En usant du 49.3, Macron voulait montrer son pouvoir, plier le mouvement, les travailleurs et les militant.e.s, celles et ceux qui contestent sa politique, à sa volonté, la volonté des groupes capitalistes dont il est le serviteur. « En l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands », a-t-il précisé. Pour ses amis du CAC40, pour leurs profits et dividendes, pas question de céder à la pression de l’opinion populaire, à deux mois de grandes manifestations et de grèves, comme il en a éclaté aussi dans plusieurs pays d’Europe.

Eh bien il a raté son coup. Loin de désarmer le mouvement, son coup de force a obtenu l’effet inverse, augmenter la colère et la révolte. A peine connu l’usage du 49.3, des dizaines de milliers de manifestant·e·s se sont rassemblé·e·s dans la soirée du jeudi dans un grand nombre de villes, dont Paris, sur la place de la Concorde face à l’Assemblée nationale. En Bretagne, à Paris, à Marseille, les violences policières se sont déchaînées contre les manifestant·e·s ainsi que, le lendemain matin, contre les piquets des grévistes éboueurs et des salariés des centres de traitements des déchets et de leurs soutiens, puis dans les heures et jours qui ont suivi contre des manifestations dites « sauvages ». Une multitude d’actions ont eu lieu, réoccupation de ronds-points des Gilets jaunes, tractages, blocages de zones de fret et de dépôts de logistique par des interpros, poses de banderoles, cortèges dans des centres commerciaux, autant d’initiatives encouragées par le très bon accueil de la population.

Au-delà du refus de la réforme des retraites, c’est bien la révolte contre leur monde qui s’exprime, un ras-le-bol général contre ce pouvoir arrogant au service du capital.

Suites de la mascarade parlementaire

Macron a coupé court au pseudo débat démocratique sur la réforme au Parlement dont il avait par avance truqué la procédure à coups d’artifices de la Constitution mais le déni de démocratie est bien plus global que ce dernier épisode. C’est bien tout l’échafaudage institutionnel qui est un déni de démocratie, qui protège le véritable pouvoir, celui des groupes capitalistes et de la machine d’État qui les protège.

La comédie parlementaire doit connaître de nouvelles péripéties avec le dépôt de motions de censure qui peuvent, si elles sont votées majoritairement, faire tomber le gouvernement. Le RN qui entend bien récolter les fruits de son positionnement d’opposant à Macron, tout en se montrant respectueux de l’ordre social, en dépose une mais il a annoncé que ses député.es voteraient toutes les motions de censure présentées contre le gouvernement. La Nupes a retiré sa propre motion de censure pour soutenir celle du groupe parlementaire LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), une motion se voulant « transpartisane ». Ainsi pourrait se constituer la majorité des Non à la réforme que Macron a voulu éviter en actionnant le 49.3 si toutefois elle recueille 25 voix de plus que celles additionnées de LIOT, de la Nupes et du RN. Réponse lundi, mais même si elle était majoritaire, le plus probable est qu’il n’y aurait qu’un remaniement ministériel et que Macron ne retirerait pas pour autant sa réforme ni ne dissoudrait l’Assemblée. Sans compter que s’il y avait dissolution, tout laisse à penser que le principal bénéficiaire serait le Front national.

Nous n’avons rien à attendre de ces jeux institutionnels qui visent à censurer, à étouffer l’expression de notre révolte. Si le Parlement est sans sens dessus dessous, c’est à cause du mouvement de masse, des grèves, des manifestations, de la force et de la révolte des travailleurs qui s’expriment dans les mobilisations. Leur agitation n’est que l’expression de leur trouille.

Il ne faudrait pas croire non plus que la proposition d’un référendum « d’initiative partagée » avancée par Stéphane Peu, du Parti communiste puisse permettre de satisfaire nos exigences. Cet outil introduit dans la constitution en 2008, tient du genre « mission impossible », puisqu’il faut obtenir 4,5 millions de signatures dûment vérifiées par le Conseil constitutionnel et que la procédure dure 9 mois au minimum.

Il faut être vraiment très soucieux de la stabilité de l’ordre social pour trouver de tels substituts à la lutte, alors qu’un mouvement de masse inédit se développe dans le pays.

