C’est une évidence : Il n’y a rien à attendre de la 26ème Conférence mondiale sur le climat qui s’ouvre ce dimanche à Glasgow et qui est censée faire le bilan des engagements pris lors de la COP21 de Paris de 2015 pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C, voire 1,5°C.

Ces engagements étaient déjà insuffisants selon un rapport de l’ONU, conduisant vers un réchauffement climatique de 2,7°C à la fin du siècle et, de toute façon, ils n’ont pas été respectés. A l’échelle mondiale les niveaux de production de combustibles fossiles excèdent déjà de 10 % les déclarations d’engagement et les prévisions des gouvernements pour 2030 sont plus de deux fois supérieures à celles compatibles avec les objectifs de l’accord de Paris, selon un autre rapport de l’ONU. Les Etats-Unis, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, l’Inde, le Mexique et l’Arabie saoudite prévoient tous d’augmenter leur production de pétrole et de gaz de plus de 5 % d’ici à 2030… Année après année les taux de CO2 atmosphérique augmentent, atteignant des niveaux inconnus de toute l’histoire humaine et les manifestations catastrophiques du réchauffement climatique se multiplient.

Derrière ce jeu de dupes des conférences sur le climat, derrière les beaux discours des gouvernements sur la planète, il y a la voracité d’une poignée de multinationales que ces gouvernements servent et qui non seulement sont responsables de la crise climatique mais qui espèrent bien profiter des milliards de la transition énergétique.

Et pour masquer cette sinistre réalité, gouvernements comme multinationales mentent avec le plus parfait cynisme comme des arracheurs de dents !

Du climatoscepticisme au greenwashing, les mensonges de Total ou l’arrogance du capital

Une récente étude vient de révéler que, comme les multinationales américaines du pétrole, Total connaissait depuis 1971 l’impact sur le climat de la combustion des énergies fossiles. Ce n’est pas vraiment une surprise, comme les autres multinationales du secteur, Total a nié cette réalité mais elle a aussi délibérément financé des études pour semer le doute sur le lien entre l’utilisation des énergies fossiles responsables des émissions de gaz à effet de serre et le changement du climat.

Total a donc menti pendant des décennies. Rebaptisée pour donner le change TotalEnergies, elle prétend désormais « être un acteur majeur de la transition énergétique » … et continue de mentir avec la complicité de l’État. Entre 2015 et 2019, Total a dépensé 77 milliards de dollars dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz contre à peine 5 milliards de dollars d’investissements dans les sources d’énergies renouvelables.

Ainsi, TotalEnergies investit des milliards dans une gigantesque installation pour l’extraction du gaz dans l’Arctique russe, Arctic LNG 2 : 200 forages, un terminal portuaire, un aéroport, des centaines de km de routes et pipelines. Même si c’est en complète contradiction avec l’objectif de réduction de l’utilisation des énergies fossiles, cette folie bénéficie du soutien de l’État français à hauteur de 700 millions d’euros de garanties. Pour TotalEnergies, le gaz est une « énergie d’avenir », en effet l’Arctique contient 30 % des ressources gazières mondiales encore inexploitées, une manne pour la multinationale qui espère en devenir le leader mondial, quitte à produire d’absurdes et mensongers « étude d’impact environnemental » et autre « plan de protection de la biodiversité » qui, « vérité alternative », prétendent que le gaz contribuera à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et que le projet Arctic LNG 2 « produir[a] un impact positif sur la biodiversité et les communautés locales ».

De même, et toujours en parfaite contradiction avec les préconisations internationales des scientifiques sur le climat, TotalEnergies, là encore avec le soutien de l’Etat français et, directement, de Macron, investit dans un gigantesque projet de champs pétrolifères « Tilenga » en Ouganda, 400 puits de forage, 1443 km d’oléoduc, des dizaines de milliers de personnes expulsées et déplacées, une menace directe sur la biodiversité de la région. Même opération de « greenwashing », Total osant soutenir avec cynisme que ce projet dénoncé par de nombreuses ONG ougandaises sera « efficace en termes d’émission de gaz à effet de serre » … Seule réponse face aux protestations, six militants environnementaux viennent d’être arrêtés en Ouganda où le gouvernement multiplie les pressions contre les ONG.

