La journée d'action du 16 novembre contre les ordonnances et les nouvelles attaques annoncées par Macron en particulier contre la jeunesse scolarisée marque la fin d'une première étape de la mobilisation contre ce gouvernement et ses commanditaires, les grands patrons et les riches.

La fin d'une étape, la perte d'une bataille ne signifie pas avoir perdu la guerre, même si Macron peut penser avoir les mains libres pour poursuivre son offensive contre le monde du travail. Ce n'était qu'un début, mais pour préparer l'étape d'après il est nécessaire de tirer les leçons et les conclusions qui s'imposent, de les tirer collectivement à travers les discussions avec les collègues, dans nos syndicats, avec les militants les plus engagés dans la lutte, les plus combatifs. Sortir de l'impasse dans laquelle les directions syndicales ont conduit la mobilisation ne peut se faire par l'incantation à l'unité ou à la grève générale. Cela nécessite de combattre la collaboration de classe permanente dans laquelle sont engagées les directions des confédérations syndicales à travers le dialogue social pour mener une politique n’ayant d’autre objectif que la défense des intérêts des travailleurs, des jeunes, des classes populaires.

Cette politique n'est pas écrite, ne peut se résumer à des formules ou à l'activisme volontariste, elle se discute et s'écrit en fonction du niveau de conscience, d'organisation, de mobilisation de la classe ouvrière. Elle est indissociable d’une stratégie de construction d’un parti des travailleurs.

Mettre les luttes en perspectives...

Les espoirs soulevés par la mobilisation du printemps 2016 ont cédé le terrain aux déceptions engendrées par l'échec du mouvement de la rentrée dans un contexte où l'offensive sociale et idéologique de la bourgeoisie semble anéantir la gauche syndicale et politique. Cette dernière, prise aux pièges de ses propres illusions, voit le sol se dérober sous ses pieds.

Dans la première lettre de Démocratie révolutionnaire, en juin 2016, nous écrivions à propos du mouvement du printemps : « Il est un moment de rupture. A travers lui se confrontent le passé et l’avenir. Une nouvelle génération s’engage dans la lutte sociale et politique alors qu’une large fraction du monde du travail se libère de la démoralisation engendrée par la politique du PS, l’impuissance de feu le Front de gauche et la politique du dialogue social des directions syndicales.

Offrir aux uns et aux autres un cadre politique, militant, ouvert et démocratique pour intervenir dans les luttes de classe, s’approprier les idées de l’émancipation, le socialisme et le communisme révolutionnaire, participer à la perspective de la transformation révolutionnaire de la société, est une nécessité militante. »

Nous militions pour que la campagne présidentielle autour de Philippe Poutou comme l’ensemble des activités et interventions du NPA portent et développent cette perspective. Cette tâche est plus que jamais d’actualité. La campagne de Philippe, l'ouvrier candidat, y a largement contribué. Mais, force est de constater qu'aujourd'hui le NPA semble dépassé par son propre succès, par la sympathie rencontrée par Philippe, par le contenu social et politique de cette sympathie, par la rupture avec la gauche qu’elle exprimait dans la continuité du mouvement.

Tout au long du mouvement, à défaut de formuler, de mettre en œuvre, avec ses modestes forces, une politique s'adressant à l'ensemble des travailleurs sans craindre d'intervenir sous notre propre drapeau, le NPA s’est limité à l'incantation à l'unité faisant du « tout unitaire » la clé de la situation. Il a dilué ainsi sa propre politique au lieu de tirer les leçons de l’écho de la campagne de Philippe, affirmer ses propres idées. A l’opposé, nos camarades engagés dans l’animation du Front social, s'ils ont permis l'expression de la contestation de la politique des directions syndicales, restent sur le terrain syndical où ils se posent en direction de rechange, eux aussi prisonniers du mythe de l’unité, sans offrir de perspectives politiques à « l’avant-garde large » à laquelle ils s'adressent.

Ces deux orientations ne répondent pas aux besoins de la fraction des travailleurs la plus mobilisée et la plus combative. Elles ont en commun de chercher des raccourcis alors qu'au cœur de la discussion sur les voies et moyens de préparer la suite, il y a la question de la nécessité d'un parti des travailleurs capable de formuler et de mettre en œuvre une politique pour la classe ouvrière loin de toute illusion institutionnelle ou dans le dialogue social. Il n'y a pas de raccourci.

Encore et à nouveau, la question du parti

Ces deux politiques expriment la même difficulté à assumer ce qui a fait le succès de la campagne de Philippe, le candidat ouvrier, la sympathie qu’elle a rencontrée dans un large public ouvrier et populaire et la contradiction entre cette sympathie et la difficulté de la direction du NPA à penser, élaborer une politique pour l'ensemble de la classe ouvrière.

Œuvrer à surmonter cette difficulté, c’est se donner les moyens de développer la construction du NPA au sein du monde du travail en prenant appui sur les acquis de la campagne de Philippe et les possibilités nouvelles qu'elle nous a ouvertes, s’adresser à l’ensemble des travailleurs. C’est faire de la construction d’un parti des travailleurs notre priorité, être capable de créer nos propres cadres militants et ne pas dépendre des cadres unitaires ou syndicaux pour exister.

Cette question de la construction d’un parti des travailleurs ne se pose plus dans les mêmes termes qu’en 1997 après qu’Arlette Laguiller en avait lancé la perspective. Alors, les camarades à l’origine de notre courant avaient été exclus de LO pour avoir voulu donner à cet appel un contenu concret et militant au moment où la direction de LO le remettait dans sa poche.

