L’invasion de l’Ukraine déclenchée par Poutine terrorise les populations et suscite à juste titre l’inquiétude partout dans le monde. Elle provoque de terribles souffrances, les morts et les blessés militaires et civils, l’exode de milliers de femmes, d’hommes, d’enfants, les destructions absurdes, un drame mais aussi un avertissement, une alarme qui nous concernent toutes et tous, ici en France mais aussi en Europe et dans le monde. Si Poutine en porte l’entière responsabilité, la guerre n’est pas la conséquence de sa seule paranoïa mais, bien plus globalement, celle de la folie des rivalités entre les grandes puissances, de la concurrence exacerbée par la faillite du système, de la lutte acharnée que se livrent les brigands capitalistes, grands ou petits, pour les zones d’influence, la folie d’un monde où les rapports de force pour l’appropriation des richesses produites par l’ensemble des prolétaires régissent les relations entre les États.

Après avoir reconnu l’indépendance des « républiques populaires » de Donetsk et Lougansk, régions séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine, proclamées en 2014 avec le soutien militaire de la Russie, Poutine y a envoyé ses troupes « maintenir la paix », c’est-à-dire occuper l’ensemble du Donbass pour l’annexer et déclarer la guerre à l’Ukraine pour la soumettre.

Emporté par son délire guerrier, Poutine a menacé : « quiconque entend se mettre sur notre chemin ou menacer notre pays et notre peuple doit savoir que la réponse russe sera immédiate et aura des conséquences jamais vues dans votre histoire ». Une arrogance qui ne peut exclure l’usage d’armes nucléaires.

Condamner la guerre engagée par Poutine ne signifie pas fermer les yeux sur les enchaînements et surenchères qui y ont conduit. Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas voir la responsabilité de Biden, Macron et leurs alliés, de l’Otan qui, principaux fauteurs de guerre, prétendent défendre le droit des peuples.

Luttes de pouvoir, luttes économiques et commerciales contre les peuples

La guerre engagée par l’autocrate russe répond à des besoins tant de politique intérieure qu’extérieure. Le dictateur ne peut se contenter de la terreur policière pour perpétuer son pouvoir, il a aussi besoin de flatter le nationalisme grand russe et son solide soutien, l’Église orthodoxe, le sabre et goupillon, en espérant ainsi étouffer, dévoyer ou paralyser le mécontentement de la population. Son expansionnisme qui prétend défendre les intérêts du peuple russe, dans lequel il inclut les peuples d’Ukraine, obéit plus aux besoins d’une dictature à bout de souffle qu’à ceux de la sécurité de la Russie.

Les visées de Biden et de l’Otan sont claires, poursuivre, après la déroute d’Afghanistan, le déploiement des forces de l’Otan, encercler sur sa frontière ouest la Russie dont ils ont rejeté les revendications : la fin de la politique d’élargissement de l’OTAN, l’absence de déploiement militaire menaçant la Russie et le retrait des infrastructures militaires de l’Alliance d’Europe de l’Est. Et ainsi, ils ont eux-mêmes contribué à pousser Poutine dans une folle et criminelle aventure militaire. Il se veut le nouveau tsar ou le nouveau Staline qui reconstruira la grande Russie et son État bradés par Gorbatchev et Eltsine. Cette fuite en avant belliciste lui donne peut-être un délai mais il est fort possible qu’il coure à sa fin à plus ou moins courte échéance d’autant que ses ambitions expansionnistes sont disproportionnées au regard de la faiblesse économique de la Russie.

Le pouvoir ukrainien, Zelensky, se sont faits les complices de l’Otan, prêts à marchander les intérêts de leur peuple, à lui imposer des sacrifices sanglants pour défendre leurs propres intérêts et ceux des oligarques qui détiennent le pays auprès des multinationales occidentales, de l’UE.

Les États-Unis, leurs alliés, l’Otan agissent dans la continuité d’une longue tradition militariste au service des multinationales et des marchands d’armes. Comment oublier la guerre de Yougoslavie, celle d’Irak ou de Libye, d’Afghanistan, l’intervention militaire de la France au Mali et d’autres agressions militaires n’ayant d’autres objectifs que la protection des zones d’influence des USA et de leurs alliés contre les peuples.

De nouvelles sanctions, l’asphyxie financière comme arme de guerre

Les USA puis l’UE et le G7 ont annoncé une série de nouvelles sanctions afin de faire de Poutine « un paria sur la scène internationale » selon les mots de Biden. Le blocage complet de 70 % du système bancaire russe vise à couper la Russie des marchés de capitaux européens. Des mesures économiques aussi ciblant des « technologies cruciales » telles les composants électroniques et des logiciels. Elles viseront « des biens personnels et des personnalités » dont Poutine et Lavrov.

L’UE vient finalement de décider d’exclure la Russie du système de paiement Swift, l’acronyme anglais de « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication », le cœur du système financier et du commerce mondiaux dont la Russie dépend en raison de ses exportations d’hydrocarbures et de transactions libellées en dollars américains.

