Décidément, Hollande aura été au bout du ridicule et de l’indignité. N’a-t-il pas déclaré à son entourage, selon Le Monde du 12 avril, « Cette campagne sent mauvais. » ? A cause des affaires, de la mise en examen de Fillon ? Vous n’y pensez pas. Il s’alarme à mots couverts d’un deuxième tour Le Pen – Mélenchon, qu’il renvoie dos à dos pour mieux lâcher Hamon, liquider le Parti socialiste et soutenir Macron en disant « La politique a besoin de renouvellement ». Jusqu’au bout, comme tout au long des 5 dernières années, Hollande aura servi les classes dirigeantes contre son propre parti au mépris de celles et ceux qui l'avaient porté au pouvoir.

Oui, il y a vraiment de quoi être écœuré par ces hommes politiques satisfaits de servir les grosses fortunes et le patronat, englués dans les affaires de corruption, les reniements et leurs calculs manœuvriers de carriéristes. Voilà pourquoi, pour des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes, le débat entre les 11 candidats le soir du 4 avril où Philippe Poutou a osé dire leur fait à Fillon et Le Pen a été un événement. « Depuis janvier, c'est le régal, Fillon, il est en face de moi, plus on fouille, plus on sent la corruption, la triche. En plus c'est des bonhommes qui nous expliquent qu'il faut la rigueur, et ils piquent dans les caisses ». Une vérité claire et nette face à l’arrogance d’un Fillon qui exige la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et une augmentation de 2 % de la TVA alors qu’il a fait attribuer à sa femme et à ses enfants, avec de l’argent public, plus d’un million d’euros de salaires pour des emplois fictifs !

Philippe aura été le premier à faire taire Le Pen et à fustiger sa démagogie prétendument anti-système. « Le Pen aussi, on pique dans les caisses publiques. Là, c'est pas ici, c'est l'Europe. Alors pour quelqu'un qui est anti-européen, ça pose pas de problème de piquer l'argent de l'Europe ». Et un peu plus tard : « Le FN se dit anti-système mais se protège grâce aux lois du système avec son immunité parlementaire et refuse d'aller aux convocations policières, donc peinard ! ». Et lorsque Le Pen ironise -« ce coup-là, vous êtes pour la police »-, la réponse est cinglante : « Nous, quand on est convoqué par la police, nous n'avons pas d'immunité ouvrière, on y va ».

Parce que travailleurs, parce que révolutionnaires

Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte ouvrière, a enchaîné sur Philippe à l’adresse de Le Pen : « Vous nous faites des leçons de tolérance zéro en permanence pour les jeunes, il ne faut rien accepter, et vous ne vous rendez pas à la convocation des juges ! […] Quand on est travailleur, quand on est ouvrier, quand on est au chômage, des comptes, on en rend tous les jours, même quand on est malade, qu'on est en arrêt maladie, qu'on a parfois une maladie grave, on est contrôlé, à domicile, on vient voir si on est bien là, si on est bien malade ».

Ce sont les deux candidats d’extrême gauche, des travailleurs, des révolutionnaires, qui ont cloué le bec à Fillon et Le Pen. Et ce n’est évidemment pas un hasard. Au débat entre les 5 « grands » candidats, rien n’avait été dit sur les affaires au point que Mélenchon avait évoqué des « pudeurs de gazelle » mais sans en dire beaucoup plus lui-même. Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ont souligné, eux, la frontière de classe qui les sépare des représentants des classes possédantes et dirigeantes. Ils ont bousculé les faux-semblants et l’hypocrisie d’une démocratie tronquée où des politiciens prétendent parler au nom des intérêts de la population alors qu’ils représentent ou postulent à représenter grandes fortunes, actionnaires et dirigeants des grands groupes industriels et financiers qui détiennent la réalité du pouvoir.

« Philippe Poutou, l’irruption du réel », titrait Christophe Gueugneau, journaliste à Médiapart, le lendemain. Ce qui s'est révélé en toute clarté au débat, c’est ce que de très nombreux travailleurs ressentent, l’existence de deux mondes, le monde ouvrier, des classes populaires, de celles et ceux qui ont « un travail normal » comme disait Philippe à propos de Nathalie Arthaud et de lui-même dans sa première intervention et le monde des politiciens qui servent les intérêts des plus riches.

