« C'est un grand jour. Un grand jour pour Jérusalem. Un grand jour pour l’État d'Israël. Un jour qui restera gravé dans notre mémoire nationale pour des générations » exultait, cynique et provocant, le premier ministre israélien, Nétanyahou, lundi dernier lors de la cérémonie pour l’installation de l’ambassade américaine à Jérusalem.

A la frontière d’Israël avec Gaza, au même moment, les soldats de l’armée israélienne tiraient à balles réelles sur les manifestants palestiniens, pacifiques, sans armes, venus crier leur rage devant l’arrogance, le mépris et la haine à leur égard de l’État d’Israël soutenu par Trump.

Quel contraste insupportable que celui qui opposait cet aréopage de représentants des classes dominantes exultant de la force de leurs armées, jubilant de l’humiliation qu’ils infligeaient à tout un peuple, unis par le sang qu’ils faisaient couler et leurs victimes criant à la face du monde leur colère, leur révolte, risquant leur vie pour affirmer leur dignité.

Le matin même depuis la Maison blanche, Trump, dans un tweet, invitait à regarder sur Fox News, la chaîne à ses ordres, la retransmission de la macabre cérémonie et se félicitait de « sa montée en puissance ».

Ce bain de sang a été voulu tant par Netanyahou que par Trump qui ont décidé et organisé cette provocation le jour même de l’anniversaire des 70 ans de la fondation de l’État d’Israël, c’est-à-dire pour les Palestiniens le jour de la Nakba, de la catastrophe quand ils furent chassés de leurs terres, le jour aussi de la fin de la grande marche du retour pour le respect des droits du peuple palestinien.

Officiellement, 58 palestiniens ont été tués dont de nombreux jeunes, des enfants, et plus de 1 350 blessés par balles, plus de 100 morts en six semaines à Gaza.

Les protestations indignées n’ont pas manqué, l’ONU, l’Allemagne, la France…, accumulation de mots creux, de gestes d’impuissance, et tous cependant reconnaissent le droit d’Israël à se défendre !

Le monde arabe est resté très prudent voire hostile comme en Egypte où la dictature a interdit les manifestations de solidarité. La pression combinée des USA et d’Israël impose le silence au nom de la lutte contre le terrorisme dont l’Iran serait le principal soutien et voudrait maintenant pousser l’Autorité palestinienne à accepter le prétendu plan de paix concocté par le gendre de Trump, ce fantoche.

Quel plan de paix, alors que ce lundi sanglant est une nouvelle démonstration du refus d’Israël et de son allié américain de reconnaître le droit des Palestiniens à un État.

Au-delà de l’hystérie sioniste, Netanyahou a raison quand il souligne le caractère historique de ce lundi noir. Il a raison quand il le met en continuité et à égalité avec la Déclaration Balfour qui, il y a un siècle, ouvrit les portes de la Palestine à la colonisation des Juifs persécutés en Europe, puis avec la fondation en 1948 de l’État d’Israël avec la bénédiction des grandes puissances qui ont toujours instrumentalisé le drame du peuple juif en fonction de leurs propres intérêts, contre les Palestiniens et les peuples arabes. Il enferme ainsi les travailleurs et les classes populaires d’Israël dans un piège, peuple soldat pour le compte des multinationales américaines et de la bourgeoisie israélienne.

Suite à la rupture de l’accord sur le nucléaire iranien, Trump et Netanyahou viennent brutalement de signifier au monde entier que leur politique avait franchi un seuil qui bouleverse la donne des relations internationales et engage une logique militariste qui pourrait échapper à tout contrôle.

Après avoir ruiné l’ordre qu’à l’époque de l’impérialisme ils avaient eux-mêmes imposé au Moyen-Orient, après la première guerre mondiale puis après la seconde, les USA n’ont pas d’autre politique que la fuite en avant belliciste avec comme justification et prétexte, la lutte contre le terrorisme et la République islamique d’Iran.

Cette évolution n’est pas le simple fait de la personnalité de Trump, elle obéit à une logique profonde de l’évolution des rapports de forces internationaux. La politique des USA et de leurs alliés, à travers le développement du capitalisme financier mondialisé et de la concurrence, ont déstabilisé l’ensemble des relations internationales. Incapable d’assurer l’ordre mondial comme ils le firent après la deuxième guerre mondiale, les USA n’ont d’autre politique que la défense brutale et cynique de leurs propres intérêts. Trump est le produit et l’instrument de ce tournant politique, América first !

La Chine, qu’elle le veuille ou non, est emportée dans ce désordre, la Russie aussi. L’Europe du capital est vouée à l’impuissance et au ridicule quand elle prétend comme Macron guider les USA, leur expliquer le chemin de la raison. Tout comme l’ONU.

L’Europe ne pourrait jouer un rôle dans le monde que si elle était réellement capable de s’unifier en rompant avec les États nationaux et ses institutions, instruments de la domination du capital pour devenir, sous la direction du pouvoir des travailleurs, un facteur de paix en devenant l’alliée de la révolte des travailleurs et des peuples.

Eux seuls peuvent enrayer l’effroyable logique qui s’est mise en route.

A condition de rompre avec les politiques nationalistes qui, au nom de l’anti-impérialisme, n’ont servi que les dictateurs et les forces réactionnaires, religieuses, pour prendre conscience qu’eux seuls peuvent ouvrir une issue progressiste, démocratique et révolutionnaire, non seulement au Moyen-Orient mais aussi au niveau de toute la planète.

Yvan Lemaitre

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