Par ailleurs, l’Allemagne a décidé de suspendre la mise en route du gazoduc Nord Stream 2 qui a été achevé l'an dernier mais qui n’est toujours pas en fonction. Le geste est en fait symbolique, signe de l’allégeance de l’Allemagne aux USA, Allemagne qui vient de franchir un nouveau pas en décidant d’envoyer des armes en Ukraine.

L’efficacité des sanctions, à court terme, est bien incertaine face à une Russie dont les réserves financières sont importantes. Même s’il dit vouloir ouvrir des négociations, Poutine semble ne pas trop s’en inquiéter. Ce sont les populations qui en supporteront les conséquences par des pénuries et la hausse des prix. Il a annoncé une riposte qui conduira la Russie à renforcer ses liens avec la Chine ainsi qu’avec les régimes opposés à l’Otan.

Ces sanctions ont cependant provoqué une chute importante des bourses européennes alors que les signaux avant-coureurs d’un krach financier se multiplient. Elles ont un effet retour sur les banques européennes. Les prix des matières premières, du pétrole, des métaux, des produits alimentaires, en particulier le blé, poursuivent leur hausse et donc aggravent l’inflation alors que les dépenses militaires explosent avec l’intensification du déploiement de troupes par le Pentagone et l’Otan. Ici aussi, c’est la population qui en fera les frais. Il y a tout lieu de penser que les déséquilibres de l’économie mondiale vont s’en trouver aggravés, « un important risque économique pour la région et le monde » selon les propos de la directrice du FMI, Kristalina Georgieva.

Loin de revenir à la guerre froide, le monde est entré dans une nouvelle époque de guerres économiques, financières, militaires

Bien des commentateurs évoquent un retour à la guerre froide, période, faut-il le rappeler, qui fut autant dominée par les guerres coloniales menées par les puissances impérialistes écrasant sous les bombes et le Napalm le droit à l’indépendance de millions de femmes et d’hommes que par l’antagonisme USA-URSS. L’analogie superficielle masque l’évolution du capitalisme mondialisé et financiarisé et les conséquences militaires de la globalisation de la concurrence capitaliste qui ne connaît d’autre régulateur que la force.

Autour du drame des populations d’Ukraine se négocient les rapports entre grandes puissances, l’ambition des USA et de leurs alliés de maintenir leur domination sur le monde en tentant d’imposer leur vision de la sécurité européenne en y associant l’Ukrainienne. Poutine ne pouvait accepter de rentrer dans ce jeu dicté par les USA, lui-même prisonnier de la logique aveugle et folle de sa dictature et du chauvinisme grand russe.

Il voudrait imposer la Russie et sa sphère d’influence dans un monde multipolaire, une « nouvelle architecture du monde » où les grandes puissances se partageraient les sphères d’influence. Xi Jin ping se retrouve avec la Russie pour dénoncer le monde unipolaire que les USA voudraient perpétuer, ce qui fait dire à Wang Yi, ministre chinois des affaires étrangères, « Nous comprenons les préoccupations de sécurité légitimes de la Russie ». Et la Chine s’est abstenue à L’ONU.

Le monde unipolaire dominé par les USA est dépassé mais cela ne signifie pas que puisse se constituer un nouvel ordre mondial multipolaire stable ou que nous soyons nécessairement engagés dans un processus qui conduirait à « une troisième guerre impérialiste » entre les grandes puissances pour se partager le monde, répétition de la guerre de 14 ou de 40. De nouveaux rapports de force économiques, financiers, militaires se dessinent à travers des rapports économiques, internationaux plus complexes et interdépendants que ceux que décrivait Lénine dans L’impérialisme stade suprême du capitalisme au moment de la première guerre mondiale. Le capitalisme financier mondialisé intègre l’ensemble des nations dans la financiarisation, la concurrence et la militarisation, exacerbe les tensions sans qu’aucune puissance ne soit en mesure de les réguler, multipliant les foyers de conflits et de guerres possibles, une sorte de désordre mondial militarisé.

Le développement du capitalisme atteint ses limites tant sociales que spatiales. Les tensions internationales économiques, commerciales, militaires se combinent avec une exacerbation des tensions de classes, combinaison explosive qui porte en elle un nouvel ordre mondial.

L’indépendance de l’Ukraine dont les maîtres du monde ne veulent pas, condition de la paix

Poutine justifie sa politique en niant l’existence même de l’Ukraine reprochant à Lénine et aux Bolcheviks, à la révolution d’octobre 17, de l’avoir créée en lui reconnaissant le droit à l’indépendance pour fonder ensuite, en 1922, l'Union des républiques socialistes et soviétiques mettant fin à la prison des peuples qu’était l'empire tsariste. Cette démocratique fédération des Républiques socialistes fut ensuite soumise à la dictature de la bureaucratie stalinienne foulant aux pieds les droits des peuples. Aujourd’hui, Poutine se prévaut de la continuité de Staline et invoque la deuxième guerre mondiale contre le fascisme pour justifier son agression militaire !

