Les 12 candidats à l’élection présidentielle ont été validés lundi. Notre camarade Philippe Poutou a réussi à franchir le barrage antidémocratique des parrainages, une bonne nouvelle. La bataille du NPA pour être présent dans la campagne présidentielle vient souligner la justesse d’une politique indépendante anticapitaliste et révolutionnaire en contradiction avec la politique d’alliance avec la France Insoumise menée aux élections municipales avec la liste Bordeaux En Lutte (BEL) puis en Nouvelle Aquitaine aux élections régionales. Cette politique de la direction du NPA de recherche d’alliance avec la « gauche militante », mais concrètement dans la pratique avec une organisation bien institutionnelle, la LFI, avec laquelle les divergences sont patentes et pas que sur la guerre, a abouti à une impasse accentuée par l’éclatement de la liste BEL.

Le paradoxe est que le NPA a obtenu ses parrainages en affirmant la légitimité de sa candidature, son utilité en tant que candidat porte-parole d’un courant anticapitaliste, radical, révolutionnaire, dans sa critique du capitalisme. Cette affirmation politique en rupture avec la gauche institutionnelle ne peut que s’approfondir, se consolider par la logique du débat dans le contexte de la guerre en Ukraine, où tous les partis de gauche se rangent avec plus ou moins de zèle derrière l’Union sacrée voulue par Macron. Il n’y a que deux candidats sur les 12 qui ont exprimé clairement leur refus de l’Union sacrée : Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, les seuls candidats se revendiquant de l’internationalisme !

Cette réussite militante est aussi due à l’écho rencontré auprès de la jeunesse dans les premières réunions publiques de la campagne, reflet de l’intérêt bien réel pour les idées de transformation de la société d’une fraction de la jeunesse révoltée par ce monde pourri, écœurée par le cynisme des politiciens, qui est en recherche d’idées, de perspectives pour exprimer sa révolte, sa volonté de prendre son avenir en main.

La situation totalement inédite exige de nous des réponses tout aussi inédites qui commencent, pour le NPA, par aller jusqu’au bout des leçons de l’impasse de l’alliance avec LFI. Elle exige de tirer les conséquences pour le mouvement ouvrier de l’évolution du capitalisme mondialisé, militarisé, à savoir la nécessité de formuler une politique révolutionnaire qui ne se résume pas à « un projet de société » ou à une proclamation pour l’avenir mais qui formule pour aujourd’hui et maintenant le lien entre notre programme et la stratégie révolutionnaire, la perspective de la conquête du pouvoir.

La campagne électorale et ses suites en sont l’occasion en réponse à la politisation de la jeunesse ainsi que d’une fraction du monde du travail. Cela nécessite la plus grande clarté politique en rupture avec toutes les illusions réformistes et donc avec cette gauche en décomposition. Cela nécessite aussi de rompre avec le sectarisme qui paralyse depuis trop longtemps le mouvement révolutionnaire.

L’écho de notre campagne est la preuve que la dynamique que représentait le projet du NPA lors de sa fondation, la perspective du regroupement des anticapitalistes et révolutionnaires n’a pas épuisé sa force, d’autant que la situation tant nationale qu’internationale lui redonne tout son sens. Retrouver, renforcer cette dynamique nécessite de rompre avec les ambiguïtés de cette oscillation entre l’affirmation d’une orientation anticapitaliste, internationaliste et la recherche permanente de cadres unitaires dans l’espoir de peser sur les recompositions de la gauche. Cela implique aussi la volonté de dépasser tous les sectarismes, pour penser les enjeux stratégiques de la nouvelle période dont la guerre en Ukraine est un nouveau moment dramatique qui vient souligner la barbarie du capitalisme.

Notre projet reprend tout son sens dans le nouveau contexte de militarisation du capitalisme mondialisé pour impulser un nouvel élan unitaire du mouvement révolutionnaire, internationaliste qui fasse de la lutte pour la paix, le bien être, le respect de la nature, de notre environnement, une seule et même lutte pour le socialisme.

Reconstruire une « gauche de combat » ou un parti de l’émancipation des opprimés par eux-mêmes

Le mouvement révolutionnaire dans son ensemble, nous le NPA ainsi que Lutte ouvrière, a besoin de s’affirmer, en toute indépendance de cette gauche, même radicale, qui postule au pouvoir dans le cadre du système, comme un parti qui lie les revendications et les exigences du monde du travail, notre programme, à une stratégie de lutte pour le pouvoir en rupture avec le système et ses institutions, une stratégie révolutionnaire.

