Contribution aux discussions au sein du NPA

Discuter de nos tâches et des enjeux auxquels les révolutionnaires sont confrontés commence par prendre la mesure du tournant en cours. Les propos de Macron sur « la fin de l'insouciance et de l’abondance », le « Nous sommes en guerre » expriment la façon dont les classes dominantes abordent la situation politique et prennent acte du tournant majeur qui s'est opéré à l'échelle internationale.

Après le Covid, la guerre en Ukraine est un révélateur et accélérateur des bouleversements en cours, des enchaînements irréversibles engendrés par la politique des classes dominantes en réponse à la crise mondiale du capitalisme financiarisé mondialisé, sa marche à la faillite. Les positionnements, la compréhension de ce qui se joue aujourd’hui sont fondamentaux pour penser les prochains développements de la lutte de classe et nos propres tâches en toute indépendance de classe.

Nous avons besoin d'apprécier la dimension inédite de la situation, du stade du développement du capitalisme et de ses conséquences même s’il nous est difficile d’anticiper comment les différents éléments qui se combinent dans la situation sociale et politique vont agir.

Des logiques opposées et contradictoires sont à l’œuvre, les effets des réponses que tente d’y apporter la bourgeoisie et les évolutions de conscience au sein du monde du travail, le renouveau de la lutte de classes en réponse à la régression sociale, globale. Le développement du mouvement gréviste en Angleterre nous indique le chemin de l'avenir mais aussi ses embûches et traquenards, la politique de la gauche gouvernementale, des directions syndicales qui ont entre autres appelé à la suspension des grèves en soutien à la famille royale…

Nous ne pouvons pronostiquer les rythmes et les étapes qui peuvent mener à un affrontement d'ensemble mais c’est dans ce cadre que nous devons penser nos tâches.

Tout dans ce contexte souligne le caractère erroné de la politique que mène depuis deux ans la majorité en recherche d’alliances avec LFI et aujourd’hui la Nupes qui tente de réveiller les fantômes d’une gauche plus gouvernementale que réformiste. Une politique dont il est urgent de tourner la page, d’autant qu’elle s’accompagne d’une volonté scissionniste, ostracisant les courants, tendances et fractions et qui nous a grandement affaiblis.

Inflation, menace de récession, guerre, crise écologique, la spécificité historique de la crise du capitalisme

Le capitalisme n'offre plus, à plus ou moins long terme, d'autre avenir possible à l'humanité qu'une régression sans fin sur une planète asphyxiée ou sa propre destruction. Dire cela n'est pas une anticipation catastrophiste mais le prolongement de l'évolution engagée. Depuis la grande dépression de 2008-2009 jusqu’à la guerre en Ukraine, l'inflation mondialisée, la crise de l'énergie, l'emballement du réchauffement climatique en passant par la pandémie du Covid, le système est entré dans une phase aiguë d'une maladie chronique qui atteint son moteur même, l’accumulation du capital.

Devenu pléthorique, le capital étouffe sous son propre poids, ne trouvant plus les moyens de satisfaire sa boulimie de profits. L'exploitation du travail humain ne produit plus assez de plus-value au regard des investissements qu'elle exige, le marché se rétrécit tandis que la masse de capitaux explose à travers l'intervention des États et des banques centrales. Pour sauver le système de la faillite, ils subventionnent les profits, opérant ainsi un gigantesque transfert de richesses. Ces capitaux ne trouvent plus assez d'opportunités d'investissements dans la production capables de satisfaire leurs appétits sans limite et n'ont d'autre issue que d'accentuer l'exploitation du travail humain et de la nature, une économie prédatrice et destructrice. Les gains de productivité ne répondent plus aux besoins du capital qui n'a d'autre choix que d’extorquer toujours plus de plus-value absolue par la surexploitation, la violence, le pillage, une concurrence généralisée et la guerre.

L’ère de l'impérialisme décrite par Lénine il y a plus de cent ans est révolue. Le capitalisme n'est plus en mesure aujourd'hui de répondre à sa crise d'accumulation, de valorisation et de reproduction du capital par une politique d'expansion géographique, de conquête militaire de nouveaux territoires et de nouveaux marchés. Il a généralisé le marché et la concurrence à l'échelle de la planète, il est à bout de souffle, de plus en plus parasitaire et prédateur, destructeur.