La « transition énergétique », une pompe à fric pour les multinationales

Un rapport du gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité français (RTE) « Futurs énergétiques 2050 » présente six scénarios de transition énergétique à quelques jours de la COP 26. Censé apporter le point de vue des « experts », il ne sert qu’à fournir des arguments en faveur du nucléaire au moment où le gouvernement voudrait le faire entrer dans le catalogue des énergies non carbonées, ce qui ouvrirait une manne pour toutes les multinationales françaises du secteur, comme Orano (ex-Areva)… même si c’est au prix de quelques mensonges. Prétendre que le nucléaire serait indispensable et meilleur marché pour la transition énergétique est une cynique plaisanterie quand tous les EPR en construction sont des gouffres à milliards à l’avenir incertain, et que le problème de la gestion des déchets qui resteront radioactifs, pour certains des centaines de milliers d’années, reste aujourd’hui insoluble.

L’« urgence climatique » sert surtout aujourd’hui d’argument d’autorité pour faire passer sans débat, un vaste plan de financement public au service de multinationales, sans autre logique que d’alimenter leur fuite en avant pour préserver la machine à profit. Ainsi le plan de Macron « France 2030 » prévoit, entre autres, 8 milliards d’euros pour l’énergie et la décarbonation, en clair la promotion du nucléaire, de l’hydrogène, l’électrification de l’industrie et des transports. Macron devrait bientôt annoncer la construction de nouveaux EPR et même de mini-centrales dont la faisabilité reste discutée, sans parler de leur coût et de leur danger.

Outre que ces milliards vont alimenter les dividendes des actionnaires du CAC40, ils vont aussi permettre de financer des investissements lourds pour les multinationales de l’énergie, du transport et de bien d’autres secteurs dans le cadre d’une concurrence internationale exacerbée, et qui n’ont en réalité pas grand rapport avec le souci de répondre aux enjeux de la crise climatique.

Ce décalage entre les discours sur le climat des dirigeants, les leçons de morale sur la nécessité de « changer nos modes de vie » et cette réalité insupportable d’une poignée de multinationales qui mentent, empochent et détournent l’argent public tout en continuant à exploiter les peuples et piller les richesses naturelles, ravager l’environnement, ne peut qu’engendrer dégoût, révolte, et contribuer à transformer les consciences, en mettant à nu la folie de cette société capitaliste, l’impasse dramatique dans laquelle elle nous conduit.

De la protestation contre l’incurie des Etats à la lutte de classe révolutionnaire

Les discours sur la nécessité de changer les comportements individuels n’ont plus cours, les illusions dans les conférences internationales sur le climat et la biodiversité se dissipent. L’inquiétude et la colère ne font que grandir dans une fraction de la population et notamment dans toute une partie de la jeunesse qui se mobilise depuis plusieurs années face à l’inaction des gouvernements. A travers ce combat c’est toute une génération qui s’interroge sur les perspectives à donner à la lutte pour le climat.

La discussion ne peut se réduire à une simple surenchère de mesures écologiques qui seraient plus ou moins radicales, car la question climatique ne peut être posée à part, indépendamment de la crise actuelle du capitalisme et de ce qu’elle révèle de la folie destructrice de ce mode de production. Aucun programme écologique, aussi radical soit-il, ne pourra être mis en œuvre dans le cadre de cette société, sans rien changer aux rapports sociaux, sans remettre en cause la propriété capitaliste des moyens de production. Car la moindre réponse envisageable pour faire face aux enjeux du climat se heurte aux frontières nationales et aux rivalités entre États, au désordre de la libre concurrence et à la cupidité aveugle des multinationales. C’est le fonctionnement même du capitalisme, les lois du marché, sa logique aveugle d’accumulation du profit qui rendent impossible toute tentative d’organiser rationnellement la production de biens utiles dans le respect de l’environnement.