Nous pensions qu’il était nécessaire à ce moment-là de continuer de défendre cette perspective et, pour aller dans ce sens, de construire un cadre militant ouvert aux nouvelles générations qui regardaient vers les révolutionnaires et à celles et ceux qui rompaient avec la gauche gouvernementale, en particulier proches ou membres du PC. Cette démarche s’appuyait sur les résultats d’Arlette Laguiller à la présidentielle de 1995 et le mouvement de novembre-décembre. Elle s'inscrivait dans une politique d'unité des révolutionnaires, le parti d'Arlette et d'Alain, disions-nous après qu'aux élections européennes de 1999, LO et la LCR avaient obtenu 5 élus au parlement européen.

Depuis, les rapports de force se sont dégradés, ni la LCR ni LO n’ont réussi à transcrire sur le plan organisationnel l’influence que le mouvement trotskyste avait réussi à conquérir dans les années 2000, en particulier au lendemain de la présidentielle de 2002 où elles avaient recueilli ensemble plus de 10% des voix.

Pour nous, le projet du NPA représentait une tentative de dépasser cet échec. Même si cela restait un compromis puisque les questions de stratégie et de programme étaient alors renvoyées à plus tard, un plus tard qui n'est toujours pas advenu...

Les deux campagnes d'Olivier de 2002 et 2007, le choix de fonder le NPA fait par une majorité à laquelle nous avons participé, étaient un pas vers la rupture avec la politique des partis larges, auparavant défendue par la LCR, pour engager un processus pour la construction d'un parti pour la transformation révolutionnaire de la société, largement ouvert aux travailleurs.

En 2012, sous l'effet de la naissance du Parti de gauche puis du Front de gauche l'équipe dirigeante qui avait lancé le NPA le quittait, dépassée par la dynamique qu'elle croyait maîtriser.

Les deux campagnes de Philippe, 2012 et 2017, ont renforcé les évolutions positives malgré un affaiblissement du NPA dû au fait que bien des militants, venus de l’ancienne LCR, n’assument pas ces évolutions qui consistent à affirmer le caractère ouvrier du parti en rupture avec « les recompositions à gauche ». La contradiction de fond entre la tradition politique de cette dernière et ce qu'ensemble nous avions construit, la réalité de ce qu'était devenu le NPA, a eu un effet désorganisateur. Cette question n'est malheureusement pas réellement tranchée. Les difficultés du contexte politique actuel conduit une fraction des camarades du NPA à se raccrocher à la « politique unitaire » à défaut d'imaginer une autre réponse. D’où l’urgence de surmonter cette contradiction inscrite dans une histoire dépassée afin de nous donner les moyens de fonder une nouvelle cohérence pour le NPA comme instrument de la construction d’un parti des travailleurs.

Tourner résolument la page, recentrer le NPA

Alors que s’approche la commémoration des cinquante ans de Mai 68, on voit bien que l'impulsion donnée par les révolutions et révoltes des années 60 et 70 dans la continuité de 1917 a épuisé ses forces au point que Macron ose organiser la farce de sa commémoration pour mieux tenter d'enterrer nos combats ! Une nouvelle époque a commencé.

Durant la période écoulée, la politique menée par DR se nourrissait d'une longue histoire de combat pour l'unité des révolutionnaires entre la LCR et LO. Cette dynamique a elle aussi épuisé ses forces. L'évolution de LO, repliée sur elle-même, les rapports de force entre LO et nous, le NPA tel qu'il est aujourd'hui, la rendent dans l’immédiat bien peu crédible même si elle demeure une nécessité. Aller plus loin dans le rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires nécessite d’enrayer l’évolution actuelle du NPA, de relancer sa construction.

Le mouvement trotskyste s’est en réalité toujours pensé comme « une opposition de gauche » au stalinisme et à la social-démocratie. L’un et l’autre ont disparu ou se survivent à travers des fantômes d’eux-mêmes mais le mouvement révolutionnaire n’a pas réussi à se penser et à s’affirmer par lui-même comme parti, une occasion a été manquée.

Pourtant, nous avons conquis des positions, des leaders ouvriers d'extrême-gauche comme Philippe Poutou, Jean Pierre Mercier, Olivier Besancenot et bien d'autres localement ont gagné un large crédit. Mais nous n'apparaissons pas comme un parti crédible représentant politiquement le monde du travail. Pourtant les bases et les possibilités objectives existent. Y parvenir, rassembler les forces des anticapitalistes et des révolutionnaires passe par des évolutions politiques profondes pour formuler une politique d’indépendance de classe, une culture politique de parti ouvert sur le monde du travail, construire un cadre militant, démocratique et révolutionnaire, où puissent s'unir nos forces tout en gardant leur pleine capacité d'initiative dans le respect et la solidarité de classe et politique.

Dans cette perspective, le NPA a un rôle déterminant à jouer à condition qu'il soit capable de dépasser la contradiction qui le mine entre l’image et le profil qu'il a acquis au sein du monde du travail et sa politique.

Cela veut dire élaborer, formuler une orientation qui rompt avec les survivances de la politique « des partis larges », « la nouvelle représentation politique des classes exploités » et la politique unitaire comme réponse à tout, pour une politique de classe, démocratique, révolutionnaire, internationaliste s'adressant à l'ensemble des travailleurs.

Il s'agit de réarmer le parti politiquement et organisationnellement en discutant collectivement pour mieux appréhender la période dans laquelle nous sommes, les tâches des révolutionnaires, le débat stratégique et programmatique, tout en développant l'intervention politique dans les entreprises et l’agitation et la propagande marxistes, socialistes et communistes, notre travail d'organisation dans la jeunesse, intellectuelle et ouvrière.

Yvan Lemaitre

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