Les réponses des dirigeants économiques ou politiques sont soumises aux impératifs à courte vue de la sauvegarde du système, des intérêts des classes dominantes et de leur propre pouvoir face à un mécontentement croissant des classes populaires. Elles ne peuvent qu’aggraver la situation de façon accélérée. Leur système est hors contrôle.

Tracer la perspective révolutionnaire

Le capitalisme a développé et renforcé le prolétariat comme jamais à l’échelle internationale tant sur le plan numérique, de ses liens et de sa coopération que sur le plan de ses capacités à l’auto-organisation, à utiliser toutes les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies.

Le monde est traversé par une profonde contestation sociale qui a atteint une intensité nouvelle depuis plus de 10 ans et les révolutions des printemps arabes nées de la crise de 2008, jusqu’aux récentes révoltes au Sri Lanka, au Bangladesh, en passant par l’Amérique latine ou le Hirak algérien, les luttes des migrants, le combat international des femmes et la jeunesse qui se lève dans le monde entier contre le racisme, les oppressions, les destructions de la planète et remet en cause le capitalisme.

La perspective révolutionnaire a pris une acuité et une actualité nouvelles, mais il n’y a aucun automatisme. L'offensive économique et sociale des classes dominantes se combine sur le plan politique et idéologique à une offensive réactionnaire qui alimente la montée de l'extrême droite en position aujourd'hui de pouvoir diriger la première puissance mondiale. Les rapports de classes et d’exploitation peuvent se perpétuer à travers le chaos et la barbarie hors de l’intervention consciente du prolétariat se constituant en classe, prenant conscience de lui-même, de la nécessité et de la possibilité de libérer l’humanité de la propriété privée qui fonde la domination de la classe capitaliste.

La lutte contre l’extrême-droite, partie intégrante de la lutte contre le capitalisme

Anticipant le développement de la lutte de classe, toutes les forces de droite se disputent le terrain réactionnaire, de Le Pen à Macron en passant par Ciotti, Darmanin et autres ministres homophobes, ex de la manif pour tous ou qui choisissent comme conseillers des lieutenants de Zemmour… Les uns et les autres se nourrissent d’une idéologie de classe qui ne connaît pas les barrières entre droite, droite extrême et extrême droite.

Le RN n’est pas un parti « à part », « hors système », l’extrême-droite est un courant profondément ancré dans l’histoire de la bourgeoisie, de son appareil d’État et de son armée. Il prospère aujourd’hui sur la décomposition du capitalisme, la paupérisation des classes populaires, le déclassement des classes moyennes et les peurs, les frustrations, les préjugés nationalistes, chauvins, xénophobes instrumentalisés par les classes dominantes.

Il est illusoire de combattre l’extrême-droite par des dénonciations morales, des proclamations « antifascistes » unitaires sans une politique pour intervenir dans les luttes de classes réelles, combattant les idées réactionnaires en même temps que le système qui les engendre. Et sans une rupture de fond avec la gauche « populiste » de Mélenchon qui défend la patrie, les « soldats français tombés au combat » tandis que Mathilde Panot rend hommage à la reine de l’empire britannique, « figure majeure d'un siècle d'Histoire »…

Il n’y aura pas de réponse pour les antifascistes dans le cadre du système et des institutions, hors de la construction d’un front de classe autour d'une réponse globale, un programme pour changer le monde maintenant.

L’impasse du populisme de gauche, la nouvelle mouture d’union de la gauche, la NUPES

L’Union Populaire de Mélenchon puis la Nupes ont réussi à canaliser sur un terrain électoral et institutionnel le renouveau des luttes qui remettaient pourtant en cause les trahisons de la gauche politique et syndicale et cherchaient des réponses radicales.

Le temps d'une élection, Mélenchon a réussi à donner aux illusions réformistes qu'il vend la forme d'un programme anticapitaliste radical plus crédible pour de nombreux travailleurs et jeunes que les appels à une « gauche de combat » de Philippe et que les « leçons » révolutionnaires de Nathalie bien qu’une fraction de la jeunesse regarde vers nous.

Il appelle aujourd’hui à une marche contre la vie chère dont l’enjeu est de précipiter une dissolution de l’Assemblée Nationale avec la perspective d’un « front populaire » et de nouvelles élections permettant à la Nupes d’arriver au pouvoir. Si cette marche peut être utilisée par les travailleur.e.s, les jeunes pour dire leur colère, elle représente en elle-même une impasse. Les travailleurs ont payé cher les illusions dans la gauche au pouvoir, qui a participé pleinement à l’offensive libérale au service des classes dominantes, de Mitterrand à Hollande en passant par Jospin, dont quelques éléphants de la Nupes ont été les ministres, en commençant par Mélenchon. Impasse sur la base de laquelle l’extrême-droite a prospéré.

