Les manifestations du 5 octobre ont regroupé 160 000 manifestants d’après la CGT. Pas une grosse mobilisation mais néanmoins, au regard de la passivité des directions syndicales, elles ont permis de se retrouver, de discuter des augmentations de prix, des salaires, de l’assurance-chômage, des retraites… témoignant du mécontentement parmi les travailleurs, pas dupes du baratin sur cette soi-disant « reprise ».

Dans les cortèges, les luttes locales se sont invitées comme celles de Transdev ou de Bergams en région parisienne. Des collectifs de luttes ont également manifesté dans certaines villes, se regroupant par-delà les divisions d’appareils.

L’état d’esprit des manifestants est sans illusion sur ces journées d’action sans lendemain, ainsi que sur la volonté de se battre des confédérations syndicales, elles qui sont restées silencieuses sur les manifestations du samedi contre le pass sanitaire.

Le communiqué de la CGT n’annonce d’ailleurs aucune suite, il ne s’adresse même pas aux travailleurs : « Le débat national doit se porter sur ce qui préoccupe prioritairement le monde du travail : les questions sociales ! »… Comme si l’offensive actuelle était une question de « débat » et pas d’intérêts de classe bien tangibles.

Cette passivité contraste avec la colère qui s’exprime dans les grèves locales, lorsque les travailleurs prennent l’initiative, bien décidés à ne rien lâcher.

A Marseille, la grève des éboueurs démarrée depuis le 23 septembre contre l’augmentation de leur temps de travail, s’est poursuivie malgré la signature de FO et les fortes pressions locales, allant jusqu’à la réquisition des grévistes par la préfecture.

A Transdev, la direction se sert de l’ouverture à la concurrence du réseau de bus d’Ile-de-France pour supprimer des primes, augmenter les horaires de travail… Face à elle, les grévistes sont entrés dans leur 5ème semaine de grève, réussissant à l’étendre à d’autres compagnies, au-delà même de la région parisienne.

A Grigny, dans l’Essonne, les salarié(e)s de Bergams (confection de sandwichs) sont en grève depuis 4 semaines, stoppant toute production par un piquet 7 jours/7. Ces travailleur(se)s refusent l’APC (accord de performance collective) imposé par un chantage aux licenciements, augmentant la durée du travail et baissant les salaires… Pendant que Caron, patron du groupe Norac auquel appartient Bergams, apparaît dans les 400 plus grosses fortunes du pays !

Dans la santé, les sages-femmes ont exprimé leur colère le 7 octobre à Paris, réclamant des effectifs et des augmentations de salaires après leur grève de septembre. « Marre d’être sage », « Véran accouche ! »… leur mouvement exprime le ras-le-bol des travailleuses de la santé.

Cette colère qui sourd de partout, les directions syndicales sont bien incapables de l’exprimer. Il est clair que ces dernières ne veulent pas préparer l’affrontement. Elles restent sur des vœux pieux, des « propositions », participant complaisamment au jeu du « dialogue social » avec Castex et Macron.

Mais il n’y pas d’autre réponse face à ce monde capitaliste en faillite. Donner une suite au 5 octobre, c’est justement préparer consciemment cet affrontement face à une bourgeoisie à l’offensive sur tous les terrains sans craindre la rupture avec les directions syndicales.

Une offensive sociale et politique au service du CAC40

Avec le budget 2022, le gouvernement veut imposer des coupes claires dans les budgets sociaux et les services publics en annonçant une progression des dépenses de 0,7 %... soit une véritable politique d’austérité vu la flambée des prix actuelle. Mais pas question de toucher au Crédit Impôt Recherche, une belle niche fiscale de 6 milliards par an pour le patronat ! 

Même chose pour la Sécurité sociale, où Moscovici, patron de la Cour des comptes, déclare qu’il est temps de « sortir des modes de gestion de crise ». Attaques sur les retraites, sur l’assurance-chômage, voilà leur réponse alors que les gouvernements successifs ont multiplié les exonérations de cotisations sociales pour le patronat.

A l’opposé, les grands groupes capitalistes, qui ont profité des milliards des plans de relance, se dépêchent aujourd’hui de rembourser les prêts garantis par l’Etat dont ils ont bénéficié… une obligation pour pouvoir augmenter les dividendes de leurs actionnaires.

Le nouveau scandale des Pandora Papers expose au grand jour le parasitisme de cette bourgeoisie financière et de ces politiciens qui la servent. Près de 35 chefs d’Etat, actuels ou passés, 330 responsables publics et 130 milliardaires se trouvent dans ces fichiers de paradis fiscaux spécialisés dans la création de sociétés écrans. Et pourtant, les règles s’étaient soi-disant renforcées !