Des décennies d’oppression russe sur l’Ukraine, imposée avec brutalité et violence par le stalinisme, ont fait le lit du nationalisme antirusse et de la propagande occidentale anticommuniste. De son côté, Poutine voudrait instrumentaliser le « patriotisme » russe en fonction de ses objectifs réactionnaires. Cette propagande se heurte à la réalité historique, sociale que vivent les populations sacrifiées aux objectifs d’une minorité de fous furieux obsédés par leur pouvoir absurde et sanglant.

Défendre l’indépendance de l’Ukraine suppose une totale indépendance vis-à-vis de Zelensky et du gouvernement ukrainien, soutenus par l’Union européenne. Et il semble aujourd’hui qu’au sein de la population se dégage un profond sentiment contre la guerre tout autant dirigé contre la Russie que contre le pouvoir ukrainien. En Russie, malgré la répression et les interdictions, à Moscou et à Petrograd mais aussi semble-t-il à travers tout le pays, des manifestations contre la guerre de Poutine ont lieu. Les perspectives de progrès et de paix sont de leur côté, il ne peut y avoir de paix en Ukraine et dans le monde sans le respect des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes.

La seule perspective réaliste pour que le pays soit réellement indépendant serait d’exproprier les oligarques et de rompre les accords conclus avec le FMI et avec la mise sous tutelle par les organismes financiers ou encore empêcher le bradage des ressources naturelles aux multinationales.

Cette perspective est entre les mains des travailleurs, des classes populaires liés par la langue, par l'histoire, par l’économie aux travailleurs de Russie mais aussi à ceux de Pologne, de Hongrie, de Roumanie, de Biélorussie. Ensemble ils représentent la seule force à même de mettre fin à la guerre et d’ouvrir une perspective progressiste et démocratique.

En Russie comme en Ukraine, en France ou aux USA, l’ennemi est dans notre propre pays

Il serait illusoire d’attendre des gouvernements et des États une politique de paix démocratique respectant le droit des peuples. La seule paix qui pourrait sortir de nouvelles négociations internationales ne pourrait être qu’une paix armée, de nouveaux accords de Minsk codifiant les nouveaux rapports de force, un nouveau cessez-le-feu que chacun remettra en cause quand il le pourra.

Demander aux États un désarmement, une désescalade, est vain. Biden et le Pentagone comme l’Otan savaient parfaitement que leur refus obstiné d’entendre les demandes russes accompagné d’une politique de militarisation des pays frontaliers de la Russie membres de l’Otan, poussait Poutine à la fuite en avant guerrière. Il n’y a pas d’un côté le méchant Poutine menant son propre plan depuis des années et de l’autre les bons, Biden et l’Otan défendant la souveraineté des peuples. Cette propagande grossière masque la politique délibérée de Biden et du Pentagone de prendre Poutine à son propre piège s’il ne cédait pas à leur propre plan. L’assurance avec laquelle Biden a annoncé, des semaines durant, que Poutine allait envahir l’Ukraine n’était en réalité que l’expression de sa propre politique, acculer Poutine ou à la capitulation ou au pire, la fuite en avant militaire.

Dans ce jeu de poker menteur militaire auquel se livrent les grandes puissances, la politique de Biden et du Pentagone vise à affaiblir la Russie voire accélérer la fin du régime de Poutine et créer les conditions d’un éventuel accord de sécurité entre la Russie et l’Otan et, surtout, l’Europe contrainte, face à la menace russe, de s’unir, y compris militairement, ce que souhaite Washington comme l’expliquait non sans brutalité Trump. Et ce dont Macron, en bon serviteur, se fait le champion.

Face aux manœuvres économiques, financières et militaires qui ne font qu’un et constituent le contenu même de la nouvelle époque dans laquelle le monde est engagé, il n’y a pas d’ennemi principal ou d’ennemi secondaire, il n’y a qu’un seul « campisme », le campisme de classe, le campisme démocratique et révolutionnaire, le camp des prolétaires du monde entier, contre l’exploitation, contre l’oppression, contre la guerre, contre la destruction de la planète, pour le socialisme. C’est cette voix que portent ici, dans la cacophonie et les retournements de la campagne présidentielle, notre camarade Philippe Poutou et Nathalie Arthaud.

C’est bien pourquoi notre solidarité pleine et entière avec les peuples et les travailleurs d’Ukraine et de Russie face à la guerre, à Poutine, aux oligarques et aux agressions de l’Otan implique de nous donner les moyens de combattre notre propre bourgeoisie, son État et les politiciens qui les servent, en œuvrant à unir toutes celles et ceux, les organisations et courants révolutionnaires, les internationalistes qui défendent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en combattant la domination capitaliste, quelle que soit sa forme, pour la coopération des peuples, le socialisme.

Yvan Lemaitre

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