Beaucoup que nous rencontrons dans cette campagne nous disent leur plaisir d’avoir entendu dire tout haut ce qu’ils pensent. C’est une dignité, une fierté retrouvées, l’expression d’une conscience de classe.

Dans la continuité du mouvement contre la loi travail

Les interventions de nos deux camarades ont suscité de nombreuses marques de sympathie dans la population et même chez des professionnels des médias ou des personnalités politiques, mais aussi et cela n’a rien de surprenant, des réactions violemment hostiles.

Au cours du debriefing d’après débat par les journalistes de BFM, Anna Cabana a exprimé une forte indignation devant ce qu’elle a appelé l’« irrespect » et un « manque de dignité » de Philippe Poutou !

Mais la palme de la bêtise et de la vulgarité revient incontestablement à Marion Maréchal Le Pen qui a jugé Philippe « crasseux, mal rasé et mal élevé ». Quelle crasse intellectuelle et morale !

Mais cela donne une idée de la pression à laquelle les travailleurs font face quotidiennement de la part de tous ceux qui veulent leur faire accepter comme normale l’exploitation et son aggravation.

Face à ce rouleau compresseur, relever la tête, c’est d'abord une question politique, ne plus être dominé par les idées et les préjugés de l'adversaire, ressentir au contraire la légitimité de nos besoins et de nos droits. De la même façon, contre la loi travail, c’est la liberté et l’affranchissement des jeunes par rapport aux directions syndicales qui ont bousculé les appareils, lancé le mouvement qui s’est ensuite développé grâce à l’intervention des travailleurs et des militants eux-mêmes. La force pour aller au-delà reposera sur une conviction largement partagée non seulement de l’illégitimité de la bourgeoisie à diriger la société mais également de la possibilité et nécessité que la classe ouvrière, les travailleurs, la jeunesse, postulent à la direction de la société et exercent collectivement et démocratiquement le pouvoir. Une conviction qui a pour point de départ la compréhension que les travailleurs font d’ores et déjà fonctionner toute la société et que la puissance des classes possédantes repose avant tout sur leur capacité à parasiter l’ensemble de l’activité sociale grâce à la propriété privée capitaliste.

Faillite des classes dirigeantes et de leurs représentants

De ce point de vue, la campagne présidentielle est l’occasion de souligner la faillite des classes dirigeantes dont toutes les réponses aux maux engendrés par la crise de leur propre système ne font qu'aggraver la situation.

Sur le plan social, la course sans fin à la rentabilité et à la compétitivité dont on nous dit qu’elles sont les seules solutions pour « ramener de l’emploi » conduit à toujours plus d’austérité, de précarité et de chômage pour les classes populaires et toujours plus de cadeaux pour les capitalistes.

En réalité, la classe dirigeante, le grand patronat et ses serviteurs dans les gouvernements n’ont aucune autre préoccupation que celle de maintenir et accroître les profits au prix d’une régression sociale sans précédent pour la population. Et ils ont pleinement atteint leurs objectifs avec Hollande puisque sur l’année 2016, les entreprises du CAC40 ont réalisé plus de 75 milliards d’euros de bénéfices, dont plus de 55 milliards ont été reversés à leurs actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions. La logique de leur domination, dans le cadre d’une économie de marché soumise à une exacerbation de la concurrence mondiale, les conduit à aller jusqu’au bout de la remise en cause de tous les progrès sociaux gagnés par les luttes ouvrières.

La perspective révolutionnaire est la seule réaliste

Cette régression sociale s’accompagne d’une remise en cause des droits démocratiques. L’état d’urgence mis en place au lendemain des attentats terroristes de novembre 2015 a été utilisé pour justifier l’interdiction de manifestations et le gouvernement a ordonné pendant le mouvement contre la loi Travail un déploiement policier sans précédent et agressif destiné à intimider les manifestants. Les jeunes dans les banlieues pauvres sont l’objet d’une méfiance permanente et de contrôles humiliants, quand ce n’est pas encore pire. L’aggravation des politiques sécuritaires et de la répression des petits délits conduit aux prisons surpeuplées, un enfer carcéral pour les prisonniers et leurs gardiens. La même fuite en avant des classes dirigeantes et de leur gouvernement entraîne l’aggravation de la xénophobie et du racisme, l’accentuation des discriminations. Dans la logique de la politique de classe, de l’accentuation de l’exploitation, non seulement les différences deviennent des prétextes à l’inégalité mais c’est très consciemment que le gouvernement et une bonne partie de la classe politique, à la suite de Le Pen, pratiquent des amalgames entre musulmans et intégristes musulmans, désignant ainsi de potentiels boucs-émissaires à la colère de la population.