Pour nous adresser aux militants de la gauche syndicale et politique qui, tout en regardant dans notre direction, ont toujours l’espoir qu’émerge une « gauche militante », une « gauche de combat » capable de changer les choses par la voie électorale et qui se retrouve aujourd’hui, sans conviction, derrière le vote Mélenchon, il nous faut aller jusqu’au bout des conséquences de la faillite de cette gauche.

Affirmer que « notre programme de rupture » n’est pas un simple programme électoral mais bien un programme de lutte, ne suffit pas. Rompre avec les illusions réformistes ne peut se réduire à proposer un programme de bonnes revendications, aussi justes soient-elles, sur le terrain électoral tout en disant qu’il faudra les imposer par les mobilisations. Parler de « gauche de combat » permet certes de s’adresser aux militants déçus des appareils politiques et syndicaux, mais entretient la confusion, les ambiguïtés. Car c’est avec le cadre même de raisonnement de la gauche institutionnelle comme radicale qu’il faut rompre, c’est-à-dire avec l’illusion, sincère ou pas, qu’il serait possible de changer le système de l’intérieur, avec un bon programme, radical, de gauche, avec un bon gouvernement de gauche qui ne trahisse pas, dans le cadre des institutions actuelles et soutenu par les mobilisations. C’est la condition pour formuler en toute indépendance de ces illusions réformistes un programme révolutionnaire qui articule les revendications mêmes les plus immédiates à la question de la lutte du monde du travail pour le contrôle de la société, pour le pouvoir.

Les reniements et les trahisons de la gauche ont conduit à sa décomposition mais la crise est bien plus profonde et frappe l’ensemble des institutions, le jeu de dupe de la démocratie parlementaire qui masque la réalité des rapports de classes, la dictature des groupes capitalistes, des multinationales et leur mainmise sur l’État.

Face à la crise globale du système capitaliste, crise sociale, économique, écologique, démocratique et aujourd’hui face à une guerre au développement imprévisible, les institutions parlementaires et les politiciens dont c’est le seul horizon n’apparaissent plus que comme les acteurs d’une machine à duper les masses. Elles ne servent qu’à donner une légitimité à des politiques qui, tout en prétendant défendre l’intérêt général, sont d’abord et avant tout au service de la défense des intérêts des classes dominantes au détriment des populations comme de la préservation de notre environnement.

Il ne peut y avoir d’issue à la faillite capitaliste et aux multiples drames sociaux, économiques, démocratiques, écologiques et sanitaires qui menacent l’ensemble des populations comme à la guerre et à la montée du militarisme, du nationalisme, sans contester la propriété capitaliste, la domination des classes possédantes, sans affrontement de classe.

La campagne est l’occasion de formuler, à une échelle plus large que d’habitude, les enjeux de cette période d’instabilité qui porte tout autant la menace d’une mondialisation de la guerre que l’inéluctabilité de révoltes populaires, de révolutions ; l’occasion de formuler la nécessité d’une perspective révolutionnaire en rupture avec le passé, avec le système capitaliste et ses institutions soi-disant démocratiques, comme avec les illusions réformistes auxquelles s’accroche ce qui reste de la gauche.

C’est pour cela que le monde du travail a besoin de son propre parti, un parti pour l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes, radicalement différent des partis de gauche devenus de simples machines électorales incapables de penser au-delà du cadre institutionnel. Ce parti de l’émancipation des opprimés par eux-mêmes ne résultera pas d’hypothétiques recompositions de la gauche d’une gauche en décomposition mais se construira à travers la lutte de classes.

Développer une politique de classe fondée sur une stratégie révolutionnaire.

Le rouleau compresseur de la propagande, le déferlement réactionnaire qui accompagne l’Union sacrée de Macron, la surenchère des démagogues va-t-en-guerre de tous les partis de l’extrême droite jusqu’à la gauche institutionnelle, voudraient étouffer sous le nationalisme, l’hypocrisie et le cynisme des grandes proclamations démocratiques, la prise de conscience de l’antagonisme irréductible entre leur vieux monde pourri porteur de guerre et de crise et les possibilités ouvertes par les progrès des sciences et le développement social. C’est pour cela qu’il est indispensable de leur opposer l’affirmation d’une politique de classe totalement indépendante de l’opinion bourgeoise, de ses institutions, de ses politiciens.