Combattre la régression sociale en cours signifie combattre cette logique financière. Le contrôle sur ces mouvements de capitaux ne peut passer que par l’intervention des travailleurs, ceux des groupes financiers, des banques, des multinationales. Cela signifie la levée du secret commercial, le contrôle des salariés sur les comptes des entreprises, en finir avec cette « confidentialité » du monde des affaires si chère aux patrons.

De même, la flambée des prix de l’énergie démontre l’urgence de renationaliser le secteur, d’exproprier ces sociétés financières de ce marché juteux qui a conduit à l’augmentation de 70 % du prix de l’électricité en France depuis 20 ans !

Face au retour de l’inflation, l’échelle mobile des salaires et des pensions est indispensable pour le monde travail, surtout lorsque les entreprises du CAC40 réalisent plus de 60 milliards d’€ de profits au premier semestre, soit 41 % de plus qu’en 2019 !

Il est urgent de prendre en main les services publics. Pas question de laisser faire le gouvernement, lui qui détruit des lits d’hospitalisation en pleine crise sanitaire ! Les salariés et la population, en particulier dans les quartiers populaires, sont les mieux à mêmes d’évaluer les besoins, dans la santé, dans les écoles, dans les services sociaux. Il n’y aurait pas d’argent pour les embauches nécessaires ? Il y en a déjà beaucoup trop pour alimenter le puits sans fond de la finance.

La bourgeoisie mène son offensive sur le terrain social, mais aussi sur le terrain politique. Tout est bon pour tenter de diviser le monde du travail, de l’affaiblir par les discours les plus réactionnaires destinés à nous diviser, à nous dresser les uns contre les autres.

Pour justifier leur politique à l’égard des plus riches, Macron et le gouvernement stigmatisent les chômeurs, les pauvres… A l’image de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, soupçonné par ailleurs de détournement d’argent public à la tête des Mutuelles de Bretagne : « Avec nous, quand on travaille, on gagne plus »… Cynisme le plus révoltant, alors que le Secours populaire révèle que la France compte 9 millions de pauvres, un million de plus qu’il y a dix ans !

C’est sur ce terreau réactionnaire que prospèrent les discours racistes et xénophobes, à commencer par celui de Zemmour, sponsorisé par les médias contrôlés par Bolloré. Tous se précipitent pour durcir leurs discours contre les migrants, de Le Pen à Pécresse en passant par Bertrand et Barnier, sans oublier Macron.

Cette politique traduit toute la crainte des classes dirigeantes, leur crainte devant la riposte des travailleurs pour exiger leur dû, toutes origines confondues. Il n’y aura pas de contre-offensive sans politique internationaliste, de classe, formulant clairement que les travailleurs n’ont pas de patrie et que seule leur unité peut renverser ce vieux monde.

Regroupons-nous en rupture avec les institutions et le dialogue social pour changer le monde

Préparer les suites du 5, face à l’offensive globale de la bourgeoisie et du gouvernement et en réponse à la passivité des directions syndicales, c’est tisser des liens, nous coordonner pour préparer notre réponse sur le terrain social et politique, notre terrain de classe. Cette réponse ne peut être une nouvelle journée d’action sans lendemain, ni le piège des élections pour enterrer notre révolte. Ne nous laissons pas endormir par les boniments électoraux, les élections ne changeront rien. Elles ne nous permettent rien d’autre que de défendre nos idées avec Philippe Poutou et les autres candidats révolutionnaires, Nathalie Arthaud et Anasse Kazib, d’y porter la perspective d’un programme pour en finir avec la domination du capital et imposer le contrôle des travailleurs, de celles et ceux qui produisent tout, sur la société.

Dès maintenant, nous avons besoin de prendre en main le contrôle de nos luttes pour en être les acteurs conscients, nous unir, dépasser les clivages et réalités des appareils syndicaux pour construire notre unité en toute indépendance de classe.

Dans les différents collectifs issus des mobilisations de Gilets jaunes ou de la lutte pour les retraites, dans ces collectifs militants cherchant à rompre les sectarismes et les jeux d’appareil tant syndicaux que politiques, des liens se tissent à la base, des solidarités se construisent.

Organisons-nous, discutons de notre programme pour les luttes qui pose l’urgence du contrôle des travailleur(se)s et des classes populaires sur toute la marche de la société. Comme le disaient bien des manifestants, c’est une révolution qu’il faudrait ! Oui, mais elle sera le produit de notre action collective consciente et organisée. Elle commence aujourd’hui en prenant, nous-mêmes, le contrôle démocratique de nos propres actions.

Laurent Delage

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