Même si en France les manifestations de ce 1er mai ont été marquées par le « troisième tour » électoral et la préparation des législatives, la gauche parlementaire et syndicale essayant d’enfermer les aspirations des travailleur.ses et de la jeunesse sur le terrain institutionnel, ce 1er mai n’en a pas moins porté la nécessité de mettre un coup d’arrêt à la fuite en avant capitaliste qui entraîne les peuples et les travailleurs dans une spirale de drames et de violence.

En Ukraine, en à peine deux mois, des dizaines de milliers de personnes sont mortes sous les bombardements de l’armée russe, victimes des rivalités économiques, commerciales et aujourd’hui militaires des grandes puissances. Plusieurs millions de personnes ont été contraintes de fuir. Personne ne peut dire quels seront les développements de cette guerre ni écarter son extension tant ce qui s’y joue n’a rien de local. Biden vient de demander au Congrès 33 milliards supplémentaires pour la guerre, dont 20 milliards d'armements, sept fois plus que ce que les USA ont déjà envoyé.

La guerre entraîne des ruptures d’approvisionnements, entrave les échanges, remet en cause des processus de production, provoque des pénuries et un emballement de l’inflation dans le monde entier.

Une crise alimentaire sans précédent menace la population mondiale du fait de l’explosion du prix des céréales et des engrais, de la baisse des rendements, des conditions météorologiques extrêmes et des spéculateurs qui parient sur les pénuries. Le Programme alimentaire mondial de l’ONU annonçait le mois dernier avoir déjà dû réduire l’aide au Yémen où « existent des foyers de famine ». Dans la corne de l’Afrique victime de sécheresse et qui dépend plus que jamais de l’importation de céréales jusque-là fournies par l’Ukraine et la Russie, des dizaines de millions de personnes, d’enfants sont menacés de famine à court terme.

La guerre amplifie la crise globale et s’ajoute aux catastrophes en cours.

En Inde et au Pakistan victimes du dérèglement climatique, un milliard de personnes, dont beaucoup vivent dans des conditions misérables, sont depuis plusieurs jours confrontées à une chaleur suffocante, au manque d’eau et à des incendies gigantesques comme à New Delhi où d’immenses décharges ont pris feu.

L’intensification de la guerre de classe que mènent les possédants, la concurrence généralisée accentuent les contradictions et conduisent le monde à une catastrophe globale, économique, écologique, sanitaire, démocratique.

L’humanité n’a jamais possédé autant de connaissances scientifiques ni été capable d’autant de prouesses technologiques qui pourraient permettre de satisfaire immédiatement l’ensemble des besoins des populations. L’aspiration à construire un autre monde nourrit depuis les révolutions du printemps arabe, au début des années 2010, les révoltes, les explosions de colère partout dans le monde et le renouveau des luttes qui a suivi, dont les mobilisations de la jeunesse et des femmes.

Mondialisation de l’exploitation et des luttes

Cherchant à tirer toujours plus bas les salaires et le droit du travail, le capitalisme a parachevé la division internationale du travail. Mettant en concurrence les travailleurs d’un bout à l’autre de la planète, il les a liés dans des process de production de plus en plus éclatés. Il a transformé la vie et la conscience de centaines de millions de personnes arrachées des campagnes et brutalement projetées dans les centres industriels de métropoles gigantesques. Dans le même temps, les salariés des pays riches subissaient de plein fouet les politiques libérales, les délocalisations vers les pays dits à « bas coûts », le chômage et la casse des droits du travail.

L’Asie est progressivement devenue l’atelier principal du monde où sont produits nombre de composants indispensables aux autres étapes de la production. C’est le cas de l’industrie pharmaceutique : les principes actifs, à la base de la production des médicaments, sont en quasi-totalité produits en Asie. Sanofi, Pfizer, Merck, GSK, Novartis and Co, tout Big Pharma a délocalisé ses unités de production, pour l’essentiel en Inde et en Chine, fuyant les contraintes sociales… et environnementales pour exploiter et polluer sans entrave. Aussi aberrante soit-elle d’un point de vue social, écologique, économique, cette division internationale du travail a transformé la classe ouvrière, la perception qu’elle a d’elle-même et de sa place dans l’économie et la société.

