Mégafeux en Amérique du Nord, en Sibérie, en Turquie, en Grèce et en Espagne ; pluies diluviennes en Allemagne, en Belgique, en Chine, en Inde et aux Etats-Unis, famine à Madagascar à cause de la sécheresse, la succession, cet été, de catastrophes directement liées au réchauffement climatique n’a fait que confirmer les avertissements de plus en plus alarmistes des scientifiques.

Publié début août, le dernier rapport du GIEC confirme bien, comme l’annonçaient les quelques fuites qui avaient provoqué en juin dernier un scandale hypocrite, que l’ampleur comme la rapidité du changement climatique actuel sont sans précédent. Rédigée par 234 scientifiques de 66 nationalités, cette synthèse de plusieurs milliers d’articles récents est sans appel : « Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850 », la dernière, 2010-2019 est la plus chaude depuis 2000 ans et le mois de juillet dernier est le plus chaud jamais enregistré par les scientifiques. La conséquence de cet emballement est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes, vagues de chaleur et sécheresses comme pluies diluviennes et inondations. Comme le résume un de ses rédacteurs, Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS : « Nous sommes entrés dans le dur, et cet été n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend si nous n’agissons pas dès maintenant ».

Pourtant la prochaine COP sur le climat qui doit se tenir à Glasgow en novembre prochain, la 26ème depuis une trentaine d’années, ne sera comme les précédentes qu’un festival de discours lénifiants et moralisateurs, d’étalages de bons sentiments… et de mensonges cyniques.

Pas plus face à la pandémie que face au réchauffement climatique, les États ne sont capables de s’entendre pour prendre des décisions politiques à la hauteur des recommandations des scientifiques, car cela impliquerait de s’en prendre aux intérêts des multinationales qui dominent toute la vie sociale et économique et dont ils servent les intérêts. Si les conférences internationales sur le climat ont échoué à diminuer les rejets de gaz à effet de serre, aujourd’hui supérieurs de 60 % à leur niveau de 1990, elles ont été la vitrine promotionnelle d’un capitalisme vert, permettant avec le plus parfait cynisme aux multinationales responsables de la situation d’empocher, au nom de la transition énergétique, des fonds publics tout en continuant à exploiter les populations, à piller les richesses naturelles et ravager l’environnement.

Congrès de la biodiversité, au service du greenwashing des multinationales et des États

Inauguré en grande pompe par l’autoproclamé « champion de la Terre » Macron, le Congrès mondial de la nature, organisé la semaine dernière à Marseille par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), est une nouvelle illustration des contradictions de la situation, du décalage insupportable entre les données scientifiques, les avertissements mêmes des organismes les plus officiels et l’incapacité des Etats à faire autre chose que se mettre au service des multinationales en couvrant leurs mensonges.

Plusieurs associations dont Extinction Rébellion ont tenu à dénoncer « l’opération de Greenwashing » de ce Congrès dont les sponsors privés officiels sont Nutella, multinationale de l’agroalimentaire et Véolia, multinationale de la gestion de l’eau, en organisant leur propre « congrès alternatif », les 2 et 3 septembre, intitulé « Notre terre, notre nature ». En réalité l’UICN est une « ONG environnementale » bien particulière qui regroupe des associations, des réseaux d’experts mais aussi des États voire des multinationales et comme le fait justement remarquer une journaliste de Mediapart, son Congrès de la biodiversité a des allures de forum de Davos car s’y retrouvent des représentants des LVMH, Engie, Veolia, Total, et autres Microsoft, des représentants de la BCE et du Medef et toute une partie du gouvernement français avec son propre pool de « partenaires » économiques : JCDecaux, BNP Paribas, la SNCF, le groupe de transport maritime CMA CGM, le groupe de luxe Kering, etc.

Les associations du Congrès alternatif veulent mettre « en lumière l’opposition mondiale aux tentatives de gouvernements, de l’industrie de la conservation de la nature et de grandes ONG de transformer 30 % de la planète en “aires protégées” [et de donner] une valeur marchande à la nature ».

Car derrière ce qui pourrait apparaître comme un progrès, l’augmentation des « aires protégées », il y a souvent des opérations orchestrées par des multinationales qui cherchent à accaparer de nouvelles terres, de nouvelles ressources, au nom de « leur protection » et le plus souvent au détriment des populations qui y vivent. Et cela ouvre aussi pour elles, de nouvelles possibilités de spéculation sur les droits de compensation et les droits à polluer, tout en faisant croire que le capitalisme vert, la finance verte, les lois du marché, permettront de sortir de la crise… Mais c’est bien la logique même de ce système et la fuite en avant des classes dominantes pour le prolonger qui ne cessent d’aggraver la crise écologique globale.