Abrogation de la réforme, augmentation des salaires et des pensions

Sans attendre la date de mobilisation prochaine fixée par l’Intersyndicale, bien lointaine puisque c’est le jeudi 23 mars, semble-t-il choisi pour ne pas risquer de perturber les épreuves du Bac, la fraction la plus mobilisée et déterminée du mouvement a multiplié les initiatives, blocages et rassemblements en soutien à des entreprises ou des secteurs en grève comme les cheminots, les raffineurs, les énergéticiens, les éboueurs, manifestations sauvages, occupation de places ou de voies de chemin de fer, etc. Des salarié·e·s choisissent de faire grève pour se donner le temps de militer pour la grève générale. Lundi et mardi ont lieu les épreuves anticipées du Bac formule Blanquer que de très nombreux enseignants contestent. Beaucoup ont prévu et organisé, malgré les difficultés, une grève des surveillances et corrections et donné des rendez-vous devant l’entrée de lycées pour sensibiliser leurs collègues et les lycéens. En somme, comme le dit un de leurs slogans « ni Bac Blanquer ni retraite de misère ». La plupart des syndicats enseignants soutiennent ces actions.

Des assemblées générales de lutte, des coordinations de collectifs prennent forme et s’organisent afin de ne pas laisser à la seule intersyndicale l’initiative, afin de regrouper et donner des perspectives à tou·te·s les militant·e·s du mouvement, afin que celui-ci s’organise démocratiquement.

Même adoptée, la réforme peut être abrogée, et Macron et son gouvernement obligés de la retirer. Nous pouvons gagner de nouvelles forces au mouvement en posant les problèmes auxquels sont confrontés l’ensemble des travailleur·e·s et de la population, les difficultés de plus en plus grandes à vivre correctement à cause de la faiblesse des salaires alors que les prix explosent. De nombreuses grèves sur les salaires ont éclaté en particulier à l’occasion des NAO, entreprise par entreprise, mais il s’agit bien d’un problème politique, tout comme la réforme des retraites, et général. C’est l’ensemble de la classe capitaliste qui augmente ses profits en augmentant ses marges bénéficiaires par la hausse des prix. Toutes et tous ensemble, par une généralisation de la grève, on peut leur imposer une augmentation conséquente des salaires, des pensions et des minimas sociaux et l’indexation des salaires sur le coût de la vie.

Derrière la crise politique et sociale, la faillite de leur monde

C’est bien une révolte contre l’ensemble du système qui anime un très grand nombre de militant·e·s du mouvement, travailleur·e·s avec ou sans emploi, jeunes, femmes, retraité·e·s. Leur monde, le système capitaliste, apparaît comme un monde failli qui mène tout droit à la régression sociale, à la crise écologique qui menace de destruction notre planète, à la militarisation de la société et à la guerre.

Aussi bien la gauche politique que la gauche syndicale ne remettent pas en cause les bases de la société de classe, la propriété privée capitaliste. Sans parler de Laurent Berger qui trouve tout naturel d’aller parlementer avec les députés de droite, les dirigeants syndicaux ne remettent pas en question l’exploitation capitaliste elle-même, ils voudraient seulement l’adoucir. Or c’est strictement impossible, les capitalistes ne feront des concessions que s’ils sont menacés de tout perdre, leur pouvoir lui-même.

Nous ne pouvons pas savoir quelle sera l’issue de la bataille en cours, si toutes celles et ceux qui cherchent à surmonter la dérobade de l’intersyndicale auront la force de construire la grève générale nécessaire pour faire plier le pouvoir mais de toutes les façons, le combat que nous avons engagé est un combat à long terme. D’ores et déjà, notre mouvement est un acquis considérable par l’ensemble des liens collectifs et démocratiques qui se construisent, de l’unité réalisée à la base, de l’indépendance politique conquise sur les appareils, l’entrée en lutte de la jeunesse. C’est cela qui peut nous permettre de gagner et c’est cela aussi qui permettra de poursuivre la lutte pour en finir avec le vieux monde.

Galia Trépère

 

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