont construit un mouvement inédit par sa longueur, par la capacité des cheminots et des militants de la lutte de s’organiser à la base, de rebondir d’une semaine sur l’autre, gagner l’opinion, faire de la politique par delà la volonté et les calculs des appareils syndicaux et de la gauche institutionnelle.

Ce sont ces acquis, cette expérience qu’il s’agit de capitaliser dès cet été en aidant à prendre conscience collectivement du rapport de forces, de son évolution, pour ne pas être dominé par l’instant. Il nous faut aider à prendre la mesure des enjeux de la lutte et pour cela à raisonner en termes de classe, en toute indépendance des appareils institutionnels, sans craindre de les utiliser mais en pleine conscience de leur finalité.

Indépendance de classe indispensable à la lutte

Les salariés de Ford-Blanquefort sont directement confrontés à la pression de ceux qui tentent de brouiller les rapports de classe, qui appellent à faire confiance aux « pouvoirs publics », aux institutions, au dialogue social… Encadrement, élus, syndicats maison, ont mis et mettent tout leur poids pour tenter de contenir la colère, de désarmer ceux qui ont l’expérience d’une longue lutte contre la fermeture de leur usine. Débutée il y a dix ans, elle avait réussi à sauver jusqu’à il y a peu un millier d’emplois et des milliers d’autres qui en dépendent. La multinationale, contrainte de revenir, a réussi à trouver l’oreille et le portefeuille attentifs du pouvoir : Lagarde, alors ministre de l’Industrie, Juppé, Rousset ont ajouté 50 millions d’euros à la longue liste des cadeaux publics déjà reçus par la multinationale depuis son installation. Depuis l’annonce en février par Ford de son départ, longuement préparé cette fois, les militants de l’entreprise multiplient les initiatives, en lien avec ceux de la convergence, tandis que les élus font leur cinéma, jusqu’au ministre Le Maire, aidés par les marchands d’illusions promettant l’intervention des pouvoirs publics, comme s’ils pouvaient être du côté des salariés !

A Ford, à la SNCF, face à l’ensemble des attaques, la lutte exige d’avoir l’esprit imperméable aux illusions dans les appareils et les institutions. Une nécessité pour pouvoir convaincre autour de nous de notre légitimité de travailleurs, notre bon droit à exiger ce qui nous revient, contester le pouvoir des actionnaires et de leurs serviteurs en prenant nous-mêmes nos affaires en main.

C’est cette conviction qui anime les militants du mouvement, de la convergence, celles et ceux qui sans ignorer les difficultés agissent pour changer le cours des choses, s’organisent pour entraîner, combattre l’offensive des actionnaires et du pouvoir.

Face à l’offensive réactionnaire, l’enjeu des luttes du monde du travail

L’offensive se mène contre l’ensemble des classes populaires. Le drame des migrants de l’Aquarius et du Lifeline illustre une nouvelle fois l’hypocrisie, le cynisme des gouvernants qui se renvoient la responsabilité de l’accueil de quelques centaines de personnes. Gouvernements, populistes de droite et d’extrême-droite, donnent le ton par-delà les frontières, tentant de monter une fraction des opprimés contre l’autre en flattant les préjugés. En France, Collomb a été jusqu’à invoquer une « menace de submersion » pour justifier sa politique xénophobe et répressive !

La montée de la réaction, des populismes de droite et d’extrême-droite, des préjugés nationaux, religieux, accompagne l’offensive de la bourgeoisie.

Les classes dirigeantes et leur personnel mènent une guerre sur tous les plans : économique, social et démocratique. Les droits élémentaires sont remis en cause tandis que les églises sont mobilisées pour mieux dominer les esprits. La visite de Macron au Vatican parti « réparer le lien abimé » avec l’Eglise catholique participe de cette entreprise.

Mais face à cela, le monde du travail, les militant-e-s de la démocratie, de la contestation de l’ordre établi, se mobilisent. Le monde entier est parcouru de mobilisations contre l’oppression, pour les droits démocratiques, la liberté. Femmes et hommes dans les rues d’Argentine, d’Espagne, du Chili, d’Irlande pour le droit de toutes les femmes à disposer de leur corps et le libre accès à l’IVG, manifestations pour l’ouverture des frontières et l’accueil des migrants dans toute l’Europe, luttes ouvrières, la révolte est bien vivante contre l’offensive des classes dominante.

La nécessaire convergence démocratique et révolutionnaire…

Les contradictions entre cette révolte et les difficultés de la mobilisation sont ressenties par tous les militants qui tentent d’agir, de changer le cours des choses. Elles sont le point de départ des discussions que nous avons sur la nécessité de s’organiser pour porter une politique pour les luttes, leur convergence, la nécessité de construire un parti révolutionnaire, démocratique des travailleurs, appelant les exploité-e-s à prendre la société en main.

Mais comment aborder cette question sans poser celle de la convergence des révolutionnaires qui, depuis plusieurs mois, se retrouvent au coude à coude dans l’animation et la construction des luttes et de leurs organes démocratiques ?

Alors que des centaines de jeunes et moins jeunes regardent vers nous, découvrent en même temps que la lutte sociale et politique le marxisme, les idées de la contestation, veulent prendre leur avenir en main, nous avons besoin d'un cadre collectif, ouvert, démocratique où la nouvelle génération comme les différents courants puissent débattre et confronter points de vue, expériences, compréhension de la période et des tâches communes, agir et se former.

Isabelle Ufferte

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