Le débat stratégique est fondamental pour prendre la mesure des données de cette nouvelle période et se libérer des schémas du passé. Face à la crise globale du capitalisme qui nous plonge dans une spirale de catastrophes, la perspective révolutionnaire prend un contenu concret et pratique parce qu’aujourd’hui la moindre exigence sociale, démocratique, sanitaire, écologique, pacifique est incompatible avec la fuite en avant des classes dominantes pour continuer à imposer la course aux profits, l’accumulation du capital dans le cadre de la mondialisation et d’une concurrence qui aboutit aujourd’hui à la guerre en Ukraine, nouveau pas vers la transformation de la concurrence économique en confrontation armée généralisée.

Discutant, à propos du programme du parti communiste en mars 1935, de l’indispensable articulation entre revendications immédiates et perspective stratégique, Trotsky écrivait : « Pour contraindre dans les conditions actuelles les capitalistes à faire des concessions sérieuses il faut briser leur volonté ; on ne peut y parvenir que par une offensive révolutionnaire. Mais une offensive révolutionnaire qui oppose une classe à une classe, ne peut se développer uniquement sous des mots d'ordre économiques partiels. On tombe dans un cercle vicieux. C'est là qu'est la principale cause de la stagnation du front unique.

La thèse marxiste générale : les réformes sociales ne sont que les sous-produits de la lutte révolutionnaire, prend à l'époque du déclin capitaliste l'importance la plus immédiate et la plus brûlante. Les capitalistes ne peuvent céder aux ouvriers quelque chose que s'ils sont menacés du danger de perdre tout.

Mais même les plus grandes "concessions", dont est capable le capitalisme contemporain, lui-même acculé dans l'impasse, resteront absolument insignifiantes en comparaison avec la misère des masses et la profondeur de la crise sociale. Voilà pourquoi la plus immédiate de toutes les revendications doit être de revendiquer l'expropriation des capitalistes et la nationalisation (socialisation) des moyens de production. Cette revendication est irréalisable sous la domination de la bourgeoisie ? Évidemment. C'est pourquoi il faut conquérir le pouvoir. » 1

Parce que chacune de nos exigences progressistes, démocratiques rentre en conflit direct avec les intérêts des classes dominantes, elle pose la question de la conquête du pouvoir par celles et ceux qui font fonctionner cette société par leur travail. C’est le véritable enjeu de toutes les luttes qui se développent ici comme à travers le monde en réaction à la crise du capitalisme, la conquête du pouvoir par les travailleuses et les travailleurs pour mettre directement, démocratiquement l’économie, la société au service de l’ensemble de la population, et non des intérêts d’une minorité.

Dans la campagne présidentielle, comme dans toutes nos interventions, toutes nos revendications même les plus immédiates ne peuvent que s’articuler autour d’une stratégie révolutionnaire, c’est-à-dire de la nécessité pour les salarié·e·s et la population d’exercer leur pouvoir collectif pour exproprier les banques privées, fermer les bourses et les marchés financiers, prendre le contrôle de l’appareil de production, des multinationales notamment celles des secteurs clés de l’économie, santé, énergie, transports, agro-alimentaire… Répondre aux besoins les plus immédiats, implique aujourd’hui d’apporter une réponse globale à la crise globale du capitalisme, une politique qui en toute indépendance vis-à-vis des institutions et de la gauche, pose la question de la nécessité du contrôle des classes populaires sur la marche de la société dans l’objectif de la conquête du pouvoir, de la transition du capitalisme au socialisme, la question du changement de notre mode de production.

Construire le lien entre notre programme immédiat et la stratégie révolutionnaire, la lutte pour le pouvoir, est la condition pour que la dynamique du projet du NPA retrouve la vigueur nécessaire pour impulser un nouveau moment du rassemblement des forces révolutionnaires à la fois les forces organisées et, aussi et peut-être surtout, les forces qui se retrouvent depuis des mois dans les luttes et les mobilisations, qui en sont les actrices.

C’est la condition mais aussi la méthode. Donner à la démarche transitoire un contenu vivant, démocratique, dynamique répondant aux besoins de la période ne se décrète pas mais participe d’un travail collectif d’élaboration, de formulation, de mise en œuvre, de confrontation dans la pratique militante avec la réalité de l’action révolutionnaire.

Bruno Bajou

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