Une nouvelle conscience internationale se construit, la conscience d’une communauté d’intérêts face aux mêmes adversaires, aux mêmes exploiteurs qui ne peut qu’entrer en contradiction avec tous les hymnes patriotiques et odes à l’unité nationale que les classes dominantes chantent à leurs populations.

Sur tous les continents aujourd’hui, les révoltes, les grèves se multiplient contre la vie chère, les pénuries, pour les salaires et les droits sociaux.

Au Pérou, les manifestions de colère qui ont débuté fin mars avec des blocages de routes par les camionneurs contre la hausse du prix de l’essence s’étendent aujourd’hui aux travailleurs de l’industrie, des mines, aux ouvriers agricoles.

Au Sri Lanka, une vague de protestations s’amplifie depuis des semaines face aux pénuries de nourriture, de médicaments et de carburant. Le pays était entièrement paralysé jeudi par une grève générale.

En Afrique, après le Mali il y a quelques semaines, les enseignants sont en grève au Togo, faisant face à la répression et à de nombreux licenciements pour fait de grève. Au Sénégal, les personnels de santé se mobilisent ; au Nigéria, les étudiants et les enseignants ; au Cameroun, des associations de consommateurs et de travailleurs font de l’agitation pour les salaires. Tandis qu’au Soudan, où le prix du pain a été multiplié par dix en six mois, les mobilisations contre le régime putschiste n’ont jamais cessé. En Algérie, les fonctionnaires étaient en grève ces 26 et 27 avril contre la hausse des produits de première nécessité là aussi malgré la répression et les menaces du pouvoir.

Des luttes qui font écho à celles pour les salaires en Grèce, au Canada, en Pologne chez les aiguilleurs du ciel, à la grève qui se coordonne au niveau européen chez Ryanair, ou aux USA aux luttes des enseignants et salariés de l’éducation, des travailleurs sociaux. Les USA où les salariés d’Amazon viennent d’arracher le droit de monter un syndicat dans plusieurs établissements tandis qu’en France les salariés de 8 entrepôts du même Amazon ont déclenché une grève « surprise » pour dénoncer des hausses de salaires « dérisoires ».

Contre tous les patriotismes et l’union nationale, une nouvelle conscience de classe internationale

C’est cette colère, l’organisation de leur lutte par les travailleurs eux-mêmes, cette nouvelle conscience de classe qui se reconstruit à l’échelle internationale que redoutent les classes dominantes et que s’emploient à dévoyer leurs personnels politiques. C’est la raison de l’offensive réactionnaire menée par les démagogues d’extrême droite et d’ailleurs. Tous rivalisent de patriotisme, tentent d’embrigader les travailleurs dans leur « union nationale », essayant pour les uns de flatter et instrumentaliser les préjugés racistes, xénophobes, misogynes… et, pour les autres, les illusions électorales et parlementaires qui, détournant la révolte sociale vers l’impasse institutionnelle, obscurcissent les consciences et désarment.

Ces préjugés se sont en partie exprimés à la Présidentielle, mais en partie seulement tant l’abstention et les votes blancs et nuls ont été nombreux (plus de 16 millions, 1/3 des inscrits) et ceux qui se sont exprimés ont d’abord voté « contre ». Les ruptures en cours sont profondes.

Les traits dominants de la période sont bien le rejet de la violence et du cynisme des classes dominantes, de la folie de leur système qu’illustre un Elon Musk se payant Twitter pour 44 milliards de dollars, un système failli qui n’a d’autre moyen de se survivre qu’une offensive toujours plus violente, un chaos de plus en plus grand. La situation de la population ukrainienne, la solidarité qui s’est exprimée ont changé le regard sur les migrants, au-delà des réfugiés ukrainiens. C’est d’un regard neuf que les opprimés du monde entier, les jeunes, sont obligés de regarder le monde pour penser l’avenir, contester le pouvoir à l’ultra-minorité de parasites, l’oligarchie financière qui met la planète à feu et à sang, pour imposer le contrôle des premiers de corvée sur la société, exproprier les multinationales, réorganiser la production et construire une société basée sur la coopération et la solidarité internationale.

Isabelle Ufferte

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