Le succès ponctuel de Mélenchon nous renvoie à l’échec des révolutionnaires. Comment ne pas s’interroger sur le recul entre la situation des années 1995-2002, quand le mouvement révolutionnaire rassemblait jusqu’à plus de 10 % des voix à la présidentielle avec 3 candidats trotskystes, et aujourd’hui où il en obtient à peine 1,5 % ? Comment ne pas penser notre propre responsabilité dans l’évolution des rapports politiques alors que nous n’avons collectivement pas été en mesure de formuler des perspectives, d’appeler à se regrouper autour d’un programme révolutionnaire et porter la perspective socialiste et communiste non comme une utopie mais s’inscrivant dans les développements mêmes du capitalisme et de la lutte de classe.

Dans ce recul des 20 dernières années, le NPA a représenté une tentative juste de surmonter les divisions de notre camp politique. Malheureusement Lutte ouvrière l’a combattu et une partie de la direction qui en avait pris l’initiative a capitulé pour rejoindre le Front de Gauche en 2012. Faute d’avoir su ou voulu discuter et formuler une stratégie et un programme révolutionnaire, le NPA n’a pas été en mesure de faire face à l’offensive du populisme de gauche engagée par Mélenchon.

Il nous est nécessité de tirer des bilans pour être en mesure, face à l’impasse annoncée de la Nupes et aux potentialités de la lutte des classes, de donner crédibilité à une stratégie et un programme révolutionnaires adaptés aux besoins de la période.

Trancher entre deux orientations, refonder le NPA

Il nous faut rompre avec l'impasse de la politique de la majorité de la direction engagée il y a plus de deux ans avec les alliances électorales avec LFI aux municipales de Bordeaux puis aux régionales en Nouvelle Aquitaine et Occitanie.

Cette politique a été en filigrane de la campagne présidentielle avec les déclarations invitant la gauche à discuter d’un « plan B » si Mélenchon ne parvenait pas à « passer par le trou de souris » du 1er tour. Elle s’est concrétisée dans les négociations avec LFI et l’UP « élargie » à EELV puis au PS. Des négociations qui se sont poursuivies jusqu’à l’extrême limite avec l’engagement, si elles aboutissaient, de soutenir un programme de gouvernement. Si l’accord a capoté, LFI préférant sans grande surprise la prise du PS à celle du NPA, la direction n’en a pas moins soutenu la Nupes aux législatives, y compris en appelant à voter contre des candidats du NPA pour des candidats LFI ou PCF. Elle appelle aujourd’hui à participer aux parlements locaux de la Nupes, et milite pour des cadres communs.

Il est urgent de tourner la page de la confusion et des errements à la recherche d’une gauche « radicale », « de combat », de « rupture » pour affirmer clairement une orientation révolutionnaire.

Nous avons besoin de refonder le NPA, de renouer avec son projet et son ambition à sa fondation en 2009. La démarche reste pleinement d’actualité à condition de trancher les débats stratégiques laissés en chantier, de la refonder en construisant le lien entre notre programme et la stratégie révolutionnaire.

Rétablir des relations démocratiques suppose de rompre avec les errements et confusions d’alliance

Cela exige de rétablir des relations démocratiques afin de créer les conditions du débat, de la confrontation et de l’élaboration. Cela passe par le respect des fractions et des tendances, droit que remettent en cause depuis deux ans des camarades de la PFU, elle-même une fraction au fonctionnement peu transparent.

Les camarades de la PFU ont leur propre activité, initient des rencontres avec d’autres organisations, participent à des processus de regroupement avec une partie d’entre elles dans la perspective de « la construction d’une organisation anticapitaliste large », et sont incapables de concevoir un cadre d’élaboration collectif permettant de définir ce qui nous rassemble en gérant démocratiquement les désaccords. Ils ont au contraire encouragé, théorisé et mis en œuvre des scissions, encouragé le départ du CCR et affirment depuis deux ans leur volonté d’en finir avec les fractions. A Bordeaux et Angoulême, ils ont créé un « NPA en lutte » au moment des régionales pour faire alliance avec LFI, refusant de se soumettre à une décision des camarades de la Nouvelle Aquitaine. Et tout en se lançant dans ces aventures, la direction de la PFU a décidé que le CE ne se réunirait plus qu’une fois tous les 15 jours.