Cette évolution réactionnaire s’inscrit dans le tournant qui s’est opéré sur le plan international avec la victoire du Brexit et la victoire de Trump aux Etats-Unis. Protectionnisme et fermeture des frontières, escalades guerrières sont partie prenante de l’offensive des multinationales contre les travailleurs et les peuples dans le cadre de l’exacerbation de la concurrence au niveau mondial. Le chaos et la destruction semés au Moyen-orient par les puissances impérialistes ont été le terreau sur lequel ont prospéré les bandes armées terroristes de la même façon que les politiques d’austérité et le désarroi qu’elles ont engendré ont nourri la révolte que dévoient en violence et en haine contre leurs semblables tous les courants ultra-réactionnaires, l’extrême droite, les intégristes de toutes les religions et le terrorisme islamiste.

Croire comme le suggère Mélenchon qu’il suffit de voter pour lui et pour les changements institutionnels qu’il préconise pour en être protégés est une illusion aussi dangereuse que celle qui a conduit à la démoralisation de centaines de milliers de militants de gauche dans les années 1980 parce qu’ils avaient cru au mirage de l’Union de la Gauche et à Mitterrand. Mitterrand, Jospin, Hollande, n’ont pas suffi ?

Comme du temps de Jaurès, le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage. L’exacerbation de la concurrence, l’accentuation des tensions internationales sont lourdes de danger pour l’humanité, lourdes des menaces de globalisation des conflits qui ensanglantent déjà plusieurs régions de la planète. Elles éloignent également encore plus la possibilité pour l’humanité de prendre à bras le corps la protection de la nature et le respect des contraintes environnementales qui exigent une coopération internationale, une planification démocratique à l’échelle mondiale, le renversement du capitalisme.

L'avenir, c’est le monde du travail et la jeunesse

C’est pourquoi, c’est non seulement dans leur propre intérêt que les travailleurs et la jeunesse se battent pour exiger la satisfaction de leurs besoins par une autre répartition des richesses, les droits démocratiques mais dans l’intérêt de toute l’humanité. Il s’agit de travailler à un bouleversement social qui ait comme objectif une réorganisation globale de la société.

Il n’y aura pas de véritable démocratie sans la conquérir, conquérir le droit et le pouvoir effectif de contrôler l’ensemble de l’économie et l’État lui-même.

Cela passe par l’expropriation des banques et la création d’un monopole public bancaire sous le contrôle de ses salariés et de toute la population, mais l’expropriation aussi de ces multinationales dont l’intérêt seul guide la marche de la société. Assez de ces trusts du pétrole qui font et défont les gouvernements en Afrique et guident la diplomatie au Moyen-Orient, assez de ces trusts de l’automobile qui s’opposent à toute réorganisation rationnelle des transports, assez de ces trusts de la pharmacie, de l’agro-alimentaire qui contrôlent la santé et l’alimentation, expropriation et reconversion des trusts de l’armement qui s’engraissent du sang des interventions militaires.

Les travailleurs, les jeunes n’ont pas d’intérêts nationaux à défendre. Tous ceux qui voudraient le leur faire croire, de Le Pen et Fillon à Mélenchon en passant par Macron, tous ceux qui se revendiquent de la France et du drapeau tricolore, veulent en réalité masquer les oppositions de classe et détourner la colère des travailleurs des vrais responsables de la catastrophe sociale, les classes dirigeantes.

L’avenir est à l’internationalisme, à commencer par une Europe des travailleurs et des peuples pour aller vers un monde sans frontières, un monde de la coopération internationale, seul à même de répondre aux grands problèmes de l’humanité de la même façon que c’est par la coopération internationale que la science a toujours avancé.

Ce programme, cette démarche, nous les défendons comme le font aussi nos camarades de Lutte ouvrière. C’est bien pourquoi la question des relations entre nos deux organisations est souvent posée par celles et ceux que nous rencontrons dans la campagne.

Quels que soient les résultats électoraux, ces élections signent une rupture, une nouvelle époque s'ouvre, le rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires est à l'ordre du jour.

Pour le dire, pour peser dans ce sens et préparer les combats futurs, votez et faites voter Philippe Poutou.

Galia Trépère

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