Sans surprise rien n’est sorti de ce congrès, à part la confirmation par les experts du caractère catastrophique de l’effondrement de la biodiversité, de belles paroles de politiciens et des promesses de contrats juteux pour les représentants du patronat… Pourtant cet effondrement est une réalité tout aussi inquiétante que le réchauffement climatique. Les derniers rapports sur la biodiversité de l’IPBES, le réseau de scientifiques de l'ONU, font un constat terrible : 1 million d’espèces vivantes menacées d’extinction, 75 % de la surface des terres, 66% des milieux marins endommagés… et depuis plus d’un an et demi nous vivons une des conséquences annoncées de cet effondrement avec la pandémie du Covid19. Car comme le soulignent les scientifiques de l’IPBES, la déforestation qui s’intensifie, les élevages intensifs industriels, comme la multiplication des échanges internationaux préparent le terrain à de nouvelles zoonoses, à l’apparition de nouvelles maladies à partir de la faune sauvage... La crise écologique, l’effondrement de la biodiversité nous ont fait entrer dans « l’ère des pandémies » selon le titre de leur dernier rapport.

Des discours écologiques de façade… pour masquer les mêmes politiques !

Mais alors que son gouvernement a prolongé l'utilisation du glyphosate et réintroduit les néonicotinoïdes tueurs d'abeilles, Macron a eu le culot lors de l’inauguration de ce Congrès de prétendre vouloir « inscrire la nature au sommet des priorités internationales ». A neuf mois de l’élection présidentielle, il aimerait se donner une posture écologique, pourtant les faits sont têtus… toutes ses tentatives pour apparaître « écolo » se sont retournées contre lui. Son « Haut Conseil pour le climat » ne peut que constater le retard de la France, la Convention citoyenne pour le climat qu’il espérait docile, lui a fait des propositions trop « radicales » qu’il n’a pu qu’écarter de sa loi climat, totalement insuffisante, et verdict final, le Tribunal administratif a confirmé la condamnation de l’État pour inaction climatique… Les grands discours sur le climat comme sur la biodiversité n’y changent rien, plus Macron prend la pose écologiste, plus se révèle sa soumission aux intérêts des multinationales et de la machine à profits.

Des associations ont d’ailleurs annoncé vouloir déposer une nouvelle plainte au Tribunal administratif contre le gouvernement pour dénoncer son inaction dans la protection de la biodiversité. D’autant que l’écart est béant entre les déclarations de Macron et la réalité des moyens mis en œuvre. Depuis 2011, selon la FSU, les effectifs des différents services publics concernés par la protection de la biodiversité sont en baisse, de 20 % pour les agences de l’eau, 3 % pour l’Office de la biodiversité, 18 % pour plusieurs parc nationaux…

Mais, il n’y a pas que Macron qui essaie d’utiliser l’écologie, comme un thème rassembleur et consensuel pour faire oublier son bilan et sa soumission aux intérêts privés… Dans la course qui s’engage pour la présidentielle, tous les partis veulent faire de l’écologie un thème central, en espérant profiter de la réelle inquiétude que la crise écologique entraîne mais en se gardant bien d’aller à la racine des choses et de relier les enjeux du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité à l’impasse dans laquelle la crise globale du capitalisme nous conduit.

Ainsi Yannick Jadot, dans le cadre de la primaire pour les écologistes, a annoncé la couleur : « Il n’y aura pas de transition écologique sans les entreprises. Beaucoup d’entre elles ont investi dans la sobriété et s’engagent dans des secteurs puissants comme les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments… » pour conclure face à ceux qui lui reprochent son manque de radicalité… « La radicalité de l’écologie, c’est de gagner la présidentielle. ». Au moins c’est clair !

Prendre le contrôle de la marche de la société pour planifier la production des biens utiles

Le changement climatique comme l’effondrement de la biodiversité sont une menace pour l’ensemble de l’humanité avec déjà des retombées cataclysmiques pour des centaines de millions d’humains. Mais cette crise écologique n’est pas un problème à part, déconnecté de l’évolution du capitalisme mondialisé. La crise écologique globale est avant tout la conséquence de l’aberration du système capitaliste, de ce mode de production qui ne repose que sur l’exploitation du travail humain et le pillage des ressources naturelles, et ne connaît d’autres limites que l’accumulation sans fin du Capital.

Cette irrationalité du capitalisme ne peut qu’entraîner des déséquilibres écologiques totalement incontrôlables dans le cadre d’un système où la course aux profits prend le pas sur tout tentative d’organiser rationnellement la production de biens utiles.

Comprendre les causes profondes de la crise écologique, c’est aussi prendre conscience que face aux catastrophes annoncées, mobiliser tous les moyens humains, scientifiques, techniques pour mettre en œuvre les solutions à la hauteur des enjeux implique d’affronter les intérêts sociaux et politiques des classes dominantes, d’une poignée de multinationales et de leurs actionnaires, de remettre en cause la propriété capitaliste.

Ce n’est qu’en rupture avec l’ordre social actuel, en prenant directement, collectivement le contrôle de la marche de la société pour imposer d’autres choix sociaux qui fassent passer la défense des intérêts du plus grand nombre et la préservation de l’environnement avant ceux d’une minorité, que l’ensemble de la production et des échanges pourra être réorganisé dans le cadre d’une planification démocratique au service de la satisfaction des besoins de tous.

Bruno Bajou

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