Rompre avec ces pratiques sectaires et scissionnistes ne relève ni de statuts ni de bonne volonté mais d’une orientation politique qui libère nos choix et notre fonctionnement des pressions de la gauche pour faire vivre une démocratie interne dynamique qui aille au-delà du parlementarisme de fractions.

Refonder le NPA autour du programme révolutionnaire qui nous rassemble

Le congrès doit être une première étape dans l’élaboration stratégique et programmatique jamais menée à terme depuis le congrès de fondation malgré bien des tentatives, dont la proposition que nous avions soumise il y a deux ans, formellement acceptée et votée par tous, mais repoussée sine die par la logique fractionnelle.

Il est indispensable de redéfinir les bases qui nous rassemblent pour redonner sa dynamique au projet de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires. Élaborer une politique qui s’adresse à l’ensemble des camarades, des sympathisants, toutes celles et ceux qui se tournent vers l’extrême-gauche, qui sont attirés par l’une ou l’autre des organisations révolutionnaires, ou qui se sentent partie prenante du mouvement révolutionnaire sans vouloir choisir une ou l’autre de ses organisations, qui cherchent des armes pour leur révolte, une compréhension du monde face à l’accélération de la déroute capitaliste et de ses drames.

Il y a une nécessité impérieuse de rassembler les forces, les militant.e.s, toutes celles et ceux qui sont affranchis des préjugés électoralistes et parlementaires qui visent à soumettre à l’ordre bourgeois, pour nous donner les moyens d’aider à modifier les rapports de force entre les classes, contre l’État et ses institutions.

Cela nécessite un programme qui réponde à la déroute capitaliste, une politique qui aide les évolutions de conscience, liant les mobilisations face aux conséquences de la faillite du système à la lutte pour le pouvoir, à la nécessité que les travailleur.es, les classes populaires, prennent le contrôle du fonctionnement de la société.

Cela nous impose de raisonner au niveau de l’ensemble du mouvement révolutionnaire et d’avoir une politique en direction de ses organisations, dont Lutte ouvrière et le CCR, en pensant le NPA comme un instrument du rassemblement en vue de la construction d’un parti du monde du travail, pour la révolution.

Cette discussion devrait déboucher sur un manifeste du NPA.

En Conclusion

Engager une discussion de fond sur la période et les tâches portée par une volonté commune de définir ce qui nous regroupe au sein du NPA, conditions pour pouvoir aborder sainement les questions de démocratie et de direction, définit l’enjeu du congrès.

Cette discussion en vue de refonder le NPA ne peut éviter des points centraux :

- L’analyse de la période, le développement du capitalisme pour redonner crédibilité à la perspective révolutionnaire, socialiste, communiste qui pose la question de la prise du pouvoir par et pour les travailleuses et travailleurs, une perspective internationaliste.

- Dans ce contexte, la nécessité de clarifier nos positions par rapport à la guerre en Ukraine. La condamnation de l’agression réactionnaire et barbare de Poutine s’accompagne d’une dénonciation de la politique des USA et de leurs alliés dont l’État français qui mènent une guerre par procuration contre la Russie. Nous ne pouvons laisser le moindre doute sur notre opposition à la propagande belliciste qui façonne une opinion nationale à l’idéologie et aux objectifs militaires des USA et de l’Otan. Il nous faut lier la lutte pour le droit des nations à disposer d’elles-mêmes à la lutte des travailleurs contre la guerre par-delà les frontières, pour le socialisme.

- La critique de l’impasse du populisme de gauche, le nouveau réformisme, la nécessité de rompre avec la politique « pour une gauche de combat », et l’actualité d’une stratégie révolutionnaire

- Dans la perspective de la construction d’un parti révolutionnaire, la nécessité de penser et formuler notre politique du point de vue de l’ensemble du mouvement révolutionnaire et ouvrier, refonder le projet du NPA du rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires.

- La nécessaire recherche de collaboration dans le travail international, comme au début du NPA, qui ne peut se limiter aux relations internationales de la majorité, principale composante de la section française de la IV.

- Ce congrès devrait ouvrir le chantier de l’élaboration d’un Manifeste définissant la compréhension commune de la période et des tâches qui nous rassemble.

Le 14/09/2022

Texte collectif dans le cadre des discussions au sein du NPA

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