Comme le proclame un slogan repris dans les manifestations de la jeunesse pour le climat « l’écologie sans lutte de classe c’est du jardinage » … ou, pourrait-on compléter : sans lutte des classes l’écologie reste sur le fond une opération du « greenwashing » des vieilles illusions réformistes, y compris pour bon nombre des courants qui se proclament écosocialistes. L’écologie est devenue le nouveau fonds de commerce des vendeurs d’illusions, de ceux qui postulent aux affaires dans le cadre du jeu institutionnel et qui espèrent capter la légitime inquiétude face à la crise écologique à coup d’éco-promesses qu’ils ne pourront tenir une fois élus.

Discuter des perspectives de la lutte pour le climat ne peut se réduire non plus au débat qui traverse le mouvement entre les défenseurs d’une lutte qui devrait rester non-violente et ceux qui voudraient que le mouvement se radicalise à travers des actions plus directes qui s’en prennent aux infrastructures des multinationales de l’énergie, comme les pipelines.

Prendre conscience que le réchauffement climatique est intimement lié aux contradictions du capitalisme, et vouloir s’attaquer aux racines du problème implique non de détruire des installations mais de remettre en cause la domination des multinationales, ce qui veut dire remettre en cause la propriété privée capitaliste, pour en finir avec cette absurde logique mortifère d’accumulation du capital qui ne peut qu’accentuer la rupture entre la société humaine et son environnement.

Jamais la contradiction n’a été aussi grande entre une production assurée par le travail social d’une classe ouvrière plus importante que jamais, jeune, instruite, féminisée, interconnectée et la propriété capitaliste archaïque qui permet à une poignée de multinationales de soumettre toute la vie sociale aux seuls intérêts de leurs actionnaires, quel qu’en soit le prix à payer pour les populations comme pour l’environnement.

La catastrophe climatique rejoint la catastrophe sociale, sans oublier l’urgence sanitaire, elles sont toutes trois le produit d’une faillite globale du capitalisme mondialisé et c’est bien pourquoi elles se rejoignent dans une seule et même lutte des classes, « fin du monde, fin du mois, même combat » comme le scandaient les gilets jaunes...

Répondre à la faillite globale du capitalisme est l’affaire du mouvement ouvrier international

Les multiples aspects de cette faillite globale entraînent partout dans le monde un renouveau de la révolte sociale dont les mobilisations de la jeunesse contre le climat participent. C’est à travers ces luttes qu’émergent et s’expriment de nouvelles aspirations démocratiques, une nouvelle conscience de classe qui, de fait, oppose l’immense majorité de la population à cette minorité de classes dominantes, dont les intérêts divergent irrémédiablement.

Cette lutte de classe qui se développe débouche sur de nouveaux affrontements à travers lesquels se pose la question de qui dirige cette société, la question de la nécessité de conquérir la démocratie, c’est-à-dire de construire le pouvoir de ceux qui produisent tout et devraient prendre le contrôle de la société en se donnant les moyens de la gérer rationnellement pour répondre aux besoins sociaux de tous, seule possibilité de construire une relation harmonieuse entre la société humaine et la nature dont elle est partie intégrante.

Il n’y a pas d’autre issue à la crise écologique que de construire une autre façon de produire et d’échanger, ce qui veut dire changer de mode de production, remettre en cause la propriété capitaliste et, pour cela, s’organiser pour la transformation révolutionnaire de la société.

Alors que la campagne pour les élections présidentielles démarre, et que tous les candidats de l’extrême droite à la gauche gouvernementale en rajoutent dans le « greenwashing » électoral et politicien, c’est la nécessité d’inscrire la question climatique, écologique comme la question sociale dans la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société que les candidats anticapitalistes et révolutionnaires, notre camarade Philippe Poutou pour le NPA, Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière et Anasse Kazib pour Révolution permanente devraient porter d’une même voix.

Bruno Bajou

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